29.9.07

les pleurs du lot 49

"And here time forked."
-- Pale Fire, l. 404.








On a coutume de perpétuer la coutume semi-établie qui veut—et à raison—nous dire que Vente à la criée du lot 49 (The Crying of Lot 49) est le roman le plus accessible de Thomas Pynchon, et est donc une porte d’entrée remarquable pour le reste de son œuvre. Plus court, moins bouillonnant de personnages que V. ou Gravity’s Rainbow par exemple, plus centré sur une histoire seule et unique, moins inhabituel dira-t-on. Situé sur le territoire du doute presque paranoïde entre l’humain et l’Histoire. Entre, ou à l’intersection.
Oedipa Maas (qui devient logiquement Œdipa dans la version française) retrouve un pan de son passé quand elle est nommée—ô surprise—exécutrice testamentaire de Pierce Inverarity (nul besoin d’être bien malin ou bilingue pour repérer plus ou moins rapidement dans ce nom quelques significations semi-intéressantes et cohérentes), ancien amant, sacré richard de l’immobilier mobile californien. Comme Stencil poursuivant son mystère V., Oedipa cherche ce qui se passe exactement, ne se souvient même pas de Pierce, demande à son mari Wendell (‘Mucho’) Maas, didjé à la station KCUF, station à retourner, se balade en Californie, sur les paysages aussi excitants que des circuits imprimés d’un gigantisme à faire peur, sur des autoroutes qui seringuent, intraveinent les villes adipeuses d’une dose constante et immonde de bonshommes, rencontre des philatélistes, des psychiatres désormais dérangés, d’obscurs facteurs, des critiques de théâtre jacobéen, des libraires qui s’autodafent, une ribambelle de guignols et un système postal secret, en marge du gouvernement, en marge de l’officiel. Et ce système de réapparaître, symbolisé par un cor muni d’une sourdine, un peu partout pour qui sait regarder, sur le mur des chiottes d’un bar gay, au milieu du quartier chinois, gravé sur un baobab, dans les égouts crocodiliens ou plus simplement sur des timbres déviants. Investigation en spirale qui la fera découvrir toute une histoire disparue, devenue alternative, de systèmes postaux (Thurn und Taxis et Trystero, devenu l’actuel W.A.S.T.E.—We Await Silent Trystero’s Empire) en lutte et passé(s) en Amérique avec l’espoir magnifiant et le secret, servant à une faramineuse correspondance entre suicidaires ratés, prolos au poil dru et tout une population qui a choisi de s’éloigner—au moins sur ce point—du gouvernement, de l’habituel intrigant. Au final, ça ne change rien, le courrier va probablement aussi vite chez l’U.S. Postal et il y a moins de contraintes, mais c’est comme ça, d’aucuns ont décidé, sciemment ou non, de perpétuer quelque chose. Oedipa découvre un nouveau monde, recoupe les quelques aperçus, fait ce qu’elle peut, appréhende, et doute : et si tout cela n’était qu’une vaste farce ? un canular demandant des moyens énormes ? ou pire cherche-t-elle à combler un manque révélé par le testament ? pire ? quel manque ? n’importe quoi ; après tout, le déni est souvent une solution efficace. Tout devient fou autour, le doute finit par s’avouer, le lot 49, lot de timbres clandestins, légué, qui sera mis aux enchères, pour peut-être découvrir la notice Ikéa du nœud gordien, ou au moins une lime pour racler les barreaux qui se sont crées.

Pynchon, avec son mélange entre le tapage interne humain et la cacophonie externe historique, même si discrète. L’hallucination n’est pas collective mais à propos même du collectif, la paranoïa guette Oedipa et ses compagnons de route (son psychiatre, ancien expérimenteur à Buchenwald, ou un groupe de rock, les Paranoïaques), les bribes d’informations doivent se confondre en une théorie générale, expliquant tout ce qui s’est tramé. L’intuition contre la raison n’est pas un choix raisonnable, ici les deux sont fondus en une seule entité qui mène Oedipa par des détours sur un chemin qui se serait parcouru sans eux.

« So began, for Oedipa, the languid, sinister blooming of The Tristero. Or rather, her attendance at some unique performance, prolonged as if it were the last of the night, something a little extra for whoever’d stayed this late. As if the breakaway gowns, net bras, jewelled garters and G-strings of historical figuration that would fall away were layered dense as Oedipa’s own street-clothes […] as if a plunge towards dawn indefinite black hours long would indeed be necessary before The Tristero could be revealed in its terrible nakedness. Would its smile, then, be coy, and would it flirt away harmlessly backstage, say goodnight with a Bourbon Street bow and leave her in peace ? Or would it instead, the dance ended, come back down the runway, its luminous stare locked to Oedipa’s, smile gone malign and pitiless; bend to her alone among the desolate row of seats and begin to speak words she never wanted to hear. » (chapitre trois)


