23.2.09

Greed Island, partie 1/?

l’envie de relire non plus comme déjà fait quelques fois l’intégrale croissante de Hunter x Hunter, mais en gros tout ce qui est mon passage préféré, à savoir Greed Island, en élargissant un peu à l’avant (soit plus précisément du chapitre 120—6 septembre (1) (volume 13), la transition entre les enchères de York Shin et Greed Island pour se remettre dans le bain, transition notable dans le simple détail qu'elle suit une éclipse d'un jour plein quand depuis le chapitre 72 tout titre est une date, souvent répétée, du 1er au 4 septembre—au chapitre 185—Rencontre fortuite (volume 18)—, sortie directe. Avec ses longueurs calculées, son pseudo cul-de-sac narratif, ses digressions précisives et son pic d’intensité entre les chapitres 162—Duels (5)—et 168—Duels (11)—étrangement atteint grâce à une partie de “ballon prisonnier”, montrant encore une fois le brio de Yoshihiro Togashi à user des codes et cordes pour proposer une agglutination de tension et d’envies, de climax anticipés et fièrement atteints, de promesses tenues et d'autres explosées en petits riens heureux ; l’envie donc de relire Greed Island, quand s'attarder sur les tranches croissantes donne envie de tout reprendre, petit traité d’amitié entre un sauvage un peu abruti (Candide et Vendredi à la fois, disons, en plus fin que le premier) et un ancien tueur en série repenti de douze ou treize ans (le présenter comme ça a toujours l'air ridicule), affublés d’une prof forcée, nubile et mythomane, aux concepts éducatifs radicaux et efficaces, et en son apex de forme du récurrent magicien pervers, donc, était très forte.

Quelques mots de la situation pour les non-sapients, pour se remettre. Gon (le naïf) cherche dans Greed Island (vrai-faux “jeu vidéo” mythique créé par son père, évoqué dès le volume 8 (le nom est donné au chapitre 69), tout ce qui se situe entre ce chapitre 69 et ledit chapitre 120 mène à Greed Island : les plans ne réussissent par forcément, mais c'est le fantôme du jeu qui conduit Gon et Kirua, puis d'autres, les intérêts se croisant, à travers ce qu'ils connaitront) des informations sur ledit père. Dès le début, on sait que Gon finira G.I. et ne trouvera rien sur Gin. Pourtant on lit. Pas pourtant d’ailleurs. On lit, c’est tout. Curieux, comme Gon. On sait qu’après une huitaine de volumes de réutilisations de codes shônen et nekketsu (là où son précédent YuYu Hakusho ne faisait que les réutiliser certes efficacement mais dans une sorte d’amoncellement de joyeuses bêtises tant graphiques que pseudo-scénarisées et combatives, HxH s’en sert à bon escient, les sortant sur commande dans un pro-cessus qui crée quelque chose par-dessus, si faible soit cette chose) et un tiers de douzaine qui s’en éloignaient assez en offrant une trame dense et pleine de tout et n’importe quoi—des pupilles écarlates, des aspirateurs semi-conscients, des araignées qui se demandent si elles peuvent et doivent vivre quand leur tête n'est plus disponible, des enchères souterraines repoussées, des précautions devenant vérités et des gens qui finissent par voir que leurs objectifs changent—, qu’au bout de douze volées de deux cents pages l’auteur, s’il est peut-être déjà fatigué et/ou branleur, a toujours de bonne idées dans son sac. Et l’auteur, un peu plus malin que les autres, ne le vide pas ; il nous emmène dedans, une sous-partie, une poche bien trop remplie pour que tout soit visible à première vue.
Disais donc que YuYu Hakusho utilisait à fond des choses déjà établies, avec un ton permettant de rendre ça efficace. On sentait la chose un peu forcée et la façon de faire pas encore digérée (trop serrée pour être autre chose que purement efficace, justement), tant dans les rendus visuels des gens souvent assez risibles (la fameuse limite ténue entre ridicule et grandiose) par volonté de trop en faire avec une certaine réserve que dans l’avancement de l’histoire basique en diable—on ne lui reproche pas il était payé pour—convenu et sans réel intérêt, ou même que les héros, sorte de mâchis de grandes gueules et d’abrutis notoires ; une sorte d'apprentissage en marche. En gros et surtout quand on le relit après HxH, en tentant de supprimer l’éventuelle nostalgie de la découvert de l’un avant l’autre, YuYu vaut surtout pour ce qu’il n’est pas (c'est un peu triste, c'est exagéré à vrai dire, c'est surtout s'apercevoir que ce qui pourrait sortir s'il se secoue un peu même en restant dans ce domaine aurait de quoi étonner), pourrait être, annonce surtout et qui, en restant effectivement dans le shônen à bases pas trop compliquées (erf), est HxH, en partie au moins. Peut-être après tout suis-je biaisé mais il paraît quand même qu (’avec son Level E publié en roue libre au milieu) e Togashi a pris quelques mesures et a maturé son bordel, ne sortant qu’assez peu des sentiers battus mais avec des bras si longs qu’il fout des tartes à ceux qui s’en éloignent dans des chemins en courant à travers champs parce qu'ils ne sont pas capables de marcher droit et qui emmerdent ceux qui se baladent dans le coin parce qu'ils l'ont voulu. Remarque dès le début que ça va mieux. Graphismes plus simples et d’autant plus expressifs, qui s’affineront au fil du temps, univers fixé et assez large pour que les règles puissent y évoluer, route principale tracée. Se vérifie sur la suite : zones d’ombres et interstices, évolutions conjointes et personnages plus intéressants, trames plus vibrées, sujets traités, bien traités, et un vrai ton, calme et enjoué, bosse roulée.

