Remontant petit à petit d’une perte d’envie de lire qui aura bien duré trois ou quatre semaines, accompagnée d’ailleurs d’une propension à trouver son pseudonyme plus ridicule que d’habitude (après tout, c’était la raison—si raison existait—du choix), otarie décide, peu après avoir entendu dans le bus une gamine d’environ huit ans dire à une copine d’âge semblable qu’elle connaissait ma foi assez bien les religions (les juifs s’habillent en noir, ils ont des chapeaux et des bouclettes, les femmes se rasent la tête et portent du bleu; les témoins de Jéhovah frappent aux portes pour indiquer que la fin du monde c’est pour bientôt et qu’il serait de bon ton d’être témoin de Jéhovah quand ça arrivera, histoire d’être dans les deux seules personnes qui survivront; Dieu s’il existait il ne permettrait pas les guerres et puis sa résurrection c’est magique donc le Père Noël n’existe pas tu vois comme je m’y connais espèce de barbare t’y connais rien t’as pas le droit de croire en Dieu) et qu’elle était passionnée par les mythes—mais, stoppons la phrase pour la remonter dans un autre sens : cette petite blonde, probablement insupportable quand plus vieille elle sera, sort quelque chose qui me fait sortir à moitié de ma Smuggler’s Bible (septième partie alors) rythmée par les feux rouges, une sorte de lien inter-MZDien totalement absurde passant par le côté grec de l’affaire : le Minotaure, tu vois, il est mi-homme mi-bovin, et y’a un mec qu’est allé dans le labyrinthe pour euh je sais plus et là hop il a du miel et des plumes dans les poches, il se fout du miel sur les bras, il y colle les plumes et il s’envole, mais il va trop près et retombe. L’un dans l’autre, il y a de l’idée au milieu des trous, après tout Icare est le fils de Dédale, mais là où l’engrenage s’est grippé par rapport à ce que chacun raconte, c’est cette histoire de miel, que vient-il foutre là ? Qui a lu Only Revolutions ou son pendant traduit sait que le miel est d’importance presque capitale. Peut-être que cette gamine sait des choses qui me dépassent.
Le pire étant au final que ce manque d’envie m’aura envoyé n’importe où, à mettre un petit mois pour passer d’un bout à l’autre d’A Smuggler’s Bible, a être plus perdu encore que je l’aurais été à rythme plus rapide, à ne plus pouvoir me souvenir qui a déjà rencontré qui dans cette toile (peinture et araignée) folle retraçant les projections de David Brooke dans d’autres gens, dans d’autres feuilles, sa projection et son conscient qui ne serait qu’un amoncellement de bribes prises au hasard dans son subconscient et ses oublis au-delà de son « total recall », et son amnésie mi-feinte mi-réelle, à se voguer seul entre les souvenirs accumulés sans les écouter, les parodies folles de métaphores, l’inverse ou parfois l’un sans l’autre, les gens totalement déconnectés liés autour, dans un réseau totalement affolant qui finit par se gentiment percuter dans un encombrement épistolaire d’ampleur magique, tous parties de David Brooke aussi, tous oubliant, car on sait aussi bien que Dostoïevski et Borges que deux et dont feux quatre que l’oubli est la seule chose qui compte, la mémoire absorbe absolument tout seule la capacité d’envoyer valdinguer des choses compte; et toujours métaphore, métaphore de métaphore au milieu de la contrebande biblique rognée quand les hommes sont à la fois eux-mêmes et leurs propres parodies et que Jésus était le plus haut des contrebandier créateur par nature, non haha créateur ne veut toujours rien dire, il y a connexion. Avec un travail assez fabuleux sur la création et l’envoi de soi à travers l’autre, parasitant. Alors qu’en même temps à peu près je pataugeais dans Alphabetical Africa, à me dire qu’assez tôt, au G ou au H, on ne voyait plus spécialement la contrainte, du moins cela semblait assez naturel pour que quelqu’un n’étant pas au courant ne remarque rien, et finalement assez happé en accélérant de nouveau par cette histoire de continent qui rétrécit, d’attaque de fourmis et de Reine transexuelle (?) qui fait peindre d’entiers états d’orange ou de bleu. Et je suis si feignant que je ne vais même pas, dans la colonne de droite sur ce blog, ajouter un truc « la parole philosophique entendue dans la rue de la semaine », avec pour inaugurer non pas cette gamine plus haut évoquée, mais par une sorte de guignol à crête qui, discutant avec un ami, a en me croisant