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3.4.08

The Sanza Affair

(attention attention, ce qui suit dévoile la totalité de l’intrigue de The Sanza Affair (Altmann’s Tongue, Brian Evenson). Si vous ne voulez pas en savoir plus, stoppez votre lecture au premier nom de singe qui arrive dans les mots qui suivent. Autruche. C’est une des histoires les moins « violentes » du recueil, plus longue et laissant presque les meurtres de côté par son aspect moins direct. Mandrill.)


1) La piste factuelle. (il n’y a pas de deux)

Si l’on ne sait pas exactement où et/ou quand se déroule cette histoire, on peut au moins tirer de l’agencement pratique des événements le cheminement de la mort de Lund (vous me rétorquerez qu’il n’est pas à proprement parler mort, je vous dis simplement que ça n’a aucune importance), de lui seul, à partir du moment où les rouages quittent d'autres personnes pour qu'il se fixe sur leur rythme, qui se résume au final à « des gens lui tirent dessus ». On peut remonter les pistes, dire qu’il a fouillé la merde, les faits sont là : il est mort.

a) la piste policière. (il y a à peine un bé)
Remontons. Sanza est mort. Les pistes ne sont pas des plus claires, personne ne peut expliquer pourquoi il est mort mais tout le monde, interrogé (sa femme, son seul ami, sa secrétaire, ses collègues, ses supérieurs), a quelque chose à en dire. On sait simplement qu’il enquêtait sur une affaire normalement classée depuis longtemps, réouverte avec de nouveaux éléments, et continuée malgré les demandes de plus en plus pressantes d’abandon faites par ses supérieurs. Il devient évident qu’ils ont quelque chose à cacher, que c’est probablement pour cette raison que Sanza a été refroidi (euphémisme drôle). Quelque chose est là, se balançant à la frontière entre le complot de petite envergure et l’envie de finir ses jours devant les barreaux, moment classique du commissariat fantasmé. Ça résout l’affaire et à la fois ne résout rien ; on suppose d’abord, l’histoire est menée comme telle, que sa femme ou son ami ont à voir avec tout ça. Réfutations, suspections, choses étranges (il est possible que Sanza s’envoyait lui-même des cartes postales et était son propre correspondant dans des parties d’échecs interminables). Des pistes qui se forment et qui vont dans des culs-de-sac plus ou moins profonds et élaborés, conduisant parfois en des couloirs successifs. Des histoires de bols, de petits pois, des théories improbables à leur propos et l’étude de la plupart de ces pistes, représentatives d'ensembles absents. On retrouve des pièces sous les paupières de Sanza et d’une autre victime, qu’on pourrait qualifier, en restant assez neutre, de « collatérale ». Pourquoi ? On trouve un papier sur lequel est écrit « anamnèse » sous la langue morte de Sanza. Bien, cela correspond au reste. Mais cela n’indique rien pour autant sinon l'idée, provoquée, du petit complot fomenté derrière les bureaux.

On nous présente des preuves et des faits. Quand il n’y a pas de preuves, on nous présente des faits, et inversement. Si ni l’un ni l’autre ne sont là, les estimations sont données, allant d'un extrême à l'autre suivant qui en parle. On verra là aussi que les petits morceaux de vérité(s) ne sont pas forcément où on pouvait s’y attendre : alors que la secrétaire de Sanza nous annonce que ses supérieurs (à Sanza) (donc les siens aussi) le violentaient presque, le menaçaient frontalement, eux-mêmes nous disent qu’ils n’ont fait que leur travail normal, lui demandant à demi-mot de s’arrêter, insistant quelque peu uniquement après son manque de coopération, après tout il y a plus important à faire. Pourquoi pas. La distorsion arrive lorsque Lund, chargé de l’enquête de Sanza, en vient à soupçonner les supérieurs en question ; ils lui demandent effectivement de s’arrêter, mais rien n’est physique avant la fin, les menaces sont mielleuses et implicites, et ne sont que peu des menaces, comme ils disaient faire à propos de Sanza. On en vient à soupçonner aussi la secrétaire, pourquoi pas une menteuse, et Lund même, qui pourrait bien avoir quelque chose à cacher, tant qu’on y est. En parallèle, rapidement ou non, on s’aperçoit qu’on est (encore une fois, peut-être) en présence d’une chaîne et non d’un simple camouflage de crime. Lund enquête sur Sanza, qui enquêtait sur « l’affaire Hadden ». On ne sait pas grand-chose de cet Hadden, ni du Ramsay qu’il a tué, mais pris comme ils viennent, les éléments peuvent indiquer qu’il (Ramsay) enquêtait lui-même sur quelqu’un qui enquêtait sur etc. Même s'il ne le faisait pas comme Sanza ou Lund, il a été refroidi parce qu'il s'intéressait de trop près à des choses qu'il n'aurait pas dû suivre. On nage en plein dans un imaginaire fantasque de police et de vendettas timides, de figurations rêvées, tout en se débattant pour rester terre à terre, aidé et ancré par les multiples pistes tout ce qu'il y a de plus matérielles. Happés dans un engrenage fascinant, ersatz de mouvement perpétuel dans lequel des gens meurent uniquement pour avoir vu d'autres gens morts.

b) la piste qui glisse.
On peut aussi supposer le suicide de Lund. De Sanza. Ainsi de suite, du prochain ou du précédent. La recherche de la vérité a du bon, mais il court dans la gueule du loup et le sait. Et y va, découvrant en même temps que celle de Sanza sa propre fin. Le principal problème de Fox Mulder, c’est qu’il a toujours su que la vérité était ici.

3.10.07

a screaming comes across the ... sky ?

« Pulling the wire out from within the limbs, he twisted each limb against the joint until flesh and ligature tore and the limb came free in his hand. The flesh was dry, brittle to the touch. He hacked the body to smaller pieces, grouped them in piles on the mattress. He removed his igniter, set the mattress aflame. »
Brian Evenson, Dark Property.

Ce n'est qu'un exemple : ce truc est sombre comme pas permis. La couleur est rapidement donnée; ce n'est pas l'habituel XXXX : a novel que l'on trouve avant le texte, mais un religieux et dérangeant Dark Property : an Affliction. Le premier mot qui me soit venu à l'esprit pour qualifier ce que j'étais en train de lire a je crois été rauque. On peut ajouter brutal, fauve, envoûtant, effrayant, beau, sec, épuisant. S'ils ne semblaient pas aussi stupides, j'ajouterais des termes comme rare ou terrible. Court, d'une intensité impressionnante. Comme si le contexte était hors même de l'histoire et ne s'y fixait que par touches abruptes, quand les cadavres ambulants de son monde aride apportent plus qu'eux-mêmes.