Un petit avis sur
X Files – Régénération (The X Files – I want to believe) (je spoile sur l'ensemble du film)
Le film ne parle pas de conspiration gouvernementale ni d'extra-terrestres, et quiconque a déjà vu la série un peu plus largement que l'image qu'on s'en fait sait très bien que la majorité des épisodes se compose d'une mosaïque d'affaires non-classées (les X files en question) mêlant questions proprement surnaturelles et un paquet d'aberrations génétiques.
Régénération fait partie de ce pan de la série, qui est à l'origine bien plus présent que les histoires de l'homme à la cigarette et de ses copains ; en partant de ce postulat, se plaindre de ne pas retrouver ce qui a fait la légende (pour ce genre de choses on parle de mythologie, à l'échelle) publique de la série est soit un caprice de fan insatisfait de ne pas poursuivre ce qui faisait selon lui l'essence de la série (se décevoir tout seul en imaginant des choses que personne n'a vraiment promis), comme une conclusion aux mesures bancales de ses espoirs (et qu'il espère toujours en guise de troisième et dernier film à sortir en 2012, le jour de la fin du monde), qu'il voudrait voir remplacer quelques dernières saisons lourdes, affaissées sous leurs propres extensions tentaculaires jusqu'au vomissement, soit une idiotie de qui n'a jamais regardé autre chose qu'un ou huit épisodes (disons
Tunguska et
Anasazi,
Tempus Fugit ou
E.B.E.) et parle d'un fond qu'il ne connait pas. D'ici, que fait-on ? on se débrouille déjà pour ne pas avoir de générique de début (quitte à faire supposer au spectateur que le
cold open habituel dure vingt minutes avant qu'il se satisfasse de ne pas savoir s'il verra malgré tout dans la liste des
noms tels que William B. Davis ou Nicholas Lea (pourquoi pas, sait-on jamais, bref), ou même plus simplement Mitch Pileggi) et limiter la ritournelle légendaire en six notes à trois apparitions, une tout au début, marque de présence, une finale (fin de boucle) et une pour un effet comique totalement délié de la série.
Ce qu'on veut voir, c'est pourtant simple : Mulder et Scully.
Nous débutons dans la neige, sans trop savoir ce qui se déroule : deux idées mises en miroir, l'une début de nuit et l'autre de matin, l'une en lieu presque fermé et l'autre ouvert, une à deux ou trois et l'autre à tant qu'on ne sait pas vraiment si les compter est intéressant. Le montage est un peu lourd, passant d'un point à l'autre en s'accélérant comme pour fixer les battements de cœurs de la victime sur les recherches pleines de froid, du spectateur aussi. Le mystère ne vient pas encore du meurtre mais de la façon dont on découvre le corps, un corps, un seul membre même, qui ne correspond pas a qui a disparu. Un prêtre aide le FBI (un ancien pédophile d'ailleurs, dérangé par ses pulsions au point de s'être castré), on ne sait pas ce qui le lie au mystère. A la limite, on s'en fout, il sert à intégrer les "légendaires" Mulder & Scully sur une piste mystérieuse, tandis que le meilleur avantage de ce personnage est qu'il met Scully encore une fois face à ce que d'aucuns prétendent faire partie de sa religion (on ne verra pas, je crois, le fameux pendentif (que ce soit l'original ou un autre semblable) symbolisant sa foi, son espoir pragmatique et touchant, mais on sait que Scully est en lien au christianisme et, si on ne le savait pas, les marionnettistes se débrouillent pour faire apparaître son personnage comme médecin dans un hôpital religieux (elle a servi de médecin légal tout au long de la série, de médecin tout court quand cela servait (même si je retiens d'un épisode vu dans la journée qu'elle a arrêté de pratiquer), d'agent du FBI le plus souvent et au moins une fois on l'a vue avec une tenue proche du commando et elle a écrit sa thèse sur le paradoxe du jumeau d'Einstein, ça m'a toujours surpris qu'elle soit comme un couteau suisse parfois)), qu'il la met face aux limites de l'homme, de ses croyances et de son rapport à l'autre, à au moins deux niveaux distincts (le prêtre signe la limite de l'acceptable d'un côté et pourtant devient clé de la vérité, la mettant dans l'impasse voulant qu'un viol et un violeur peuvent avoir une conséquence positive, qu'on s'empressera de remettre au centre et sous les milliards de négatives évidemment).