dit ce que de mes oreilles fines j’entendis sortant d’une séance de cinéma d’un film de merde, « t’sais les gens tac-tac tu vois. ». De quoi élever son esprit. Mais ce qui m’a redonné l’envie je crois après retour c’est cette lecture en français (peut-être était-ce là une accentuation du problème : lecture presque uniquement anglaises) de Steinbeck avec Des souris et des hommes, avalé en me remémorant Faulkner (et par convection Mishima) et Beckett parfois, pour la campagne et les duos, la force tirée d’un apparent néant, le ridicule jamais atteint. Après ça, avant de finir AA et la Smuggler’s Bible, achevés à douze minutes d’intervalle au maximum, encore incapable de lire plus d’une quarantaine de pages d’affilée et le plus souvent à peine quinze, je suis reparti sur Des putes pour Gloria et pendant que je commençais à taper ce message j’ai googlé le titre pour trouver la couverture récente et tombe chez untel puis chez Bartelby (j’avais oublié), en tombant sur le mot de Pygmalion je me souviens de cette histoire de Ballard (The smile je crois) mais on s’en fout, et je suis probablement sans espoir pour toujours en avoir un peu, à encore m’imaginer que cette Gloria existe vraiment hors de l’imagination de Jimmy, ne serait-ce qu’une base totalement différente de ce qu’il en a fait, sachant bien que dans l’absolu ça ne change strictement rien à sa passion pathologique et nécrosée, finalement un peu comme lui, sidéré par ses propres retours, sa capacité à aller en avant pour suivre son arrière inexistant, plus profondément dans la merde. Et encore une fois, si Europe Centrale n’éveille par son flux pas énormément de choses chez moi, ici comme dans La famille royale je me retrouve à errer dans les bas-fonds au milieu des putes et des pauvres mecs qui ne seront jamais adoubés ni absous. Père Noël si tu pouvais m’apporter quarante millions d’euros et des perspectives des fois ça m’arrangerait.
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5.12.07
"Today, maybe parody is the real thing."
les trucs en rapport :
Abish,
Danielewski,
l'aspect positif de la prise de bus,
McElroy,
Steinbeck,
Vollmann
30.8.07
"Quand tu arrives en haut de la montagne, continue de grimper."
Disons qu’O Révolutions est un roman sur l’impossible. Ou de l’impossible. Oui, plutôt. Pas en ce qui concerne ses particularités visuelles, de miroir, de tambour et du tremblement subséquent ; mais une impossibilité de communiquer, d’expliquer, d’empêcher, peut-être de sentir. De voir que le juste milieu, le milieu pile poil, n’existe pas. De choisir. D’être un là où on est deux ; d’être deux puisqu’on est un. Ineffable, indicible. Humain surtout. A partir de ce constat, les contraintes que s’est imposé Mark Z. Danielewski à la rédaction ou quelques unes d’entre elles au moins reprennent un nouveau rôle, touchant à une certaine précision, au moins d’un côté et de près, à ce qui ne peut s’exprimer, usant de possibilités pour parler de ce qui ne peut pas s’en servir. Démarche pas spécialement originale après tout, on sait depuis quelques temps que quelques gens grattent le monde et sa carte pour voir ce qui glisse ou non à partir de ses trous. Mais quand même.
Petit rappel de quelques aspects du bouquin : 360 pages en vis-à-vis (deux textes qui partent chacun d’un bout du livre, la première page (1) de l’un voyant inversée la dernière de l’autre (360)), deux personnages – Sam et Hailey – qui narrent chacun leur histoire, la même dans l’ensemble ; avec l’avancement des pages, le texte devient plus petit, comme s’éloignant du lecteur. Chaque page contient un nombre déterminé de mots (360 pour la majeure partie des pages) et possède chaque lettre O colorée (en vert pour Sam, en jaune pour Hailey—). Structure cyclique et pseudo-infinie. Je suppose qu’aller feuilleter le bouquin rendra ces quelques abscons mots plus clairs. Sachez au moins que pendant et après avoir lu, on peut s’exciter le kiki à trouver des rythmes à l’intérieur de pages (un certain type de poétique du son, de cadencement agencé aidé et désaidé par des brisures, rebonds, densité de portemanteaux à la page carrée, rimes déphasées, symétriques) et encore après si vous êtes atteints s’exciter un peu plus sur les correspondances et symétries, sur les nombres et les hasards qui n’en sont généralement pas vraiment—je ne suis pas atteint. Et convaincu ? Aux trois quarts dis-je.
