Bien. Ce qui suit fait partie d'un ensemble un peu plus grand. C'est une pièce de théâtre d'un personnage ayant subi un sorte de traumatisme en 1967 (qui a, au passage, probablement mal digéré Beckett). Le personnage est américain, possède des origines japonaises, écrit en français (au moins cette fois), a été traumatisé en Bolivie (il semble, cela est sujet à caution). Etant donné que la pièce n'est pas datée, il n'est pas spécialement aisé d'estimer en quoi ce traumatisme a ou influer—la date n'aurait pas changé grand-chose. D'autres personnages devaient la voir en 2007, 8 ou 9, je ne sais plus trop (la pièce servait donc de lien un peu facile), mais ils ont été purement et durement supprimés. Dans la mesure où l'ensemble a la possibilité de se concrétiser, elle en fera toujours partie ; et puis vous ne vous en souviendrez pas. Si jamais je me décide à hyperlier quelques trucs, ce sont des indications triviales sur la provenance de telle ou telle chose—un mensonge, éventuellement.
Je n'ai aucune idée de ce que cela donne.
(nota : a manifestement été écrit en juillet dernier, mais jusqu'à environ 18h30 aujourd'hui je ne savais pas que le titre avait des significations en espagnol… je m'en doutais bien en voyant ci et là le "Pencas Mudas" de L'Odyssée Barbare (qui commence à profondément m'ennuyer, page 454, bonjours chez vous) ; ni même en italien, voire en japonais (enfin, si…) ; pour être à peu près logique, devrait être renommé en MUDA-DA)
Je n'ai aucune idée de ce que cela donne.
(nota : a manifestement été écrit en juillet dernier, mais jusqu'à environ 18h30 aujourd'hui je ne savais pas que le titre avait des significations en espagnol… je m'en doutais bien en voyant ci et là le "Pencas Mudas" de L'Odyssée Barbare (qui commence à profondément m'ennuyer, page 454, bonjours chez vous) ; ni même en italien, voire en japonais (enfin, si…) ; pour être à peu près logique, devrait être renommé en MUDA-DA)
MUDA
acte unique et sans florins
d'ASHELEY KOBASHI (nom de plume)
(traduction : Quebrada de Magellan)
d'ASHELEY KOBASHI (nom de plume)
(traduction : Quebrada de Magellan)
Un lieu boueux verdâtre et inutile où patauge l'attente : une jungle fatiguée, pluvieuse. Bruits de jungle (chants éventuels d'oiseaux/d'éventuels oiseaux, vent, plissements et bruissements de feuilles) en fond, sans lien aux personnages. Approche du soir. Sombrero entre, peint en jaune pour adoucir son état et la santé mentale de certains. Il porte un sombrero, un pantalon de velours usé, rien d'autre. Comme les suivants, son nom est inscrit sur sa poitrine.
Dix secondes durant lesquelles il s'installe, s'assoit dans la boue, les jambes tendues, la main gauche sous le menton, le coude gauche posé vers sa hanche. De la main droite il écrit dans le vide. Sa main gauche quitte son menton, fouille mollement dans la boue, en retire un masque. Il le fixe. Pause — huit secondes.
Sa main monte le masque sur son visage, il le revêt. On peut voir que la partie basse est transparente, peut-être inexistante, seules deux bandes rouges recouvrent les joues. La partie haute est rouge, couvre totalement les yeux.
La lumière se concentre sur le visage, dont la moitié basse murmure des choses incompréhensibles.
Entre un deuxième personnage : Bédouin ; invisible sur la scène. Sombrero ne le perçoit pas, mais son arrivée renforce sa voix. Bédouin s'approche, la lumière s'étend (durant la suite elle restera large), il s'assoit, dans la même position que celle initiale de Sombrero, à environ deux mètres. Les mots que donne Sombrero sont perceptibles comme sons, mais toujours incompréhensibles.