La recherche n’est pas forcée mais l’enthousiasme ne suit plus (dès la première phrase ici citée le blooming pourtant assez positif est contré un peu par languid et plus par sinister—encore qu’en prenant la définition latine, ça va mieux—sans parler du Tristero), la curiosité piquante fait place à un ersatz d’intérêt compensé par la volonté un peu morne donc d’achever ce qui a été commencé ; l’incapacité à appréhender (imaginez vous retrouver d’un coup d’un seul dans la bibliothèque de Babel : que faire pour comprendre ?) l’ensemble n’arrangeant rien. Le doute des découvertes luttant avec le doute de la réalité. Les révélations arrivent par morceaux, l’assemblage sera fait du mieux possible mais l’indicible d’abord puis fleurissant à sa gueule, l’indicible sentiment que tout cela la dépasse, qu’il est littéralement impossible de vraiment mettre à jour et à nu des siècles de non-dits et d’hommes habillés de nuit. Les morceaux effrontés qui se sont effondrés ont laissé place à un vide qui devient point d’ancrage. Tout simplement dépassée, comme le monde dépasse l’homme tout petit. Oedipa tente, Pynchon brossant un portrait d’une réalité totale inexistante pour l’humain seul. Une sorte de constat du manque de moyens évident. Une sorte d’appel pour quelque air qui pourrait approcher l’ensemble tout en ayant à éviter de se crever les yeux. Si la lumière écrase l’homme, autant avoir une paire de lunettes à portée de main. Il s’agit simplement ( ! ) de pouvoir les fabriquer et les porter. Confrontée à l’extension du monde, Oedipa s’étend elle-même sur une scène de plus en plus large. Son extension doit pouvoir suivre l’extension du monde, un manque de flexibilité entraînant l’écartèlement pur et simple, un déni mental des possibilités épuisantes rencontrées. C’est ici le point majeur du roman, usant dans un cri le contact de l’un face au tout. L’accroissement du domaine de pensée est supposé entraîner une augmentation dans le choix et les possibilités. Oedipa ne peut suivre cette crue du possible, les choix deviennent restreints, le chemin devient plus étroit. Mais l’horizon est vaste, le chemin est aussi large qu’avant ; seul le contraste le rend plus étroit en proportion ; on tend les doigts jusqu’au coude en se demandant si on découpera les montagnes avec sa faux géante ou si MAIS MON Dieu oui ô c’est bien mon coude qui coince dans mon orbite et mon petit œil sinistre (gauche donc) qui me traverse les intestins petit à petit sans se taper les mètres entiers et qui me pendouille déjà entre les genoux en empalage inversé. Bref. L’œuvre romanesque de Raymond Queneau débute par « Une silhouette se profila ; simultanément, des milliers. Il y en avait bien des milliers. », boum, découverte immense immédiate. Là aussi ouverture de l’œil, torture du réel, perte de raccords. Comme si la réalité était un tableau vieilli aux dimensions ridicules de grandeur, qui s’effritait, se restaurait sous les pas d’Oedipa, laissant voir l’immense original, aussi pâle que la copie.

La métaphore du théâtre citée plus haut se poursuit et devient réalité avec la croisée d’une pièce élisabéthaine, The Courier’s Tragedy, dans laquelle Oedipa découvre l’aspect historique, jusque là à peine effleuré, du Trystero. Suit une poursuite de sens et de réalité, de la trace écrite, des versions différentes de la pièce pour déterrer un filet géant de lettres ponyexpressées à travers les siècles, un rets d’hommes de la nuit, vêtus de la couleur nuit, tapotant sur le cul d’autres facteurs. Une histoire en marge, écrite à l’encre invisible dans les pièces, les timbres. Oedipa, de spectatrice (voir citation plus haut) passe alors actrice, cherche à devenir actrice, et attend de pouvoir écrire ou mettre en scène, d’être dans les maintenant passifs et plus dans les pas encore actifs. Encore une fois tentative de mise en ordre, même minime, de ce qui échappe à l’ordre, respect et embrassades de l’idée (intangible) sinon du texte (tangible), mise au clair désabusée de l’indicible et de l’absent, construction (appropriation) du néant par l’humain. Mélancolie d’Oedipa qui lutte encore, se traduisant en doutes énormes sur la réalité même, courant vers des connaissances inanes et insanes, sachant bien qu’au bout du compte quelque chose lui tombera sur le coin de la gueule. Idée de golem (le terme est assez mal choisi, enlevez-lui l’idée que le golem est création humaine et gardez le reste) accroché au slip et qui pourtant est tant devant que derrière nous reprise à plus grande échelle dans les iliades pynchoniennes suivantes. Une sorte de pourquoi ultime lancé à travers l’histoire à n dimensions, qu’on aimerait vu de l’espace à n+1, là où la successivité du n devient simultanéité, accumulation dépliée, où l’on ne pourra accéder qu’en enjambant une route qui n’existe plus depuis bien longtemps, et vu d’un endroit où l’on a compris que le fait même que rien n’ait de valeur n’a lui-même pas de valeur.

C’est peut-être le roman pynchonien le plus court et le plus aisé à lire, mais c’est aussi le plus noir et celui qui demandera le plus de retours pour un vue d’ensemble convenable, comme si la texture même du texte épousait le propos dans ses doutes, ses réponses qui apparaissent en dehors et son échappée du monde, sa capacité au lecteur d’embrasser le rituel pistuel d’Oedipa Maas, de comprendre ce qui s’est passé même s’il lui manque des détails, jusqu’à être porté dans la même situation qu’elle, à attendre qu’on vende, qu’on crie et qu’on pleure, qu’on souffre et souffle pour trouver ce lot 49, qui comme le V. n’a plus aucune valeur intrinsèque et revêtira des significations qui lui sont totalement absentes, des projections, des réalités, des reflets. On dit que, quand on lui montre le ciel du doigt, l’imbécile regarde le doigt. On peut aussi dire que le non-imbécile, même s’il tend ses yeux vers le ciel, ne voit que le doigt. Et ça—
on s’efforce de détruire ce doigt, cette image qui de rémanente passe à permanente, ce ciel encombré de rien.