Mais : Greed Island. Le simple saut d'une journée permet au contexte temporel de se départir de cet aspect abondant et accumulé qui menait ; aussi il signe plus facilement la rupture et la petite fin (“Vers l'est… ?”, qui mène hors de ce qui est visible à ce qui suivra, inversant au passage toute une logique voulant que l'aventure soit fille de l'ouest, toujours de l'Ouest ; tout comme ces histoires d'effaceur de nen qui donnent déjà, rapidement et en réson-nance avec l'est, des liens qui ne seront concrets que bien après, tout en permettant de conserver l'absent Kurapika en contact) : ainsi dès le chapitre 120 ce qui aurait pu conduire à un affrontement à l'issue trop évidente pour l'être vraiment n'est plus qu'une petite source de peur rapidement annulée. De la même façon, on voit encore assez vite que ce n'est pas le jeu lui-même qui compte ici (Phinks et Feitan en volent un exemplaire, y entrent avant même que nos deux héros aient la possibilité d'y toucher : nous n'en verrons rien avant que les autres y entrent) mais sa jonction avec Gon, et par extension avec Kirua—commence à vraiment se dessiner un motif où chacun n'est complet qu'avec le second.
A revenir rapidement sur les noms de chapitres : après un Ouverture des enchères ! (chapitre 71) tout l'arc York Shin se basait sur une action condensée (procédé d'ailleurs repris plus tard dans la série, dans Greed Island même, par plusieurs fois, avec insertions comiques (chapitres 135 à 141) et éclatements, surtout plus tardivement, entre les chapitres 223 et 265 avec une simple éclipse au 255, accompagné au passage par l'élément de compte à rebours) : il faut attendre l'entrée dans le jeu lui-même pour que s'arrête cette façon de faire (chapitre 128 : 10 septembre (5)) et, à proprement parler, l'entrée des deux protagonistes dans l'univers même du jeu (il y en a quinze autres entre eux, ce qui donne un espace d'approximativement ¾ d'heure, un peu moins), et non l'espace de transition entre ce qui est réalité et ce qui est ainsi considéré comme coupé de la réalité, un peu contrite par cette systématisation du nom (on pourra aussi noter que dès la première page du chapitre 129, où l'on revient à York Shin pour quelques instants et enfin voir les enchères rassurées, est vue une horloge affichant minuit, signant à la fois la fin des jours agglutinés en un événement spécial et la fin de la nomination quotidienne—le fait que ce jour soit le 11 septembre pourra être intéressant ou non (le fait que l'année en question soit toujours 1999 aussi)).
Ils ne sont plus les quatre mais deux. Une sorte de nouveau début de la série, par entrée autre part, dans un lieu voulu comme alternance, un nouveau système : le jeu est total, y jouer signifie sortir du monde vu comme réel (quitte à élargir sa définition quelques temps plus tard) et comprendre les règles avec un décalage qu'on s'efforcera de ne pas rendre dommageable. En allongeant un peu, c’est l’entrée dans le fantôme du père : Gin n'était pas aux enchères de York Shin pour vendre les jeux, ce qui était vaguement espéré par les personnages ; pourtant il doit être possible pouvoir trouver des informations sur son existence présente à l'intérieur du jeu (comme le dit Gon : “On s'en fiche pas mal de ce jeu que tout le monde s'arrache stupide-ment. Ce qu'on veut, nous, ce sont les informations qu'il contient” et, quand il parle ainsi, de surestimer la dose d'information qu'il est susceptible d'y trouver, mais tant pis), des anecdotes pour le cerner, des éléments permettant de sculpter une image qui ne demandera ensuite qu'à être confrontée à la réalité—le lecteur en est sensiblement au même point que Gon sur ce qu'il sait de Gin : peu mais assez pour vouloir que cette confrontation soit, moyennant une narration qui se moque vaguement du suspense mais n'offre pas tout tout de suite, la plus rapide possible. Maintenant que l'on s'approche des certitudes voulant que ce but initial soit, en parlant purement de progression et d'apprentissage, une étape et non une fin (et pourtant, à s'éloigner de la rencontre comme faisant prendre conscience à Gon qu'il n'a plus aucun but précis, ça pourrait nous revenir plus fort en travers de la gueule), il pourrait être une sorte de bonus collatéral au fait de terminer le jeu sans que tout semble être une impasse. Sans entrer dans des interprétations douteuses on peut aussi signaler que Greed Island est, au même titre que Gon, une conception de Gin—à laquelle il a très probablement passé plus de temps—et qu'une certaine familiarité est possible entre la façon d'être de Gon (ce qui se traduit évidemment dans le simple fait que Kirua soit son ami ou que Biscuit ait décidé de s'occuper d'eux) et les mécanismes du jeu. Quelques phrases prononcées par Laser ou Biscuit vont d'ailleurs en ce sens, sans pourtant que soit vérifiable chez l'auteur l'idée que Gon est modelé par un père qui voudrait une copie, voire qu'il soit naturellement une copie (un homme semblable, oui, de ce qu'on sait, une copie, non) (ce en quoi il est encore une fois fondamentalement différent de Kirua, mais cela n'entre pas vraiment en compte ici (à moins d'entrer dans une analyse comportementale et comparative, qu'il faudrait encore pondérer par la chape shônenique et ses personnages archétypaux, ce qui serait probablement très intéressant mais demanderait bien trop de temps et de volume)).