A partir d'ici (aussi, encore), que fait-on des clins d'œil ? à première vue, le clin d'œil ne se fait pas sur la mythologie de la série, donc on se les fout au cul, ils ne servent plus à grand-chose pour l'amateur moyen (s'il y a une chose qui rappelle un épisode avec Leonard Betts*, on fait quoi ? rien, non ? il est dur de faire quelque chose qui serve réellement, il ne servira qu'à rien d'autre qu'à satisfaire qui l'a entrevu, ayant du mal à entamer autre chose que son entreprise de rapport temporel) on s'estimera juste content de voir comment la mise en scène s'amuse avec les scènes d'introduction de personnage, conservant l'idiotie volontaire et le suspense basique qui consiste à faire voir d'un homme ou d'une femme simplement la main ou le dos, pour ne s'apercevoir qu'un peu plus tard qu'il s'agit bien de LUI (OH ! AH !) ou d'elle (AH ! OH !) (l'exercice devient d'un ridicule assumé, à effet presque comique quand il arrive une troisième fois sur Skinner). Ici, à l'inverse le retardement sert à comprimer l'excitation : on sait que cet homme retourné est Mulder, et depuis l'autre côté de la caméra on retarde l'apparition de son visage. Aussi on sera finalement ravi, comme un gamin, de voir que l'iconique poster de Mulder est toujours placardé sur un mur. Même chose, plus ou moins, pour la photo de Samantha ou pour quiconque arrive peut-être à lire les coupures de journaux à côté. Perplexe quand sur un lit traîne un bouquin de Dori Carter (apparemment la femme de Chris) intitulé "Beautiful wasps having sex" (même si je suppose que les wasps en question sont de ceux qu'on apprend en troisième ou quelque chose dans le genre, les célèbres white anglo-saxon protestants, ce que l'on peut, en étant très généreux, estimer que Mulder et Scully sont, la guêpe est un motif récurrent de la série, à moins que ce ne soient les abeilles… enfin).
En fait, ce qu'on voulait voir, c'était… comment dire ? Mulder et Scully, oui, si possible avec l'enrobage de beaux dialogues et d'aura mystique, de relation élaborée sur des années (qu'il devient difficile à rendre à l'écran en une ou deux heures, à résumer, étendre et contracter), de combinaison d'habit de fonction et de tension sexuelle plus ou moins palpable, ça, c'était avant et maintenant au moins voir comment ça marche, comment après ce temps ils ont changé et dans quelle mesure ils sont restés immuables. Hic ou non, leurs chemins qui dans la série partaient d'une base professionnelle pour se tisser sur le reste de leur vie, deviennent ici, par les années qui passent, plus proches physiquement, c'est peut-être pour cela que la relation professionnelle est brisée, se composant pour la majeure partie de choses largement différentes pour l'un et l'autre, quitte à se départir du rôle (Scully, en tenue de Docteur, n'est pas le personnage Scully, même si c'est un autre type de vêtement, un autre uniforme—déjà dans la série, le seul fait de la voir en tenue civile créait un malaise rigolo, tant elle s'incarnait comme agent et peut-être objet figé dans une unité de tenue : maintenant l'uniforme a changé, sa réalité revient avec l'enquête), et petit à petit reprenant une cohésion impossible à afficher : les longueurs d'ondes redeviennent communes, mais le tandem est pour le moment impossible, pour une raison ou une autre, à réunir. La fin signe donc une sorte de retour à la normale du métier, de l'enquête achevée en couple plus ou moins victorieux, redonnant par la même occasion un lustre au couple sous une optique personnelle (à vrai dire, en dehors de quelques allusions dont certaines peuvent avoir l'air de se contredire, on ne sait pas vraiment comment vit le couple, comme si cela n'était pas nécessaire et que l'idée qu'ils portent se révélait par le reste, par leurs réactions). On restera peut-être coi devant quelques répliques : l'horreur à laquelle ils faisaient quotidiennement face dans leur ancien métier supposée comme encore vivante (la haine du médecin fondamentalement incapable de réussir ce à quoi il s'engage d'un côté, le ressassement improbable d'une foi dont on en est presque à taire à la fois le but et la raison pour l'autre (je reste choqué non pas de la réplique de Scully sur les 37 enfants de chœur, mais par sa réplique sur la sœur de Mulder : après quelques minutes de film, on a déjà oublié qu'elle était leitmotiv des actions de Mulder dans la série et a continué de l'obséder au point qu'une affaire sans lien pourrait être réellement ou symboliquement liée (pour ceux qui le peuvent : voir l'épisode Paper Hearts, même si par sa ponctualité ce n'est peut-être pas un exemple pertinent)), les deux continuant à s'exprimer et reprenant leur expression d'avant à travers cette histoire de prêtre pédophile et de corps disparus sans raison apparente) et ne pouvant (je place plusieurs niveaux en même temps, c'est un peu douteux mais tant pis) s'extraire que dans une dernière farandole, une dernière danse en couple qu'est ce film. Ainsi, ceux qui restent pendant/après le générique verront, en regard du dialogue final, une sortie devenue extraction du monde horrifique en un retrait comme obligé d'être heureux et schématique. Après tout ce qu'il y a eu, que reste-t-il à croire, à vouloir croire ?
Oh, le scénario n'est même pas mauvais. Le traitement, lui, est un peu bancal : on se demande presque s'il était nécessaire d'intégrer deux nouveaux agents du FBI dont l'une disparaîtra misérablement sans qu'on n'ait vraiment rien su d'elle (alors que son placement mi-admiratif mi-perplexe face à Mulder aurait pu augurer des choses intéressantes si le film était parti dans une autre direction) et dont l'autre sert de contrepartie pragmatique si molle qu'on ne sait pas trop s'il est convaincu lui-même (à cette image, c'est peut-être lui le plus proche du film), ou s'il n'aurait été plus judicieux de résumer tout cela à coup de téléphones et d'autres absents physiques. On se demande d'autres choses ; si la bonne idée de séparer Mulder et Scully (en fonction) une bonne partie du film est réellement, à l'écran, une bonne idée : le climax qu'auraient pu être les retrouvailles finales n'a pas tant d'intensité que ça et plus généralement, eh bien le couple fonctionne justement en tant que couple (sauf exceptions : si vous pouvez allez voir l'épisode Le shérif a les dents longues), le yo-yo géographique se liant au relationnel ne parvient pas à s'approprier les tensions. On pourra aussi féliciter les gens qui l'ont fait pour que toute une partie du film (qui donne le sous-titre français du film : Régénération) soit réellement en fond, jamais vraiment présente ni expliquée autrement que par des rapports très vagues à ce que fait Scully, ce qui aurait été un bonus non négligeable si le reste du film était mieux mené, ou autrement axé encore une fois (avis dans le vide). Et effectivement, dans cette optique, un film partant sur les bases de complot et d'extraterrestres aurait pu, sinon gommer des choses étranges et/ou perfectibles probablement, du moins faire en sorte qu'elles soient plus en arrière dans la tête de qui regarde (devrait-on donc à Chris Carter d'être sincère et de larguer l'intrigue gouvernementale pour nous offrir un squelette renouvelé de la relation Mulder/Scully ?) (si on peut vraiment l'avoir, cette resucée de complot, on ne s'en plaindra pas non plus, hein ; le film n'est pas parfait mais tente son propos, et pourrait annoncer un mélange adéquat pour 2012), et plutôt qu'eux deux servant de prétexte à une resucée de complot, c'est la régénération qui, à peine vue dans son propos paranormal, s'en vient envahir le sentiment par la dernière incarnation d'une entité large dont seul les deux personnages ont toujours émergé comme monuments incassables.
* Leonard Betts, bien qu'il ait été choisi au hasard, est un personnage dont l'activité peut effectivement se rapprocher de celle du film, même si c'est de loin.