Oedipa aussi allait vers la grâce. Il est d’ailleurs assez drôle de lire son aventure sous l’angle de la machine infernale qui a détruit Œdipe (qui ici est l’angle de feu Pierce Inverarity, sorte de pointe fine d’un socle géant qui fait tourner le disque Oedipa). S’en tire-t-elle vraiment mieux ? Œdipe s’en tirait-il si mal ? En attendant, on casse du doigt.

28.9.07

Toblerond.

Première volée de premières phrases de romans (ou de nouvelles, ou de—bref). Certaines traduites, d’autres non. Classées par ordre alphabétique d’auteur. Certaines transparentes, d’autres moins, et si vous reconnaissez, tant mieux;

Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d’un joli vert de jade.

In a sense, I am Jacob Horner.

Le soleil brillait, n’ayant pas d’alternative, sur le rien de neuf.

Je suis un homme malade… Je suis un homme méchant.

Caché derrière l’écran des broussailles qui entouraient la source, Popeye regardait l’homme boire.

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar.

Je vous raconterai une autre aventure plus étonnante…

Il fallait qu’on ait calomnié Joseph K. : un matin, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté.

When he woke in the woods in the dark and the cold of the night he’d reach out to touch the child sleeping beside him.

Having placed in my mouth sufficient bread for three minutes’ chewing, I withdrew my powers of sensual perception and retired into the privacy of my mind, my eyes and face assuming a vacant and preoccupied expression.

A screaming comes across the sky.

Now single up all lines.

Une silhouette se profila ; simultanément, des milliers.

Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d’une tête.

I am seated in an office, surrounded by heads and bodies.

Je crois que j’aime les cuisines plus que tout autre endroit au monde.


(un classement des cent meilleures (sic) ici)
Demain si je me réveille: autopériphrase géante sur the crying of lot 49.

24.9.07

"Vex'd pig hymn waltz fuck bjorsq."

Samsa s’amassa, cambra bras, trancha : à bas la pampa ! Samsa la rasa. Par l’Alaska, à Atlanta, par Shambhala, avant Madagascar. Flamba jacarandas, caraganas, catalpas, ananas, abaca. Abrasa Manhattan. Pallas, Fama, Járnsaxa marchandant l’achat à l’as Samsa sans tact. Crack banal, fat, chacal astral, savant abracadabrant, Samsa n’avança pas l’aval à l’amas sacral. Las ! fatal, Samsa trancha ; pas d’appâts.
Cataractant Atlas ;
cascadant Mars ;
jann’calmant Bamba ;
avalant Äkräs
bananant Brahma ;
gamahachant Shamash ;
kravmagant Mamaragan ;
castrant Baal.
A part, l’armada hasarda, barra l’sac cassant. Krach, ça rata, Samsa chabala Gnaa ;
alcatraza Râ ;
gaza Saga ;
râpa Adad ;
mallarma Máttaráhkká ;
massacra Nanna, Sága, Rán ;
harassa Ptah ;
magnacarta Dagda ;
ataxa Râ ;
marava Allah ;
starwarssa Vanth ;
hallala Lada ;
parallaxa Apalala ;
tartara Pan ;
fracassa Pachacamac.
Samsa brava, chambarda, malaxa l’fatras d’abats. Ajax gagna Damas, krak à Samsa : bagarra, manda match :
Spartaaaaaaaaaa! gaffa Ajax, captant mal. L’arc banda.
Paf, dans l’flanc, dans l’flanc. L’arc s’affala.
Argh, scanda, navrant blabla, Ajax, matant gaga Walhalla. L’arc à plat.
Sans mana, Ajax rata, clamsa. Ad astra. A Mars, à Thark la nacarat.

Grand Baba, pas plat, passa tard par Djakarta, catcha (sans gants) Samsa : armbar, DDT, half crab, splash, flapjack, Alabama slam. Samsa, sans tact, rasant (pas marrant), flamma dar-dar l’match, jackhamma Baba. Sanglant, Baba cana, attrapa l’char vacarmant allant à La Paz, passa par Mars, traça macadam à Thark, plana, mata dans l’art : —Ah ! grand Ajax, scandala Baba. Ajax capta, fantasmant à Samsa macchab. Plaçant grand Baba dans sa casa, plan tranchant s’traça, fatal à Samsa, bas Samsa, plat Samsa. Tars Tarkas, nabab à Thark, as spadassant d’Mars, part dans la caravanàjax. Chantant c’t’hasard pas banal, Ajax banda.
Mal planant, Ajax sans Tarkas flatta sa lam—katana ; Tarkas sans Ajax charma l’art, flambant max. Baba, bras balançant, pansa l’flanc d’Ajax.
Chakra. Partant par catamaran astral, clan alla à Kampala, safarant Samsa.

