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28.7.07

Tempête de merde.

L'auteur s'excuse par avance du caractère crétin (à quelques niveaux) de ce qui va suivre.



Finalem—heu c’est-à-dire qu’en gros il se peut que l’a
dicction (en puissance et/ou en acte) soit quand même le point centré d’Infinite Jest. Subtilement ou pas, elle et sa copine la "pursuite du bonheur" (sic) sont au milieu des pages, avec un David Foster Wallace qui louche tellement qu’il voit les deux côtés à la foi. Aussi et c’est peut-être pour ça que Dave W. n’est pas réellement atteint de strabisme, aussi donc les deux sont la même à peu de choses près—elles se ressemblent comme Isadora Duncan ressemble à Isidore Ducasse ou comme l’inverse.

Présentée sous diverses formes, allant des membres d’une sorte de centre de désintox (la Ennet House Drug and Alcohol Recovery House (mon dieu…)), les jeunes tennismen et -women qui pour certains se droguent à tout et n’importe quoi, au point pour Hal d’être encore plus entraîné par le fait de faire ses trucs en secret que par les résultats de ces mêmes trucs, ou encore l’entertainment ultime (samizdat) (en quelque sorte), l’infinite jest de feu James Incandenza qui divertit tellement qu’il en est comme létal… ; la poursuite, le fait et son résultat se confondent plus ou moins en une sorte de bouillie pleine de grumeaux méphitiques. Addiction qui découle probablement dans la lecture que pourra en faire tout un chacun ; la taille de l’objet, si elle ne peut prétendre à la nouveauté ni même vraiment à l’originalité, est néanmoins inhabituelle, la lecture demande un temps qui demande presque d’éviter toute lecture connexe si l’on se presse à l’avaler rapidement.

La chose gênante avec cette approche est que le bouquin est lui-même l’entertainment dont il parle, le divertissement ridiculement divertissant, s’en gaver est donc assez particulier. La chose drôle veut que cette approche d’intoxiqué soit accompagnée par une rigolardise sur le sujet, une comiquerie qui dit qu’en fait l’intox n’est pas là, plutôt elle l’est mais prise à un degré quelconque du moment que ce n’est pas le premier (ou plutôt comme toujours que le premier est là mais embourbé dans les dix-huit suivants). Distance inhérente à n’importe quelle lecture, mais qui revêt ici une forme sympathique, très métafictionnelle si l’on veut. DFW en offrant ses précisions de toutes sortes, ses digressions assenées avec un vrai faux vrai sérieux, offre avec elles un ton tendre comme un steak (tendre) (bon aussi tant qu’à faire) assez érudit et bon enfant qui ne découragera pas le lecteur (le national bestseller sur la couverture aurait pu ne jamais exister avec quelques légères modifications*) lambda, comme dit msieur Eggers dans sa préface. Bref.

IJ est long comme une course de fond (plus une marche athlétique qu’un marathon, étant donné l’esthétique (sic) de la chose) et se lit comme un espèce de sprint, sans que l’essoufflement existe même vraiment. Comme une course et contrairement à l’entertainment, aucun climax n’est présent. Etrange—un peu lourdingue et finalement plus foutrement cohérent que ce que le premier abord donne, mais aucune réelle montée vers un moment qui serait l’apex du truc, à moins peut-être de retourner au début du bouquin. Divertissement qui dépasse plus ou moins sont statut plus qu’assumé de divertissement. Reste à savoir, comme l’auteur et ses personnages se demandent dans quelle mesure James Incandenza non bref en gros à quel point David Foster Wallace use les touches de son clavier en proposant un détail d’un détail d’une histoire souvenue d’un personnage secondaire dans une prolixité (addiction) assez parfois malvenue au lieu de réellement faire avancer sa barque, et (à savoir toujours) si la barque en question a besoin d’avancer. Reconnaissons-le, si certains personnages sont comme qui dirait bien construit et dont l’évolution reste presque exemplaire du seul point de vue de leur construction en tant que personnages littéraires, l’ensemble souffre d’un manque d’approfondissement, le comble pour un roman qui se propose de donner des détails à foison. Que ce soit voulu (partiellement ou non) ne change pas véritablement le problème. Problème somme toute assez minime au vu du reste, de son portrait de quelques drogués en train de monter la pente, de drogués en roue libre dans la descente vers leurs enfers ou les dé-drogués tentant d’escalader la falaise dont ils se sont déjà bien cassé la gueule ; Hal finalement se trouve dans les deux premières positions évoquées. D’abord prenant ce qu’il prend comme ça, puis ayant quelque mal à s’en dépêtrer, puis étant passé de l’autre côté. « Call it something I ate. », dit-il dès le début du roman (qui chronologiquement est sa fin) (étant jeune, il a mangé une sorte de produit champignonneux qui pourrait être la cause à retardement de son état), comme une excuse pour son manque total de communication présentement présent—alors qu’il croit parler, il hurle. Excuse bien faible de son statut même de justification. On ira, parmi d’autres possibilités, se dire que c’est un juste retour de bâton gluant, du genre ‘la drogue c’est pas bien’ ou admettre qu’il a simplement craqué.