Transiti—
On trouve chez Kafka cette phrase : « Il y a un but, mais pas de chemin. » (suivi de « Ce que nous nommons chemin est hésitation. »). Hailey, Sam aussi, ont eux un chemin, pourtant pas de but, ni même d’hésitations réelles. Un but qui est ce chemin, bordel. Sam n’est rien d’autre que Sam, 16 ans. Immortel. Pareil pour Hailey. Un nom, un âge, autant dire rien. Aut— —
Finalement, le plus étrange avec cette histoire divisée en deux n’est pas—ne sont pas les différences d’une version à l’autre, elle-même trop symétriques pour que « différences » soit un mot réellement approprié, ni même leurs ressemblances antithétiques, mais plutôt dira-t-on leur correspondance à un niveau temporel et spatial. Personnifications peut-être. Abstractions, mélanges, agrégats (un « Vous êtes métis. » en S256 et quelques vilains mots métaraciaux (sic) bien (ou mal) sentis lancés à l’adresse des deux vont en faveur de ce genre de sens, ou plutôt illustrent un sens qui s’admet au fil du texte). Admettre ça n’a pas forcément l’intérêt qu’on pourrait estimer à première vue (ça vaut pour ce qui suit autant que pour ce qui précède), mais les deux [aur]ont toujours seize ans. Ont choisi d’avoir seize ans, toujours, à jamais, étant donné qu’ils n’ont rien, ne sont pas. Seront toujours là, ont toujours été là, après la page 360, avant la page 1. Ils ont tués les milliers et millions de morts évoqués entre 1863 et 2063, ont fait naître les autres. Les animaux et végétaux s’évanescent à leur contact, ils créent et chient des montagnes. Forniquent partout. Leur simple passage à St. Louis ou partout finit en tempête de merde, et pourtant eux croisent l’espoir. Nouvel ou moribond, mais espoir.
Toujours.
« Mais noUS aussi sommes sans fin. » (S302)
« Parce que je n’existe pas. » (H341)
« NoUS sommes le temps. » (H243)
« Car maintenant
noUS sommes hors temps. NoUS sommes instant. » (S320)
Et ma préférée je crois ; « Elle est l’agonie des pierres. » (S270)
Cycle. Accéléré.
Sauf que. Qu’eux l’affirment ne suffit pas, n’a jamais suffi. Même si tout se vérifie.
Impossible.
Tangentes infinies, infimes, infâmes, infirmes, affirmées, fermées. Ces cercles, ces retours reviennent dans la démarche même du livre. Danielewski utilise une forme sensiblement nouvelle (ou au moins originale, pour ce que vaut le mot), de neufs yeux pour parler de thèmes anciens, classiques, antiques même, techniquement banals et déjà-vus au possible. Sauf que.
L’amour des deux ne s’explique pas, n’a pas d’explication. Pire pour certains et mieux pour moi, n'a pas besoin d'être expliqué, s'explique seul sans explication. Leur liberté, leur perte, leur fin, non plus. Et tous grandissent avec le temps. De même leur conscience en quelque sorte, incapable d’appréhender la fin, se croyant éternel et pourtant apercevant de mieux en mieux qu’elle arrivera. Leur lien, sorti de rien, est la seule chose qui existe et devient cette route qu’ils traversent, cette rupture diagonale entre les texte, croisant des gens sans noms, d’autres aux noms changeant (procédé aussi utilisé par exemple dans Le dimanche de la vie, de Raymond Queneau*, autant s'amuser hors texte), conduisant une voiture qui n’est jamais la même, une Ford T (—on peut en gagner une de 1915 en ayant son permis S totalement en or à Gran Turismo 4) ou une Range Rover, tout ça parce qu’on a perdu son cheval, donc son royaume ; pendant que leur propre temps impose son rythme au temps admis, que leurs mots deviennent les mots. Soit dit en passant, ils n’ont pas de montres. A moins que. Qu’il ait été décidé qu’elles ne figureraient ici que symboliquement. Après tout, l’on n’est plus à ça près. Il n’y a ni « or » dans la version originale, ni « ou » dans la version française. Contrainte qui passe assez facilement je suppose, gage de plus dans l’aspect exploseur de limites du texte.
Tout change, rien ne change. Le rythme ici crée renvoie nécessairement au début d’une boucle, d’une révolution, mais le propos ne veut pas, ne peut pas savoir où la cyclicité du Temps commence ni à quelle(s) échelle(s) elle existe vraiment, sans parler des rapports entre ces échelles.