Dans sa casbah à Rabat, à l’hara : Samsa a l’art pas flambant ; savant vantard, n’crama pas l’art par magma— Samsa a Sagan, Barth, Mann, Karl Marx, Carl Barks, Kabawata, Kant, Alcman, Kafka, Katz, Pascal, Sand, Gracq. Balzac, Ballard, Tzara, Gass, Grass, Shaw, Basara, Nana, Ada, V., W, Watt, Kafka. Dada, Mahâbhârata, tantras. Samsa avala arak, armagnac, cachaça, schnaps, calva, grappa, pastaga : schlass, cracha. L’hamac balança dans sa cabana, Samsa lâcha gras ballast, alla à l’appart’ malabar d’atlas, d’almanachs. Kafka. Franz. Passant mal c’bâtard d’hamac, Samsa jamba, sa carafavant s’abattant dans l’champ lavandant. Gagna tard l’Alhambra. L’calva rasa Samsa dans l’hall : paf. Là, Ajax s’abat. Baba l’attacha, Tars Tarkas ramassa. Transbarda. A Samarkand. Marchant, Ajax attrapa par l’panard Samsa bavard, tança l’fada.
A Casablanca, lascar Samsa arracha l’sac, banda l’arc grand d’Ajax, gâcha dard par dard. Nada, pas—basta, rang damnant sans l’arc. Tars Tarkas aggrava Samsa ; carcan cravatant Samsa, hart, Tars ancra caban, laça parka (Prada !), sangla falzar, attacha panards, tassa.

Bramant dans l’sac d’astrakan :
Abra, chanta Samsa, cadabra. Shazam. Charmant l’chaland, papa, maman, s’armant à l’hasard, pas attachant.
Mandats d’satrap’ ! Tant d’apparats ! Strass ! Nanas, amants ! Graal ! , charlatannant. Arh, tracas. Gras avant, bagnard tard. Vassal…pff, pas la baraka.
Grand Baba sapa falbalas, canarda Samsa : —Mars Attacks ! Calmar !
S’calmant, Ajax bandana la façasamsa, s’acharna : —Bavard ? Fracas, cancan ? Ramdam ? Bazar, chambard, java ? haha ? Jackass. Ça t’s’ra fatal. A Spa, Massa dans sa Brabham t’abattra ; à Brands Hatch, Clark dans sa BMW rabattra par flash ; à Braga Rahal dans sa Dallara t’battra ; da Matta dans sa Mazda chambardant ta jactanc’ d’anar. Ramassant abat par abat, ta chapka cass’ra. Glas. A bras cadavra. Blabla ?
Ça calma Samsa.

Ajax, Grand Baba, Tars Tarkas gagnant Samarkand. Dans l’cabas, Samsa flancha : —Gasp !
Ajax charma, grand art, cabala. Kaf, vav, Tarkas shaman aggrava, passa à tabac par alphas, gammas, as, ankhs, kaphs, lambdas, hamzas… Samsa cala, cassa, s’adapta ; bazar : panda, chat, varan […] naja, bagaraatan (ah !), rat, cafard, s’balada. Cafard. Rampa à Dhaka, à Ankara, à Accra, à Bagdad, barra Kazakhstan, Ghana, Qatar,… alla tant, tant antan tant tard. Palpant pas d’avatar. Cafard, Samsa s’amassa, cambra panards, banda l’arc.


(note sur les personnages ;
Ajax est Ajax le grand, fils de Télamon et Roi de Salamine. Si vous voulez, c’est en fait le petit. Grand Baba est Giant Baba, soit Shohei Baba, un célèbre catcheur japonais de quelque deux mètres six, soit probablement bien plus qu’Ajax. Tars Tarkas est un barsoomien vert, meilleur ami de John Carter et, en bon martien vert, il possède deux membres de plus que toi et mesure environ quatre mètres, soit bien plus que Baba. Bien sûr, il vit vraiment à Thark. Toutes les divinités évoquées existent (dans les limites de la mythologies) et les (Felipe) Massa, (Jim) Clark, (Cristiano) da Matta et Rahal sont des pilotes pros relativement connus (pour Rahal j’aurais pu mettre le prénom Graham, mais là ça serait plutôt Bobby). Samsa quant à lui évoque l’éponyme de la Métamorphose, et sa fin ici en cafard va dans ce sens. Tarzan, Batman, Pac-man, Vardaman, d’Artagnan, Jack Lang ou Zach Braff auraient pu faire l’affaire...)

(note sur moi; aujourd'hui c'est mon anniversaire)

20.9.07

Buffle Bill.

>HUM

Je manque encore de flexibilité (même avec ça j'ai du mal)...

18.9.07

Single up all grace ?

Alors même qu'on apprend (hier ou aujourd'hui) que dans quelques semaines sortira un petit volume reprenant quelques propos sur la traduction d'Against the Day, on (ou du moins je) découvre deux nouvelles couvertures pour les rééditions du roman. Les paperbacks débarquent !
A 9£99 le premier novembre, on trouvera ça, Vintage, random house. D'après amazon, c't'une version qui fait 1232 pages.
A 18$, le 30 octobre, on trouvera ça, Penguin. 1104 pages. L'original en faisait 1085. Hum.
Etranges couvertures. Mais ça fera une nouvelle lecture, je crois que je n'attendrai pas la traduction.

Extrait [1] Ho— Son.