Hal, juste fils de son père, qui on se doit de le préciser encore, s’est suicidé en mettant sa tête dans un micro-ondes hermétiquement fermé (ou fixé) autour dudit crâne.


Peut-être l’autre personnage principal est-il Don Gately, qui occupe une bonne partie des dernières pages, lui sur la pente ascendante, même si dans un lit d’hôpital devant lutter comme un médecin philippin ( ? ) pour ne pas qu’on lui refile les choses qu’il veut éviter. Rêvant peut-être de Joelle van Dyne (anciennement petite amie d’Orin Incandenza et muse de James, Prettiest Girl Of All Time (P.G.O.A.T.), maintenant voilée parce qu’elle s’est pris un jet d’acide en pleine poire ,et en voie de désintoxication) et se remémorant son passé de B.I.M. (Big Indestructible Moron) jeune joueur de foot (comme Orin donc) puis ses chutes et son appartement sur le sol duquel lui et son pote Fackelman ( ?—j’écris tout ça sans relire ou rechercher dans le bouquin) pissaient (et désormais, dans son lit d’hôpital, il pisse dans un tube, l’opposition entre les deux états est une bonne idée, une drôle de bonne idée mais une idée sympathique).

L’addiction jusqu’à son paroxysme est peut-être poussée quand, dans des passages moins importants (façon de parler) du roman de jeunes canadiens jouent à sauter devant des trains, expliquant ainsi le manque de jambes des fameux A.F.R.—les Assassins des Fauteuils Rollents (sic)—qui pour les plus jeunes vont en fin de roman jouer au tennis, ou quand le père d’un protagoniste va devenir une sorte de fan absolu de M*A*S*H, absolu oui. L’addiction face à des substances plus classiques des autres, avec ou sans ce qu’on considère ou non comme des raisons de s’échapper.

Pas de réelle collision entre les trois histoires du roman (les jeunes joueurs de tennis ; les séparatistes en fauteuil ; les mi-désintoxiqués), mais des croisées dans un peu tous les sens, sans que le besoin de se faire se percuter les trois dépasse le reste (après tout, quel intérêt tout court et quel intérêt pour l’histoire elle-même ?). A a déjà rencontré B, dont la fille est la coiffeuse de l’ex-mari (comme dans les histoire de gens qui connaissent untel) de C, lui-même (pourquoi pas ?) totalement absorbé par les films de X, qui lui a déjà eu pour acteur Q, le neveu de K, fils de U (ancien amant de O) et de A. Ou plutôt, dans l’optique d’IJ ; A connaît B, B connaît C, A connaît C, mais le triangle entre les trois est à peu près vide.

Le triangle en question est 1) scalène, 2) à peine en réalité un triangle mais tout juste trois points plus ou moins fortement attachés entre eux, donc tout va donc pour le mieux. Le plus idiot étant que (et c’est aussi lié à l’absence de climax évoquée plus haut) l’on s’attend à voir les trois choses se télescoper, parce qu’« enfin bordel elle sont là », sans qu’il n’y ait de raisons valable de faire se rencontrer des terroristes cul-de-jatte cherchant une copie de l’infinite jest (soit l’entertainment ultime et fatal laissé par James), de jeunes joueurs de baballes même si on trouve la femme de James, son beau-frère et deux de ses fils là-bas, et des drogués en voie de guérison ( ? ) (même si son ancienne muse est avec eux). Feu J.O. Incandenza est le sommet (l’apex encore) un peu seul et évanescent d’une pyramide bancale, logeant le pic d’intensité du roman en-dehors de ses pages, un peu gênant comme situation. Le plus étrange étant qu’apparemment pour les gens blurbés derrière ou avant le roman, créer des attentes pour ne pas les tenir est INCROYABLE D’INTELLIGENCE CREATIVE etc. (mon dieu), DIABLEMENT ORIGINAL (ah) et peut-être même (couplé au style de Wallace) la prochaine étape de la fiction (avec une comparaison rapide à ce niveau avec Beckett, Pynchon et Gaddis—eh ben). Oui, un peu, et surtout non. Mais un peu.