Bédouin se gratte, Sombrero continue sa gestuelle labiale. On voit arriver deux nouveaux personnages, chacun d'un côté de la scène : Elias, qui sautille, et Albatros, qui sautille. Les mots de Sombrero se font intelligibles pour le public.
SOMBRERO (en boucle, stoppé par Albatros trop proche) : uda muda muda muda mud
Entrent Ghagha et Muda, évasifs. Leur arrivée augmente aussi la portée des mots de Sombrero, interminables, hypnotiques, sans qu'on sache si Muda lui-même a quelque chose à voir. Tous se lèvent puis se mettent en cercle. Dans le sens horaire : Sombrero, Ghagha, Bédouin, Muda, Elias, Albatros — Sombrero est sur les six heures, face au public.
Sombrero se retourne, rendant presque absents les mouvements des autres. Leurs regards convergent sur un centre absent.
SOMBRERO (en boucle permanente maintenant) : admu adum amdu amud audm
Simultanément :
Ghagha prend le masque de Sombrero, qui ne bouge pas.
Albatros et Elias frappent dans leurs mains.
Bédouin s'endort. Derrière eux un grand bruit, qu'ils n'entendent pas.
Muda sort un livre de la boue ; lit :
MUDA (rapidement) : si l'on décolle le d de lucide, une luciole
Une luciole passe en fond ; tous sont immobiles.
Muda fait tomber son livre. Ghagha enlève le masque. Sombrero se tait.
La luciole arrive et se plante dans son œil.
MUDA : —ntsst dans l'œil !
SOMBRERO : tu aurais au moins pu garder le masque
ELIAS : messieurs, un peu de tenue
ALBATROS : je crois que cette luciole est la vérité
SOMBRERO : à quoi ça te sert de me voler un masque si c'est pour l'enlever ?
ELIAS (à Sombrero) : tu crois que ça a un rapport avec son œil ?
BEDOUIN : quelle symbolique de merde
SOMBRERO : effectivement
MUDA : si l'on décolle le u de luciole, liiciole
ALBATROS : le problème est que ça ne veut plus rien dire
SOMBRERO : tu crois que ça a un rapport avec son œil ?
Muda prend le masque. La luciole s'en rapproche et reste comme immobile. Sur tout ce qui suit, Muda remue son masque, comme s'il était collé à sa gueule ou qu'il essayait de l'enlever, la luciole n'en bouge pas
ELIAS : ça fait comment ?
MUDA : je crois que cette luciole est la vérité
BEDOUIN : que voudrait-elle nous dire ?
ALBATROS : que ce masque est la vérité ?
SOMBRERO : je croyais que c'était la luciole
MUDA : si la gravité arrive et frappe un morceau de liiciole, l'iciole
ALBATROS : … l'ici… Olé ?
ELIAS : olé~olé olé olé… olé ~oléé
BEDOUIN : Ole ? un nordique ?
ALBATROS : ce n'est pas très précis
GHAGHA : messieurs, un peu de tenue
BEDOUIN : il nous faudrait un générique, vous savez, comme si on—
GHAGHA : il est trop tard
MUDA : tu crois que ça un rapport avec mon œil ?
BEDOUIN : étant donné l'iciole, oui, ça ressemble assez
ELIAS : ntsst dans l'œil
GHAGHA : quoi ?
ALBATROS : messieurs, un peu de tenue
MUDA : si l'on colle le c au i de l'iciole, l'idole
ELIAS : c'est donc là que tu voulais en venir
BEDOUIN : je croyais que c'était la luciole
GHAGHA : je crois que cette luciole est la vérité
SOMBRERO : c'est bien ce qu'il tente de nous dire
ALBATROS : que la lumière de la luciole est la vérité ?
SOMBRERO : Muda ?
MUDA : olé~olé olé olé… olé ~oléé
GHAGHA : mais l'idole n'est pas vérité
ELIAS : dis donc gros malin, t'essaiera de faire vérité avec luciole
BEDOUIN : ce n'est pas très précis
ELIAS : effectivement
SOMBRERO : messieurs, un peu de tenue
ALBATROS : c'est très profond, songez que l'idole image n'est qu'une projection
BEDOUIN : oui, du croyant sur l'incroyant
GHAGHA : ce n'est pas ça le problème ; le problème est que ça ne veut plus rien dire
ELIAS : mais pourquoi ?