Come shadow, come, and take this shadow up,
Come shadow shadow, come and take this up,
Come shadow, come, and take this shadow up,
Come, come shadow, and take thos shadow up,
Come, come and shadow, take this shadow up,
Come, up, come shadow and take this shadow,
And up, come, take shadow, come this shadow,
And up, come, come shadow, take this shadow,
And come shadow, come up, take this shadow,
Come up, come shadow this, and take shadow,
Up, shadow this, come and take shadow, come
Shadow this, take and come up shadow, come
Take and come, shadow, come up, shadow this,
Up, come and take shadow, come this shadow,
Come up, take shadow, and come this shadow,
Come and take shadow, come up this shadow,
Shadow, shadow come, come and take this up,
Come, shadow, take, and come this shadow, up,
Come shadow, come, and take this shadow up,
Come, shadow, come, and take this shadow up.


Louis Zukofsky, Julia's wild (in Bottom: on Shakespeare)
(le bleu n'est pas d'origine)

17.9.07

ELUCIDE EUCLIDE

Quelques mots en fin d’un chapitre—qui soit dit en passant se trouve immédiatement avant et annonce ce qui est peut-être le chapitre le plus drôle de tout ce qu’a pu écrire Thomas Pynchon—et la fête débarque. Mason & Dixon, page 370 ; « …as meanwhile M. Allègre proceeds, before a room-ful of what, to his mind, must seem unfeeling barbarians, to recite his Iliad of Inconvenience. »
Commence donc au chapitre suivant l’Iliade d’Armand Allègre, cuisinier français. Basée sur des canards automates. Le lecteur moyen revenu en arrière et déjà frappé par quelques itérations remarquera une fois de plus le rétroclindœil Inconvenience, ainsi que l’assonance en I (et même l’utilisation du mot barbare, qui fait très grec), mais on s’en fiche. Ce qui compte ici, c’est l’Iliade. Le mot—encore qu’au pluriel—a déjà surgi en page 242 et revient en page 443, en page 591, peut-être ailleurs, je ne sais. Le mot Odyssée est lui page 690. Ce qui compte, c’est que Mason & Dixon est entre autres un texte présentant deux hommes (on ne poussera pas le bouchon en rappelant que les deux messieurs en question ont découvert Uranus…). En allant voir à l’arrière de son exemplaire, avec un peu de chance, on tombera sur un morceau de review de John Leonard qui nous dit que c’est un texte sur l’amitié masculine, donnant en exemples conjoints Ulysses ou Huckleberry Finn. L’idée pourrait bien évidemment surgir de l’Ulysses joycien, mais non. Par contre, Mason & Dixon, ainsi qu’Ulysse maintenant, peuvent nous renvoyer à Mercier et Camier (autre renvoi à Joyce) mais ici surtout à Bouvard et Pécuchet. Et là, magie. En 1947 (ce qui n’a donc plus grand’chose à voir avec Flaubert), Raymond Queneau a écrit une préface à Bouson et Pécuxon. Préface dans laquelle il estime que toute grande œuvre est soit une Iliade, soit une Odyssée (toute œuvre occidentale en fait, mais l’un dans l’autre, ça doit aussi se tenir pour le reste).

[je ne l’ai sous la main, mais cette préface est disponible dans Bâtons, Chiffres et Lettres (et des extraits dans le folio classique de Bouvard et Pécuchet). Pour accompagner et même un peu plus, je peux sortir cette interview en anglais ('pas mieux) reprenant et élargissant ce principe]