Finalement, le seul personnage d’Orin (‘O.’—odot ?) semble appartenir à autre chose. Il est plus que certainement accro à quelques trucs (les conseils avisés d’Hal, les femmes par exemple), sans que son personnage pourtant équilibré d’une drôle de manière sombre ou émerge d’un type de folie induit par un trop-plein d’un quelque chose non recommandé. Ma foi. Orin in the sky with balloons. Ou sans—agités du bocal, des bocaux, buccaux voire anaux.
Explosion contrôlée. Explosion ? Comme cette tempête cliché qui renifle le drame et qui s'enfuit avec lui.
*
*
*
*
*Sans vouloir taper dans la note à la Wallace, je dois signaler que j'ai trouvé un peu par hasard un exemplaire de son recueil de nouvelles brief interviews with hideous men, daté de '99 mais piochant probablement dans des choses écrites en même temps qu'infinite jest, et que même en tapant dans le plus violent, le plus lourd, le plus ennuyeux, le plus "je joue avec le quatrième mur", ça a l'air de se vendre aussi.

26.7.07

98.6%

Après une double-session (cinq ou six jours, trois semaines de pause, puis trois nouveaux jours) de lecture d’Infinite Jest, le roman est achevé. Avant d’en parler en long, large, circonférence, travers et surtout en diagonale, quelques citations piochées par-ci par-là (chez d’autres auteurs) qui me semblent avoir une certaine résonance avec IJ, pour quelque raison que ce soit, qui seront plus à leur aise toutes seules qu’avant un petit papier sur un autre roman (et comme ça, je peux en ajouter).

Bien évidemment, l’ordre de ces citations est très savamment étudié.

« You feel okay ?
No, I feel like shit.
It’ll get better.
Yeah.
Trust me.
Yeah. »
— James Frey, A Million Little Pieces.

« I awoke from the Sickness at the age of forty-five, calm and sane, and in reasonably good health except for a weakened liver and the look of borrowed flesh common to all who survive The Sickness. … Most survivors do not remember the delirium in detail. I apparently took detailed notes on sickness and delirium. I have no precise memory of writing the notes which have now been published under the title Naked Lunch. The title was suggested by Jack Kerouac. I did not understand what the title means until my recent recovery. The title means exactly what the words say: NAKED Lunch—a frozen moment when everyone sees what is on the end of every fork. »
—William Burroughs, Deposition: testimony concerning a sickness (1960).

« … j’en vis une puis deux puis trois crevant les confettis vert clair laissant juste dépasser le bout de leur tête avec leurs petits yeux gros comme des têtes d’épingle qui me regardaient il y avait un léger courant et j’en vis une dériver lentement se laissant entraîner entre les archipels de confettis agglutinés de la même couleur qu’elles on aurait dit un noyé écartelé la tête à demi hors de l’eau ses délicates petites pattes palmées ouvertes puis elle bougea et je ne la vis plus … »
— Claude Simon, LA ROUTE DES FLANDRES.

« Le regret qu’on les hommes du mauvais emploi du temps qu’ils ont déjà vécu, ne les conduit pas toujours à faire de celui qui leur reste à vivre, un meilleur usage. »
— La Bruyère, Les Caractères, XI, 46.


« Le soleil brillait, n’ayant pas d’alternative, sur le rien de neuf. »
— Samuel Beckett, MURPHY,—ouverture.

« Et ensuite se déchaîne une tempête de merde. »
—Roberto Bolaño, nocturne du chili.


Dans l’extrait de Claude Simon, ce qui est vu par le narrateur est une grenouille (puis deux, puis trois donc). Dans la Deposition de Burroughs, il y a bien à un moment quatre points (un premier, puis ceux de suspension—chose étrange qui se trouve finalement assez couramment). Voilà.

10.7.07

I ain't omnipotent and I don't want to X no Goddamn Barbiedoll.

