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5.3.08

snow

Mr. America nudges you and mutters under the others’ noise: “Detail! Detail! Game’s built on it, don’t miss it!” A friend, after all.
So think. Stickleback. Freshwater fish. Freshwater fish: green seaman. Seaman: semen. Yes, but green: raw ? spoiled ? vigorous ? Stickle: stubble. Or maybe scruple. Back: Bach: Bacchus: baccate: berry. Raw berry ? Strawberry ? Maybe. Sticky berry in the raw ? In the raw: bare. Bare berry: beriberi. Also bearberry, the dog rose, dogberry. Dogberry: the constable, yes, right, the constable in . . . what ? Comedy of errors! Yes! No.



Réaction 1) (indéfinie) Mais ?
Réaction 2) (pseudo-nerd) OMGWTFBBQ !!1!

Le début allait déjà en ce sens (la maison en pain d’épice revisitée, le pauvre Morris poursuivi), mais tomber sur « Panel Game », la première des SEVEN EXEMPLARY FICTIONS (dédicacées à don Miguel Cervantès Saavedra) de Pricksongs & Descants, fait quand même un peu mal au visage, entremêlant les expressions faciales d’yeux écarquillés et de bouche et joues distendues. Disons que les zygomatiques gagnent par abandon. Un jeu télévisée, situation a priori des plus banales (mais absurde en soi), est ici. Est poussé à l’extrême. Tiens, prenons Borges. Dans ses fictions (la bibliothèque de Babel et Tlön Uqbar Orbis Tertius en tête), la situation de base est extrême, la description suit, on peut même dire qu’elle (la langue) tente de s’accommoder de l’originalité de la situation, de l’appréhender comme elle peut. Ici l’inverse ; la situation de base est somme toute assez habituelle, mais les raisonnements qui la font fonctionner turbinent à plein régime, rendant l’ensemble grotesque mais jamais bancal, la description devenant un outil fabuleux voguant entre les réponses des candidats (dans le désordre : Mr. America, un Vieux Clown et une Adorable Dame, accompagnés assez vite d’un Participant sorti du public sans qu’il l’ait vraiment demandé) et les approximations cérébrales filant plus vite que Masato Yoshino* pour former une toile torique s’enroulant autour de la parlotte effective et des réponses données au présentateur.
Le reste du recueil et les six autres tout[es] aussi exemplaires fictions sont aussi folles, les choses semi-affreuses (The Marker et Jason qui baise sa femme pas très consentante, The Wayfarer dans lequel un mec un peu muet se fait dézinguer sans qu’on sache pourquoi, The Hat Act et son tour de magie étrange) ou moins, souvent en un seul lieu (celles justes citées, puis celle encore plus restreinte qui se déroule dans un ascenseur ou le déluge en intérieur (sous deux aspects : réellement à l’intérieur, dans une maison, et sous une forme de courant de conscience) qui se déroule dans The Brother ou globalement toutes les autres), chaque fois divers[e] et directe dans les formes, rapides et efficaces, drôles et folles, le problème est que bien souvent je me limite à ne rien noter et à pousser des gros what the fuck haha étouffés et que mes mots partent autre part, j’espère qu’ils vont aussi bien que ceux de meussieu Coover.
Petit à petit je fixe ou crois fixer les thèmes sur des moments précis mais tout échappe assez vite. On cerne mais il est impossible de vraiment coller, tout glisse ou plutôt on s’aperçoit qu’on est déjà en bas d’une pente, pataugeant alors que le reste glisse.
[…]