L’homme au milieu de l’Histoire, dans l’Histoire, en conflit avec elle, serait l’Iliade, tandis que l’Odyssée se concentrerait plus sur l’homme et son expérience, comme détaché d’un contexte social ou historique, faisant pourquoi pas de sa vie un événement. Deux façons de voir les choses.
Le point de rupture, l’ouverture d’une brèche se trouveraient justement avec Ulysse, très au courant de son ascendance grecque et bougeant tout ça, en restant une Odyssée, plus proche même du sens ici conféré à l’Odyssée que l’Odyssée elle-même. Depuis ça, finalement, statistiquement tout est toujours pareil, mais tout a changé. Les odyliades existent aussi bien que des choses que ne sont ni l’une ni l’autre—revenons à Armand Allègre.
On peut bien considérer que son aventure est une Iliade (remarquez le non-dit qui a déjà mis en route le fait que cette petite histoire était une grande œuvre…). L’ensemble de Mason & Dixon, en dépit de l’aspect historique du texte, peut-être admis comme une Odyssée. Odyssée générale compensée par les extraits au fil du texte de la Pennsylvaniade de Timothy Tox. Avec des définitions aussi larges (du genre qu’on appelle définition parce qu’il faut bien un mot), on se passera de préciser que Mason & Dixon s’éloigne d’une Odyssée à bien des moments. On pourra aussi préciser que, comme l’Odyssée (enfin bon…), comme Ulysse, M&D comporte trois parties. Je précise également que je n’ai lu l’Odyssée qu’une fois, et que…comment dire… en gros ça m’a emmerdé. Pour un comparatif de certaines choses dont je préfère me dire qu’il aurait au moins un petit intérêt, c’est raté. Il faudra se contenter de quelques notes pas très éparses.
L’Europe sort en partie assez large pour être considérée de la Grèce, et après tout l’Amérique presque entière s’est assimilée depuis quelques siècles à un appendice de l’Europe qui déglinguerait son statut d’appendice. Une sorte de déplacement fragmentaire de l’Europe… La période sur laquelle s’étale le roman dans sa période américaine—en gros la décennie 1760, peu avant la déclaration d’Indépendance—fait encore état d’un pays peu organisé, en proie à des luttes internes. Moment assez pratique pour évoquer par la construction de la ligne Mason-Dixon une démarcation entre deux états futurs, deux colonies pour l’instant, deux mondes totalement différents et que les colonies en conflit ne s’imaginent pas. Ligne qui se doit d’être la plus droite possible, suivant les lignes imaginaires et pratiques qui pullulent sur le globe, sorte de coupe de poil de cul en quatre, précision incroyable à tenir pour s’approcher de ce qu’un guignol a tracé en deux secondes sur une carte. Cette précision est bien évidemment, par des facteurs humains, d’observation, de manque non pas de rigueur dans la méthode de l’étudiant (encore que—c’est à un niveau qui dépasse l’observateur) mais dans les instruments eux-mêmes, la méthode admise, loin d’être exacte. Loin ou près, tout dépend de la précision. Comme l’Histoire elle-même est sujette à divergences d’interprétations, la ligne est sujette à variations minimes, qui se font petit à petit, avec l’espoir qu’elles puissent s’annuler en s’accumulant. En dehors de ce sens, la ligne qui avance avec Mason, Dixon et quelques autres rejoint assez aisément le sens de l’Odyssée, sur une ligne que l’on sait aller droit, mais passant par des tours et détours plus ou moins probables ; preuve qu’une ligne droite n’a jamais vraiment été le chemin le plus rapide entre deux points. La ligne, tant qu’elle n’est pas achevée, regroupe les deux hommes, comme à chaque fois plus proches, par glissades successives, du centre invisible de la frontière, tandis que sa fin les sépare presque, chacun devenant une entité qui n’a plus grand’chose à voir avec l’autre, qui ne peut plus être comme avant, cassant la gémellité approximative qui s’était formée, alors même que le lien est plus vif que jamais.
Cette exploration du nouveau pays, encore plein d’espoir et avec un Pynchon finalement assez optimiste, nostalgique et ayant quelque pitié mais optimiste (du genre d’espoir qu’après mûre réflexion on a décidé (et ce même si c’est peut-être à cause d’une traduction grecque approximative (sic)) que, même s’il est le pire des maux, c’est le seul qui avance à quelque chose) (un optimisme qui se voit notamment sur la toute fin du roman, pourtant relativement triste) devient une écriture de l’histoire passant par la bouche du Révérend Cherrycoke, sorte de père Castor, et par quelques autres bouches avant ; de même qu’Homère a conté des histoires déjà en place, de même Wicks Cherrycoke nous lance à la figure son odyssée qu’il a vécue en partie. Et de même, entre l’Histoire et ce qui s’est vraiment passé existe un fossé qu’on ne pourra pas combler, fossé ici accentué par le langage utilisé par Pynchon, par les personnages eux-mêmes, parfois se dédouanant de leur propre parole, n’ayant rien du tout, n’est-ce pas… ? Par la force des choses, l’histoire de Mason et Dixon est biaisée par le téléphone arabe, par le fait même qu’il y ait eu des observateurs et des gens pour la raconter, comme l’est l’Histoire en général. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y ait une exploration d’un certain type de contre-histoire, d’absence d’officiel qui, en se bougeant le cul vers une reconnaissance publique, devient ce qu’elle n’a jamais été, lot de tout événement mis en lumière (ça aussi c’est de l’entropie ; plus le nombre de gens connaissant une chose augmente, plus l’information de chacun à son sujet est diffuse, bon ça c’était pour le clin d’œil idiot au thème entropique, c’est fait). Pour continuer sur la même thématique sans approfondir, le métier et les habitudes subséquentes des deux Astronomes sont une autre marque du même principe ; leur devoir s’accomplit la nuit, lieu des fantômes qu’on croisera aussi, des fêtards qu’on rencontrera des fois, des sorciers, du Feng Shui, des chouettes, des vers luisants, des vendeurs de préservatifs, des loup-garou et des étoiles. Admettre une histoire nocturne comme autre histoire ou simplement comme illustration d’une histoire non-objective assumée paraît simple mais efficace. It’s always night, or we wouldn’t need light, en épigraphe d’Against the Day. Ici la nuit est toujours présente, le passé y revient même un peu, et ici la lumière qui vient arrive des étoiles, de l’autre parfois, de l’illumination (scientiste) ou d’une torpille (Felipe !), qui devient un nouveau pôle dans sa baignoire. On avait signalé l’abondance des formes en « as if … » dans Against the Day (qui est, soit dit en passant, une Iliade bien plus qu’une Odyssée), et le fait est que Mason and Dixon en compte un nombre assez fabuleux lui aussi, créant une alternativité du passé et du roman lui-même, une réalité qui grouille d'alternances. Les deux reviennent dans le passé, l’évoquent dans des détails qui n’ont peut-être jamais existé, qui même en n’ayant jamais existé, sont plus réels que ce qu’on en a retenu. Le conte devenant Histoire, donc réalité. Pour reprendre des termes appropriés, il y a bilocation de la réalité qui fuit toujours un peu, aussi bien que l’Amérique (du Nord) a été une bilocation de l’Europe, un doppelgänger qui a pris sa revanche. La gémellité bien présente, entre le couple Mason Dixon, la traversée vers l’ouest, la réalité et l’autre, les jumeaux, le double fond du tiroir historique (qui en guise de double fond serait plutôt triple ou à n-fonds en escaliers), dans la science déjà incapable d’être utilisée comme on le voudrait, etc.