Quoi qu'il en soit, les premiers éléments qui lui sont donnés une fois dans le jeu sont, lors qu'il possède une sauvegarde spéciale qui lui permet d'avoir une introduction spéciale au jeu, faite par papa lui-même, en gros “si tu cherches des indices sur moi t'en trouveras pas beaucoup ici” et “si t'es là c'est pour t'amuser” : des ardeurs refroidies et rapidement compensées, tout est question de dosage, la partie se lance sans problème.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai une théorie sur Yu Yu Hakusho (que j'ai vu quasiment intégralement en animé) : les 4 héros seraient un décalque parfait des 3 Mousquetaires d'Alex Dumas.
Yusuke, c'est d'Artagnan : impétueux, impulsif, frappe avant de savoir.
Kuwabara, c'est Porthos : bâffreur, grand bavard, grand vivant.
Le petit toujours en noir, c'est Athos : réservé, mélancolique, teigneux.
Et le rouquin, c'est Aramis : élégant, discret, mais efficace.
Qu'est-ce que tu en penses ?

otarie a dit…

J'ai jamais lu les 3 mousquetaires...
Mais c'est bien possible. Globalement on a entre YuYu et HxH une espèce de copie des personnages. Yusuke = Gon ; Kuwabara = Léolio ; Hiei = Kirua ; Kuurama = Kurapika. Evidemment ils sont un peu plus fins dans HxH (surtout pour Léolio je pense), mais ce sont des archétypes plus que courants dans ce genre de manga. Surtout pour le héros qui, avant même d'être impulsif, est plus ou moins forcément une sorte de puceau du monde (comme un peu partout à vrai dire).

Je ne sais pas vraiment si ce genre de personnages est répandu dans la littérature (qu'elle soit feuilletonnesque ou non) mais le parallèle est probablement pertinent—un peu banal aussi.