Pour des raisons indépendantes de ma volonté, je n'ai pu lire que douze pages (environ) d'Infinite Jest depuis lundi dernier. C'est peu surtout comparé aux 550 environs de la semaine d'avant, ça prend du temps, c'est fait pour et si le temps manque—de ma volonté donc. D'un autre côté, ces raisons m'ont permis de lire l'Atrocity Exhibition de Ballard, environ un quart des Sixty Stories de Barthelme, quelques autres choses et hier soir rapidement environ trente pages du Temps où nous chantions, le genre de truc qui te fait ouvrir la bouche et baver sur tes pages tellement c'est bô.

Mais. reprenons. Après tout, comme disait à peu près l'autre; I like big books and I cannot lie, you other brothers can't deny, etc. Etc.

Vite.
Famille Incandenza. Harold (Hal), Mario (Booboo), Orin (O.), Avril (The Moms), feu James (Himself), même Charles Tavis (Tavis est anagramme de Vista).

Incandenza.

Incandenza = En cadence. Le rythme est un peu lourd mais fonctionne. Sur quelques pavés paragraphés et quelques phrases rebondeuses l’histoire entre tennis, détox et fauteuils roulants parcourt de longs trajets. Le découpage a parfois l'air un peu pataud (au niveau des chapitres — e.g. le premier qui pour l’instant est le plus tardif du point de vue de Cronos, qui laissait à penser un faux fourre-tout de vazévients entre l’année des barres chocolatées et l’année du Roi burger mais qui se limite (entre parenthèses et guillemets) à voguer sur celle des couches pour adultes et donc à un rigolard essai de "je vous montre la fin avant le début sauf qu'en fait la fin (le début) on s'en branle un peu. Déjà que le début était double), la chose dans son ensemble ressemble à une course de fond sprintée qui parfois (fois) se renverse des seaux de café pour continuer.

Incandenza = Incandescant. Là, limite étant donné que ça comprime et –presse en gros ce que je dirai peut-être dans le commentaire (ment) post-IJ, qui selon toute vraisemblance devrait arriver dans les quelques mois à venir (finalement je me suis aperçu que quand Dave Eggers dit dans sa préface qu’il l’a lu en un mois et qu’il n’a pas fait grand’chose d’autre, il avait bien raison, c’est un bouquin qui est ce dont il parle en demandant pas mal de temps et d’attention(s), à éviter de lire à doses médicamenteuses (ment) posologiquement régulièrement faibles, mais à prendre comme une espèce de drogue à haute doses quitte à frôler l’OD et passer par des trous des hauts des bas des collants passer donc par des périodes de manque). Mais

"I ain't omnipotent and I don't want to X no Goddamn Barbiedoll."
Ortho Stice, page 550. ça, c’est incandescant.


Incandenza = Inc. Bien trouvé et trouvé au milieu du bouquin en plusieurs exemplaires. Inc—incorporated. ça fait très imposant tout ça.
Flemme.

Incandenza = ink. En fait, non.

(En trois clics à partir d'un google Infinite Jest, on tombe sur des informations passionnantes;
"In Australia, Milky Way bars are also available in Banana flavor.")

28.6.07

Pinch me.

Au fil de la lecture d’Infinite Jest et même avant, le parallèle de sa longueur avec celle du pynchonien Against the Day ne frappe pas mais est posé là, à côté du bouquin. Si techniquement il m’apparaît qu’IJ est bien plus long qu’AtD, le nombre le plus haut que l’on trouve dans l’un comme dans l’autre est sensiblement le même (1079 et 1085). Après un millier de pages, l’attention n’est d’ailleurs plus spécialement retenue par la quantité. Bref.
Le parallèle n’étant pas en soi spécialement intéressant (le nombre de pages en commun n’est pas spécialement un facteur de semblabilité), il acquiert une nouvelle dimension quand il n’est plus parallèle (ou plutôt quand on s’aperçoit que ça n’est même plus drôle d’estimer qu’il y en avait un) et que l’on trouve des choses que l’on a déjà trouvé chez Pynchon et qui reviennent chez Wallace, volontairement.