Je préfère me dire que si j’avais pris quelques notes pendant la lecture—au lieu de noter une fois Iliade, et de—bref, ç’aurait pu être plus intéressant. On verra pour la prochaine fois.

15.9.07

Canard !

[...] Agreed, you must consider how best to defend yourself,– wear clothing it cannot bite through, leather, or what’s even more secure, chain-mail,– its Beak being of the finest Swedish Steel, did I mention that, yes quite able, when the Duck, in its homicidal Frenzy, is flying at high speed, to penetrate all known Fortification, solid walls being as paper to this Juggernaut… One may cower within, but one cannot avoid,– le Bec de la Mort, the…'Beak of Death.’
[...]
Mason and Dixon, page 374 (chapitre 37; funniest chapter ever).

Demain, ou après-demain, une vue d'ensemble du bouquin.
Un jour, peut-être bien, un message sur l'amour de Pynchon pour les oiseaux (comptez le nombre de M. ou Mme. Wren, de Wren quelquechose dans ses romans, avec le nombre d'apparitions d'oiseaux, vous devriez arriver à un bon paquet). Ou peut-être pas.

10.9.07

Hier

Hier, je me suis aperçu que chez amazon, on vendait des exemplaires de The Cannibal, de John Hawkes, qui font une page. Peut-être la page centrale du livre de sable ;

hier, j’ai lu ce message de pedro et les commentaires qui allaient avec. J’étais d’accord. Je voulais poster un commentaire, ne serait-ce que pour souhaiter joyeux anniversaire, mais ne l’ai pas fait. Je me suis dit que Michael Chabon avait l’air plus intéressant que ce que j’en pensais sans l’avoir jamais lu. Me suis dit que j’avais souvent pensé Against the Day comme une sorte de texte d’adieu, mais jamais comme un testament. Si c’est le cas, le legs est fabuleux. Si ça ne l’est pas, le legs est fabuleux. Je me suis aussi demandé un peu étrangement si après sa mort des romans et essais trouvés dans son tiroir à chaussettes allaient sortir. Me suis aussi demandé pourquoi les tasses de genre que fausto évoque en commentaire seraient obligées de se briser : le genre me semble être assez malléable pour que les tasses puissent être aussi molles que les montres de Dalí, se fondant à moitié plutôt que se brisant. Si elles ne sont pas malléables, l’écrivain, la surface sur laquelle on lâche ou lance les tasses, peut absorber le choc. Rebond sans bris. Je me suis aperçu après ça que je faisais peut-être semblant de ne pas comprendre ce qu’il disait, et que les fondues de genres devenaient des patchworks si denses qu’une observation transversale donne tout ce qu’il y avait avant le collage, le résultat du collage et quelques morceaux qui ont été percutés trop loin et sont revenus, à doses variantes, principalement poussiéreuses ;

hier, j’ai écrit un roman. Il fait une ligne et demie. Je l’ai intitulé hubris. Peut-être est-il fini ;

hier, avant d’avoir lu le message cité plus haut, je me demandais encore si le monde de Barsoom peuplé d’hommes rouges, verts, blancs, jaunes et noirs d’Edgar Rice Burroughs était plus qu’un simple mélange entre science-fiction et récit d’aventures. Son monde post-scientifique et très Antique à la fois, pourquoi pas visionnaire, jamais vraiment vu en détails, ERB se concentrant plus sur les personnages et l’action est-il bien plus intéressant qu’il ne le paraît de prime abord, projection d’un avenir craint et d’un pan de passé héroïque qui se sont confondus, enfilade de questionnements posés en arrière-plan (dans The Master Mind of Mars (Le Conspirateur de Mars) ou Synthetic Men of Mars (Les hommes synthétiques de Mars) pour exemples les plus criants, il semble y avoir bien plus de questionnements que ceux directement évoqués dans leurs pages) pour ne pas parasiter une intrigue simple ou par incapacité à en faire quelque chose de réellement intéressant (on voit qu’il le fait assez laborieusement mais avec passion dans deux des trois romans de son Cycle de la Lune, avec The Moon Men (Les conquérants de la Lune) et The Red Hawk (Les héritiers de la Lune)) ou cherche-je à donner du relief à ce qui a été une des principales lectures de ma jeunesse ?;

hier, Asafa Powell a battu son record du monde du cent mètres, je me demande combien de mots peut écrire Richard Powers en ces 9’74".

8.9.07

and start west.

Pour passer le temps.
Un petit passage (page 271) de Mason & Dixon, qui m'a fortement fait penser à un bouquin récemment traduit...


[...] 'Tis a sort of,– what is the Word I grope for,–"
"Gin-Shop," sings Molly.
"Opium den," cries Dolly.
"Ladies, Ladies…."
"Doctor, Doctor!" As the philosopher, attempting to maintain his Hair in some order, [...]



(le titre du message parce qu'on trouve une fin de phrase page 154 en "and start north.", qui m'a fait penser au "and start west." du Naked Lunch) Bonne nuit.

5.9.07

Cinquante ans pan dans les dents.

