Hum.
John Carter, premier grand héros d'Edgar Rice Burroughs, plus connu pour être le père de Tarzan. On cerne le bonhomme.
1911, écriture de A princess of Mars, première aventure du bellâtre musclé sur la planète guerrière, dans une suite d'aventures jouissives. Simples, efficaces. Dix autres romans plus ou moins achevés et réussis sortiront au fil du temps, prenant John Carter, sa descendance ou d'autres comme héros. Les trois premiers forment un tout, le socle du reste.
D'abord publiés dans des pulps (Argosy, The All-Story, Amazing Stories, etc.) et utilisant les ficelles qu'on s'imagine liées à ce genre de publications -- pas de dentelle, originalité limitée, répondant à des codes, tout ça --, tout le feuilleton martien se déroule dans un Mars fantasmé, l'imaginaire de l'auteur travaillant à un univers rempli autour des fameux et maintenant désuets canaux, guerrier et sans trop de nuances directes.
On s'aperçoit que quelques titres d'E.R. Burroughs ressortent, deux par deux. Et on prend, pour voir.
John Carter est un gentleman du Sud, de Virginie. On ira dans l'avant-propos supposé présenter l'homme et son charme jusqu'à dire que les esclaves de ses amis allaient jusqu'à vénérer le sol qu'il foulait... La classe. Le sud, en 1860 et quelques, c'est étrange. La présentation nous fait voir, sous forme d'annonce du mystérieux manuscrit du Capitaine Carter, les souvenirs de l'auteur (qui n'est autre qu'un neveu) sur et ses relations avec lui. Vu sous son l'angle enfantin d'abord proposé, Carter est déjà une sorte de figure héroïque, fascinante. Le temps passe et l'envoûtement reste, d'autant que le Capitaine est étrangement inchangé avec le temps. Mais il cache son mystère, Burroughs le sait; attendre des nuits entières les yeux dans les étoiles n'est pas forcément un fait normal. A sa mort, John laisse à Burroughs un manuscrit, qu'il ne devra pas lire avant onze ans et ne pas publier avant vingt-et-un. Et son caveau ne peut s'ouvrir que de l'intérieur. Balèze.
Lights, camra, action. 1865. Prospectant, trouvant un filon, allant chercher du matériel en ville, tombant sur des Apaches, fuyant, se cachant dans une grotte, paralysé, puis...
There was an instant of extreme cold and utter
darkness.
Nu, sur Mars. Mi-prisonnier, mi-impressionnant ses amis verts, grands (douze pieds maximum, soit en très gros quatre mètres), laids, par ses drôles de capacités. Peu après son arrivée dans la cité morte des verts, le déclic. Il en fallait un; John Carter a beau aimer se battre, avoir un but, c'est un peu plus pratique. Arrivée de vaisseau, on leur pourrit la gueule. Une femme faite prisonnière. Tout bingo pour Carter, c'est une princesse et surtout une bombe sexuelle. Il est un peu gauche, mais quand même. La suite pour la libérer, s'enfuir, encore la libérer, encore une fois, encore et en passant fédérer la moitié du monde martien et devenir ami avec les plus grands chefs de guerre de la planète. John Carter est grand. John Carter est un héros. Suivront deux autres titres axés sur Carter, Gods of Mars et The Warlord of Mars. Deux volumes qui marquent le sommet des aventures carteriennes par leur univers plus divers, ses actes encore plus impressionnants et spontanément irréfléchis, le statut qu'il a acquis dans le premier, la réelle impression de danger qu'ils courrent, lui et sa femme, qui même si elle était le moteur des premières aventures prend ici une autre dimension; Carter montait, il ne peut maintenant que redescendre. Et pourtant il monte encore.
Sorti de nulle part, il sauve sa princesse, icone du peuple, détruit les croyances millénaires et idiotes (bien sûr) d'une majeure partie de la civilisation martienne et sauve encore sa patrie. John Carter est grand. John Carter est le messie. Plus que le messie, il ne transporte pas spécialement de message; il agit, il instincte, il lutte, vit, humaine, crée, agglutine, détruit, tue, voyage, devient, est.
Parce que c'est ça, John Carter. Un mec qui ne réfléchit pas, qui a des buts et qui en accomplit des grands sans y penser. Un héros sans trop d'aspérités, une icône, déifié sans y faire gaffe. Tout ça pour sauver sa femme, son amour. Le reste n'est qu'un bénéfice collatéral. L'idée même de fuir ne l'effleure pas, se battre l'excite. John Carter n'est pas humain. Il reste un terrien de base (on peut quand même supposer qu'à la base c'est un martien débarqué sur Terre il y a longtemps; entre autres il n'a aucune idée de son âge et vieillira de la même façon que les martiens, soit sans changement physique notable et de quoi faire pâlir Mathusalem; il est capable de faire des gamins à une femme qui pond des oeufs, mais là n'est pas le problème) assez normal et con, aidé par l'artifice d'une gravité plus réduite d'une Mars, mais il devient une légende, un seigneur, un prince pour le côté glamour, un surhomme, une sorte de dieu d'une ribambelle polythéiste, un dieu de la guerre, John Carter devient Mars lui-même, devient la planète sur laquelle il a débarqué, l'englobe petit à petit de son aura et écrase chaque nouvelle odieuse tentative de méchants chauves pour le déboulonner. Les gentils chevelus deviennent ses amis et avec un peu de chance les nouveaux dirigeants d'autres contrées, à la place desdits méchants pas beaux. John Carter dirige le monde. Les gens l'aiment.
Mais il s'en fout. Sa femme, une épée et il est heureux, toute cette solennité ne le touche pas. S'il participe à la géopolitique, l'optique d'imposer sa déjà toute-puissance dans de nouveaux recoins n'existe pas; il part à l'aventure et se fait des potes, qui, par rejaillissement, frottement ou convexion, sont touchés par sa grâce et arrivent enfin à leurs buts. Dans son sillage traînent les capacités à réussir.
Un mec grand comme ça, ça ne se refuse pas comme héros de l'action.
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