MUDA : je crois que cette luciole est la vérité
GHAGHA : la luciole apporte lumière
ALBATROS : c'est bien ce qu'il tente de nous dire
SOMBRERO : que la lumière de la luciole est la vérité ?
GHAGHA : c'est l'étymologie luciférienne
BEDOUIN : quelle symbolique de merde
ELIAS : effectivement
GHAGHA : tu crois que ça a un rapport avec son œil ?
BEDOUIN : mais tu disais que tu croyais cette luciole comme vérité
MUDA : je crois que cette luciole est la vérité
GHAGHA : effectivement
ALBATROS : tu serais donc un obscur ?
ELIAS : c'est bien ce qu'il tente de nous dire
BEDOUIN : olé~olé olé olé… olé ~oléé hepHep olé~olé olé olé
SOMBRERO : mais l'idole n'est pas vérité
GHAGHA : nous avons déplacé le problème
BEDOUIN : oui, du croyant sur l'incroyant
SOMBRERO : le problème est que ça ne veut plus rien dire
MUDA : effectivement
GHAGHA : ce n'est pas très précis
ELIAS : dis donc gros malin, t'essaiera de faire vérité avec luciole
MUDA : je crois que cette luciole est la vérité
SOMBRERO : tu aurais au moins pu garder le masque
ALBATROS : tu serais donc un obscur ?
GHAGHA : c'est bien ce qu'il tente de nous dire
BEDOUIN : quelle symbolique de merde
MUDA : effectivement
ELIAS : je croyais que c'était la luciole
SOMBRERO : olé~olé olé olé… olé ~o
A partir d'ici, le
/ RIDEAU /
peut tomber n'importe quand, de préférence pendant une réplique de Sombrero.
/ RIDEAU /
peut tomber n'importe quand, de préférence pendant une réplique de Sombrero.
Indications et notes à l'attention du metteur en scène :
- à partir du moment où Muda se revêt du masque, la mise en scène et le jeu d'acteur sont laissés à l'appréciation du metteur en scène (i.e. toi) et/ou des acteurs eux-mêmes, dans la mesure où ils ne parasitent pas le bon déroulement de la pièce
- le tempo, de la même façon, est volontairement ambigu, laissant les envies de chacun s'exprimer dans une représentation rapide, saccadée, comme dans son pendant lent et plus ou moins hypnotique ; d'après de savants calculs, la pièce peut durer entre trois minutes et trois heures sans qu'il y ait rupture avec les intentions de départ (on peut par exemple affaiblir la rythmique des dernières répliques, tout comme les doubler)
- il est possible d'intégrer un ou plusieurs robots ou automates qui, bien réglés, feront des acteurs étrangement doués
- cette pièce est originellement écrite en français ; ne soyez pas abruti au point de vouloir compenser la traduction : il n'y en a pas eu
- (bis) au metteur en scène : débrouillez-vous pour que les acteurs comme les spectateurs ne se rendent jamais compte que le mot luciole a une anagramme assez particulier : couille ; cela peut par exemple se faire en n'accentuant pas les répliques sur lesquelles les lettres se modifient — par contre, débrouillez-vous pour leur faire comprendre sans leur dire vraiment que le terme MUDA n'est qu'une perversion lettrée du prénom Maud ou un trou dans un palindrome du genre MURDA – A DRUM.
bonus adjacent : JOJO'S BIZARRE ADVENTURE : FUNKY SHIT
1 commentaire:
Bravo pour ça, et pour ce blog de façon générale, inspirant, troublant.
Le fragment d'un ensemble plus vaste donne vraiment envie de lire la suite.
Et aussi merci de m'avoir fait découvrir Hunter, que j'ai dévoré dans une régression jubilatoire.
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