Ainsi l’énorme S, placé au début de l’histoire de Sam, d’abord estimé comme une indication, amorce de l’histoire à suivre, devient—et de la même manière le H en Hailey—, si l’on tourne la dernière page de la partie opposée, un dernier hommage. La démarche en soi d’aller au-delà de la page 360 dépasse en quelque sorte les limites d’O Révolutions (et ce même s’il possède une date d’expiration en dehors des 360 pages et qu’il est à peu près stupide de limiter le cercle à 360° définitivement définis), mais ces ultimes H et S sont visibles de la page 360, par transparence, pas ici et toujours là, ajoutant une autre dose aux dernières lignes. Ainsi halos, olives, kriss et miels. Prospection d’un autre part jamais atteint, atteint à jamais. Jamais à deux. On a beau essayer. Mais. Finalement irréversible. Le cercle est tout, mais il n’a qu’un sens à la fois.
*Pour rester sur Queneau, on peut estimer une relation entre O Révolutions et son roman Les fleurs bleues. Dans les fleurs bleues, Cidrolin, un gugusse vivant sur une péniche dans les 60s, devient quand il s’endort le duc d’Auge, vivant je ne sais plus quand au Moyen-Age. Le duc devient bien sûr quand il s’endort Cidrolin, et finira, après quelques bonds dans le temps, par réellement le rejoindre. Ce thème est basé sur un apologue chinois bien connu (« Tchouang-tseu rêve qu'il est un papillon, mais n'est-ce point le papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu ? »). De la même manière — alors que le texte de Queneau présentait des transitions subites qui avaient parfois le bonheur de ne même pas faire savoir au lecteur que de Cidrolin il était passé à Auge avant quelques lignes — exploité par sa forme de double lecture et ses accompagnements historiques, O Révolutions propose peut-être un Sam qui, quand il part, devient Hailey, et inversement, l’autre restant toujours proche, opposé, retourné, capoté.
Petit rappel de quelques aspects du bouquin : 360 pages en vis-à-vis (deux textes qui partent chacun d’un bout du livre, la première page (1) de l’un voyant inversée la dernière de l’autre (360)), deux personnages – Sam et Hailey – qui narrent chacun leur histoire, la même dans l’ensemble ; avec l’avancement des pages, le texte devient plus petit, comme s’éloignant du lecteur. Chaque page contient un nombre déterminé de mots (360 pour la majeure partie des pages) et possède chaque lettre O colorée (en vert pour Sam, en jaune pour Hailey—). Structure cyclique et pseudo-infinie. Je suppose qu’aller feuilleter le bouquin rendra ces quelques abscons mots plus clairs. Sachez au moins que pendant et après avoir lu, on peut s’exciter le kiki à trouver des rythmes à l’intérieur de pages (un certain type de poétique du son, de cadencement agencé aidé et désaidé par des brisures, rebonds, densité de portemanteaux à la page carrée, rimes déphasées, symétriques) et encore après si vous êtes atteints s’exciter un peu plus sur les correspondances et symétries, sur les nombres et les hasards qui n’en sont généralement pas vraiment—je ne suis pas atteint. Et convaincu ? Aux trois quarts dis-je.
Transiti—
On trouve chez Kafka cette phrase : « Il y a un but, mais pas de chemin. » (suivi de « Ce que nous nommons chemin est hésitation. »). Hailey, Sam aussi, ont eux un chemin, pourtant pas de but, ni même d’hésitations réelles. Un but qui est ce chemin, bordel. Sam n’est rien d’autre que Sam, 16 ans. Immortel. Pareil pour Hailey. Un nom, un âge, autant dire rien. Aut— —
Finalement, le plus étrange avec cette histoire divisée en deux n’est pas—ne sont pas les différences d’une version à l’autre, elle-même trop symétriques pour que « différences » soit un mot réellement approprié, ni même leurs ressemblances antithétiques, mais plutôt dira-t-on leur correspondance à un niveau temporel et spatial. Personnifications peut-être. Abstractions, mélanges, agrégats (un « Vous êtes métis. » en S256 et quelques vilains mots métaraciaux (sic) bien (ou mal) sentis lancés à l’adresse des deux vont en faveur de ce genre de sens, ou plutôt illustrent un sens qui s’admet au fil du texte). Admettre ça n’a pas forcément l’intérêt qu’on pourrait estimer à première vue (ça vaut pour ce qui suit autant que pour ce qui précède), mais les deux [aur]ont toujours seize ans. Ont choisi d’avoir seize ans, toujours, à jamais, étant donné qu’ils n’ont rien, ne sont pas. Seront toujours là, ont toujours été là, après la page 360, avant la page 1. Ils ont tués les milliers et millions de morts évoqués entre 1863 et 2063, ont fait naître les autres. Les animaux et végétaux s’évanescent à leur contact, ils créent et chient des montagnes. Forniquent partout. Leur simple passage à St. Louis ou partout finit en tempête de merde, et pourtant eux croisent l’espoir. Nouvel ou moribond, mais espoir.