Il y a cinquante ans (demi siècle, cinq décennies, dix lustres, cinq decades et beaucoup plus de décades—environ 1826 je crois) sortait quelque chose qui était bien loin de ce genre de précisions. Pas d’ailleurs une première publication, mais ce qui est devenu un roman majeur, espèce de porte-drapeau d’une génération déjà déclinante alors même qu’on la nommait publiquement, envoyant à travers le pays moribond un paquet non négligeable de gugusses dont quelques uns iront emmerder son auteur et sa mère, frappant à leur porte, cherchant ce qu'il ne trouveront probablement pas. On the Road, deuxième roman de Jack Kerouac, montrait, le cinq septembre 1957, après quelques six années à tenter de le refiler aux éditeurs à coups de modifications et de découpes, Kerouac montrait donc à l’Amérique son envie de liberté, d’espaces, de vin, de sexe et d’attaches ne se trouvant pas là où tout le monde a l’air de les trouver. Sur un ton qui, malgré les corrections et réécritures pour enfin être publié, reste ce qu’il prétendait être : spontané. Une sorte d’oralité déferlante, jazz et limpide, parfois si rapide que ses phrases se percutent, se couplant.

Sal Paradise en guise de Kerouac, Dean Moriarty en guise de Neal Cassady. Sur la route eux deux et d’autres, New York, San Francisco, Mexique à la fin des 40s.


Sans tenir rigueur au décalage horaire ou à quelque autre contrainte voulant qu'il y a exactement cinquante ans à la minute près le roman n'était pas encore dans les bacs à légumes de l'Amérique, ce cinq septembre deux mille sept sonne le 50ème anniversaire d'On the road. On sort les langues de belle-maman, et on ânonne, annonce que de gentils éditeurs y ont aussi pensé, profitent de l'occasion pour sortir des trucs qui autrement seraient sortis il y a deux mois ou dans vingt et un jours (ou jamais). Et d'ailleurs, il y a des trucs estampillés On the road 50th anniversary sortis mi-août (ça et ça (entre autres peut-être)).

Premièrement; On the road, the original scroll. Soit le texte original, tout tapé sur quelques immenses feuilles scotchées en avril 1951. Normalement un peu plus long, avec plus de cul. Et les vrais noms des gens il paraît. Chouette.
Deuxièmement; un volume intitulé Road Novels 1957-1960 qui sort à la Library of America, ce qui est quand même un peu classe. Volume qui contient On the road (sur la route), The Dharma Bums (les clochards célestes), The Subterraneans (les souterrains), Tristessa, Lonesome Traveler (le vagabond solitaire), ainsi qu'une sélection de trucs issus de son journal.


Le 5 septembre, c'est vraiment super coule. Et un beau post sur Kerouac dans pas très longtemps avec un peu de chance.

patin (pipe a this is not)

Le plus étrange est son efficacité—sa rapide efficacité.
Il y a quelques jours est sorti traduit Arrêter d’écrire, de David Markson, qui se veut un roman (le titre original étant This is not a novel, Ceci n'est pas un roman, renvoyant évidemment à Magritte ou à Aristote si l’on veut) sans personnages, sans action, sans descriptions, mais incitant le lecteur à tourner néanmoins les pages. (p.13).Viennent trop vite pour que vite soit adapté une flopée de hum anecdotes on dira, principalement sur des écrivains et artistes, souvent drôles (« Henry James s’est caché un jour derrière un arbre pour éviter d’être obligé de passer du temps avec Ford Madox Ford. » page 29—il faut dire que le seul nom Ford Madox Ford m’a toujours fait rire, un peu comme William Carlos Williams, mais quand même), s’intégrant au texte, en devenant le corpus principal. S’amoncèlent les morts d’écrivains donc, de compositeurs et autres, des questions, citations parfois, les avis des uns sur certains autres formant des correspondances sans réel intérêt comme le sont les petits hasards du quotidien. Et Ecrivain, qui en a assez d'écrire, continue à piquer, à copier et à coller, au milieu de tout ça nous fait exemple de parole magique ; s’il dit que ce bouquin est un poème épique, on veut bien le croire. Exprimer une idée la rend réelle, concrète même. Il s’explique, fait vivre par ses quelques interventions et explications (parfois) le flot de non-histoire.

Jouant assez habilement de son effet éphémère d’expérience (un bouquin de ce genre est la limite acceptable, on aurait pu prendre quelques pages de plus, le double étant un maximum honorable, mais un second roman suivant le même principe serait un gros foutage de gueule), Arrêter d’écrire devient—est—rapide, rythmé, régulier, en un sens rassurant, sans savoir si c’est une bonne chose ou non. Sorte de triple ou quadruple litanie à variantes se fondant, s’épissant en un tronc qui vibre peu mais bien.
Se faisant directement écho ou se répondant à quelques pages d’intervalles, les faits (et gestes) accumulés en collage culturel sur l’absurde et la mort, l’absurde et l’art, l’art et la mort, les trois motifs majeurs de l’Ecrivain, artiste absent, donnant un portrait et la justification du suicide progressif et drôlatique de ce roman et de son auteur, de son absurdité pa- et latente, de son statut de cul-de-sac, de jeu, de question très ouverte et de rien du tout.
Connexions en nombre indéfini qui installent un message forcé de faire des bulles à la surface, entre les lignes, dans les interstices aqueux de la page peuplée de noms. Subtil à force de ne pas l’être assez. Un peu chiant à exprimer en mots vu qu’on suppose qu’en dehors de quelques inexistants esthètes exégètes et semelles de vent, tous ceux qui en parleront en diront des choses semblables et de semblable façon (en soi peu palpitante d’ailleurs), qui plus est ces choses en nombre réduit. Intéressant.