Traitement de l’histoire en tant que donnée connue, déjà intégrée en tant que légende. C’est tellement évident devant The Gingerbread House par exemple qu’on n’y prête que peu attention. Le conte est connu, Hansel et Gretel allaient dans une maison de pain d’épice : cette version de Coover ne peut exister que comme variation. Cette ? Ces, toujours plusieurs. Puis avec les pages on suppute qu’il y a quelque chose de connexe, comme si beaucoup (ou toutes) des histoires existaient en tant que réécritures ou approfondissements (spin-off pourquoi pas, c’est moderne) de textes et données existantes, inscrites dans un bagage culturel formé de morceaux chipés ici. Le déluge de The Brother est quelque part biblique (à un point où le seul fait d’utiliser le mot déluge renvoie à la Bible, on peut dire que The Brother va en ce sens). Les éléments, non pas décisifs à la compréhension parfaite d’une histoire contée à l’endroit et sans accrocs, mais plutôt ceux dont on ne parle jamais car totalement évidents, ne sont pas ici. Un peu comme si Coover partait du principe (avec évidemment une posture éclairée dessus, il y a faux présupposé que le lecteur connaît l’entour, avec une vraie (plus ou moins) supposition qu’il pourrait réellement les connaître) qu’ils ne sont pas totalement nécessaires. Conte de fée, légende, mythe, fond cosmologique. Romance of the thin man and the fat lady débute sur ces mots : « Now, many stories have been told, songs sung, about the Thin Man and the Fat Lady. », un des sous-entendus, lui aussi évident : vous les connaissez, personne n’a besoin de revenir sur les fondations de l’histoire. L’approche rapidement abordée après n’est qu’une vision des figures en marche, déjà en tant que symboles. Le reste de suivre, comme après tout beaucoup de contes classiques, existants dans des univers sans contexte réel, du moins en dehors depuis bien longtemps, comme des briques sorties d’un mur qu’on ne verra jamais plus et dans lequel on ne saura jamais vraiment les replacer, tant parce que la brique s’est modifiée que parce que les trous du murs se sont comblés. Si l’on veut pousser un peu, beaucoup (ou toutes, à divers niveaux) [de] ces histoires sont, à proprement parler, des contes. Oui, tout le monde le sait, c’est même marqué à l’arrière du bouquin, mais je ne l’avais pas lu, l’arrière du bouquin. The Magic Poker (le tisonnier magique, ahah ?), deuxième conte du bouquin, commence d’ailleurs par « Je me balade sur l’île, l’inventant. ». Ou plus proche du texte peut-être : « J’erre sur l’île, l’inventant. » L’histoire est au passage peut-être une de celles qui rend le mieux compte de cet aspect, usant du rituel et du mythe, de la légende en marche. Le contexte, l’extérieur est totalement contingent à la narration, l’histoire existe d’elle-même et n’a pas ce rapport au monde habituel que l’on retrouve souvent, tout le temps ailleurs, qui dans son extension maximale est toujours agréable mais ne fait qu’aborder à chaque fois ses propres limites. Techniquement, un bien grand mot certes, il n’y a pas de limites de ce genre dans les Pricksongs & Descants. Si il y a relation, elle est à un conte déjà existant, qu’il le soit effectivement ou non, et pas spécialement au monde. Il n’y a pas ici d’uchronie, passée présente ou future, ni d’univers parallèle (ce qui revient au même), mais des bulles sans tain qui flottent un peu n’importe où. Et c’est justement de cette habitude, du fait que la seule réponse valable à quelques unes des questions qui pourront se poser au fil des mots est « parce que c’est comme ça », que ces fictions explosent à la gueule par leur originalité et par leur force rapide, leurs mots gentillets et terribles, qu’elles remettent en question le spectacle établi et rendent à nouveau normal quelque chose d’inhabituel car basique. Normal lui-même redevenant, disons, imaginaire.

A pedestrian accident voit narré l’accident de Paul, renversé par un camion. Paul est écrasé mais vivant, seule sa tête et ses épaules dépassent de sous le camion, le conducteur se dédouane, la police arrive, la foule rit, on confond Paul avec quelqu’un d’autre, le conducteur se dédouane. Mais ?

Pour aller avec, il y a deux points majeurs à retenir. D’un côté les personnages et de l’autre les mots, pour ainsi dire. Les personnages eux aussi sont souvent dépouillés de contexte et agissent dans des mouvements déterminés qui les bloquent, plus fonctions ou rôles qu’êtres vivants faussement compliqués, et par extensions successives totalement réels et cohérents dans la logique qui les sous-tend. On peut voir comme un renforcement de cet état le fait qu’ils ne soient pas forcément nommés (cf. le Mr. America et ses compagnons déjà cités, mais bien d’autres aussi) et que, s’ils le sont, ils restent fatalement anonymes, rien ne leur apportant une identité à ce niveau. Pas innommables, mais l’apport, même avec une signification symbolique, d’un nom ne les change pas, il y a une sorte d’indifférenciation de leur posture, comme des objets qui seraient recouverts d’un nom générique et pas forcément juste parce qu’après tout, après y avoir songé et s’être trituré les méninges, on n’a pas pu retrouver leur nom exact.
Il semble d’ailleurs qu’ils ne se battent pas avec leur statut d’objet (qu’ils sont pourtant conscients d’entretenir) et auraient abandonné cette bataille depuis longtemps, depuis qu’on parle d’eux, chose qui date et qu’on devrait savoir, ou encore mieux qu’ils l’aient accepté pour le bon déroulement du texte, se permettant quelquefois de se foutre de nous.

Mais disons qu’on a peut-être un peu compris ce qui se passait à travers les lettres, qu’on est bien content d’avoir vu des choses en se demandant si on va toujours autant se poiler. Il suffit d’aller à la pénultième histoire, The Babysitter, pour voir qu’on n’a pas compris grand-chose : petit morceau d’hallucinations et de diffraction narrative, retournement de cervelet qui pourrait sembler un exercice un peu facile avec son lot de suspense (~?) salace et fallacieux, avec ses percussions terribles et sa fragmentation soupe au lait, mais n’en est rien, oh non strictement rien, tout est terrible et heureux et tout existe, tous les traits existent au milieu de leurs possibilités et de leurs impossibilités communes, que celui qui a tout compris à cette histoire (aux autres aussi) me fasse un signe de la main, oui de la main comme ça je ne le verrais peut-être pas. De quoi elle parle cette nouvelle ? Mais ? D’une babysitter, c’est évident.


*c’est lui. Il va vite. Bon la vidéo est, eh bien, hum, vous voyez, mais vers 00:20 on le voit courir.

Voilà, après coup je vois qu'on trouve aisément un article de William Gass sur ce bouquin.