Toujours.
« Mais noUS aussi sommes sans fin. » (S302)
« Parce que je n’existe pas. » (H341)
« NoUS sommes le temps. » (H243)
« Car maintenant
noUS sommes hors temps. NoUS sommes instant. » (S320)
Et ma préférée je crois ; « Elle est l’agonie des pierres. » (S270)
Cycle. Accéléré.
Sauf que. Qu’eux l’affirment ne suffit pas, n’a jamais suffi. Même si tout se vérifie.
Impossible.
Tangentes infinies, infimes, infâmes, infirmes, affirmées, fermées. Ces cercles, ces retours reviennent dans la démarche même du livre. Danielewski utilise une forme sensiblement nouvelle (ou au moins originale, pour ce que vaut le mot), de neufs yeux pour parler de thèmes anciens, classiques, antiques même, techniquement banals et déjà-vus au possible. Sauf que.
L’amour des deux ne s’explique pas, n’a pas d’explication. Pire pour certains et mieux pour moi, n'a pas besoin d'être expliqué, s'explique seul sans explication. Leur liberté, leur perte, leur fin, non plus. Et tous grandissent avec le temps. De même leur conscience en quelque sorte, incapable d’appréhender la fin, se croyant éternel et pourtant apercevant de mieux en mieux qu’elle arrivera. Leur lien, sorti de rien, est la seule chose qui existe et devient cette route qu’ils traversent, cette rupture diagonale entre les texte, croisant des gens sans noms, d’autres aux noms changeant (procédé aussi utilisé par exemple dans Le dimanche de la vie, de Raymond Queneau*, autant s'amuser hors texte), conduisant une voiture qui n’est jamais la même, une Ford T (—on peut en gagner une de 1915 en ayant son permis S totalement en or à Gran Turismo 4) ou une Range Rover, tout ça parce qu’on a perdu son cheval, donc son royaume ; pendant que leur propre temps impose son rythme au temps admis, que leurs mots deviennent les mots. Soit dit en passant, ils n’ont pas de montres. A moins que. Qu’il ait été décidé qu’elles ne figureraient ici que symboliquement. Après tout, l’on n’est plus à ça près. Il n’y a ni « or » dans la version originale, ni « ou » dans la version française. Contrainte qui passe assez facilement je suppose, gage de plus dans l’aspect exploseur de limites du texte.
Tout change, rien ne change. Le rythme ici crée renvoie nécessairement au début d’une boucle, d’une révolution, mais le propos ne veut pas, ne peut pas savoir où la cyclicité du Temps commence ni à quelle(s) échelle(s) elle existe vraiment, sans parler des rapports entre ces échelles.
Ainsi l’énorme S, placé au début de l’histoire de Sam, d’abord estimé comme une indication, amorce de l’histoire à suivre, devient—et de la même manière le H en Hailey—, si l’on tourne la dernière page de la partie opposée, un dernier hommage. La démarche en soi d’aller au-delà de la page 360 dépasse en quelque sorte les limites d’O Révolutions (et ce même s’il possède une date d’expiration en dehors des 360 pages et qu’il est à peu près stupide de limiter le cercle à 360° définitivement définis), mais ces ultimes H et S sont visibles de la page 360, par transparence, pas ici et toujours là, ajoutant une autre dose aux dernières lignes. Ainsi halos, olives, kriss et miels. Prospection d’un autre part jamais atteint, atteint à jamais. Jamais à deux. On a beau essayer. Mais. Finalement irréversible. Le cercle est tout, mais il n’a qu’un sens à la fois.
*Pour rester sur Queneau, on peut estimer une relation entre O Révolutions et son roman Les fleurs bleues. Dans les fleurs bleues, Cidrolin, un gugusse vivant sur une péniche dans les 60s, devient quand il s’endort le duc d’Auge, vivant je ne sais plus quand au Moyen-Age. Le duc devient bien sûr quand il s’endort Cidrolin, et finira, après quelques bonds dans le temps, par réellement le rejoindre. Ce thème est basé sur un apologue chinois bien connu (« Tchouang-tseu rêve qu'il est un papillon, mais n'est-ce point le papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu ? »). De la même manière — alors que le texte de Queneau présentait des transitions subites qui avaient parfois le bonheur de ne même pas faire savoir au lecteur que de Cidrolin il était passé à Auge avant quelques lignes — exploité par sa forme de double lecture et ses accompagnements historiques, O Révolutions propose peut-être un Sam qui, quand il part, devient Hailey, et inversement, l’autre restant toujours proche, opposé, retourné, capoté.
les trucs en rapport :
Danielewski,
Kafka,
O Révolutions,
Queneau
13.8.07
On the rohoad.

Il paraît que la nature (ou l’Univers, ou Dieu, ou—) est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Borges, dans ses Enquêtes (Otras Inquisiciones) nous donne d’ailleurs un petit topo historique de cette expression et des quelques mots différents qui la débutent (divergent aussi (surtout) les qualificatifs allant avec sphère), pour arriver à Pascal.
Circonférence, révolution, la différence est à peu de choses près inexistante. Nulle part et donc partout. Ce ne sont pas les O recouverts d’une housse olive (riez) d’O Révolutions qui feront mentir cette sphère infinie. Une pichenette sur le tour qui conduit à la spirale, le diamètre varié suffit. Ici, le tour, l’autour, les entours, l’alentour, la révolution, le Möbius retourné autant de fois que l’on veut.
Quoi qu’il en soit, Only Revolutions est un petit objet dans lequel on piochera dès les premières pages un nombre indéfini de clins d’œil intratextuels (bon, techniquement, on suppose que, même sans être défini ni infini, le nombre de clins d’œil non intratextuels est plus important). On pourra citer entre autres le fait que la partie Sam débute par les mots « Haloes ! Haleskarth ! », soit sensiblement pour le premier et même assez le second le nom Hailey, tout en supposant l’idée de révolution (un halo est généralement un cercle) ; la partie Hailey commençant quant à elle par « Samsara ! Samarra ! », Sam, qui n’oublie pas non plus le concept de tour, de circulation, de migration ; les fins des premières pages, l’une (Sam) par « Why don’t I have any shoes ? » (shoes commençant par le S de Sam et symbolisant le bas du corps, le bas tout court) et l’autre (Hailey, donc) par « Why don’t I have a hat ? » (le H de Hailey et le haut, dans une révolution déjà présente) (on notera d’ailleurs que le S comme le H (comme le O ou quelques autres (Z, X, I)) sont des lettres qui sont les mêmes une fois retournées) ; les phrases en miroir ; le rythme (rimes, placements, décalages) ; l’animal d’un côté, le végétal de l’autre, ainsi de suite. Sam vert, Hailey jaune(—le Haloes ! ne suppose que faiblement le jaune…qu’en est-il du Haleskarth ?...).
Il apparaît aussi qu’une des phrases-miroir (« Allmighty sixteen and so freeeeee. » (six (ben oui) E)) fait ressortir l’âge de Sam, d’Hailey, ainsi qu’une sorte de concept de l’affaire (ils sont jeunes, toujours jeunes, tout-puissants donc, etc.). Ces seize ans renvoient (il faut vouloir faire le rapprochement) à Rimbaud. Tant qu’on y est, hein. Concentrons-nous sur de petits détails, que ce soit plus drôle. A seize ans (presque pile), il écrit le dormeur du val. Sans trop pousser, on peut estimer qu’il y a rapprochement rigolo quand le mot « trou » est présent au premier et au dernier vers (d’abord simple « trou de verdure » puis double : « deux trous rouges »). On pourrait argutier, dégoûter l'agouti, sur les couleurs, mais en fait non.
Mais, car il y en a un, le tout est encore plus beau quand on sait que Rimbaud a écrit (en 1871 ou 1872 aussi) un poème intitulé Voyelles.
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
[…]
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
(vers 1, 12 à 14—le premier vers est d’ailleurs repris à une variation près dans Une Saison en Enfer)
Sans intérêt, non ?
Pourtant, drôle.
C'est pas tout ça. Maintenant, il faudrait peut-être que j'aille le lire (en suivant les conseils éditoriaux...; "Quand tu vois une grosse majuscule, retourne ton bouquin et reprend là où tu as laissé l'autre signet, après ç").
les trucs en rapport :
Danielewski,
O Révolutions,
Rimbaud
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