On peut par exemple citer le phénomène de bröckengespenst (page 88), sorte d’ombre géante que l’on projette en se situant en un point élevé approprié. Wallace donne Goethe et son Faust comme origine du nom quand Marathe et son fauteuil de rollent (sic) recouvrent des hectares de sol.
Oui. Mais. Pas mais, mais mais. On se souvient que dans Gravity’s Rainbow, partie 3…
Just before dawn. A hundred feet below flows a palid sheet of cloud, stretching west as far as they can see. Here are Slothrop and the apprentice witch Geli Tripping, standing on top of the Brocken, the very plexus of German Evil, twenty miles down north by northwest of the Mittelwerke, waiting for the sun to rise. […] As the sunlight strikes their back, coming in nearly flat on, it begins developing on the pearl cloudbank: two gigantic shadows, thrown miles overland, past Clausthal-Zelterfeld, past Seesen and Goslar, across where the river Leine would be, and reaching toward Weser. […]
Around this parts it is known as the Brockengespenst.
God-shadows. Slothrop raises an arm. His fingers are cities, his biceps is a province—of course he raises an arm.

Etc. Le passage qui suit est dans la continuité des visions de ce phénomène.
(pages 334 et 335, Penguin Classics - deluxe edition)

Et en français ;
Juste avant l’aube. Cent pieds plus bas s’étend vers l’ouest une nappe de nuages blafards. Slothrop et son apprentie sorcière Geli Tripping sont au sommet du Brocken, la source même du mal allemand, à trente kilomètres au nord-ouest du Mittelwerke. Ils attendent que le soleil se lève. […] Le soleil frappe leurs dos, presque horizontalement, et atteint la masse de nuages nacrés : deux ombres gigantesques qui s’étendent sur des kilomètres de campagne, recouvrent Clausthal-Zelterfeld, Seesen et Goslar, de l’autre côté de la Leine, en direction de la Weser…
[…] Ici, on appelle ça le Brockengespenst.
Des ombres divines. Slothrop lève un bras. Ses doigts sont des villes, ses biceps une province—bien sûr, il lève son bras.

Etc.
(L’arc-en-ciel de la gravité, pages 327 et 328—traduction de Michel Doury, éditions Seuil)

So. Goethe. Mais Pynchon. Oui. Wallace a bien pour lui l’avantage d’avoir foutu un tréma sur le O de brocken, mais Slothrop (en Ian Scuffling ? Rocketman ?) est lui-même sur le Brocken, on ne se refuse rien.


Autre chose qui s’explicite assez bizarrement (et comiquement dans cette espèce de vrai faux vrai sérieux qui caractérise les digressions géantes qui ponctuent IJ) dans la partie d’Eschaton jouée lors de l’Interdependence Day (8 novembre) (pages 321 et suivantes), un jeu concompliqué qui allie balles de tennis et conquête géopolitique pour des moins de dix-huit ans. En grande partie basé sur des lobs, l’Eschaton voit lui aussi ses paraboles bombiques tomber un peu partout. Les V-2 et autres choses ré-attirées au sol par la gravité deviennent ici des balles de tennis usées au milieu de shorts, de coquilles et de chaussettes supposées représenter des choses si l’on est un peu imaginatif. Chapitre en sorte de parodie de Gravity’s Rainbow (qui était déjà sa propre parodie et ainsi de suite—IJ est aussi sa propre parodie), toute cette partie très renfermée sur elle-même donne une drôle de vision d’une guerre de nains. Je précise que ce parallèle s’est opéré dans mon ciboulot sur le seul rapport entre l’arc-en-ciel Pynchon et le lob(ster—homard que Wallace a l’air d’apprécier…) de DFW. Toutes ces choses de lobs sont aussi présentes chez Orin (ça fait très nordique divin comme nom, non ?) et ses capacités au foot américain, plus précisément au punt, coups de pied dans le ballon-œuf qui s’envole et n’entend plus rien avant de siffler et s’écraser sur le vert ligné de blanc du sol.

D’autres rapports ou clins d’œil plus ou moins évolués doivent se trouver là ou plus loin. En attendant, une partie de la note 110 (page 1007) fait poindre un sourire (plus loin dans cette même note, en fin de page 1014, on le nous rappelle d’ailleurs, pour les gens qui auront survolé le début de note (s’ils ont survolé le début, il n’y a aucune raison qu’ils ne survolent pas non plus les dix ou douze autres pages qui la constituent, mais—)) en évoquant un motif récurrent pynchonien. Même si après recherches rapides je m’aperçois que j’y ai vu ce que je voulais y voir peut-être plus que vous comprenez, j’ai vu et ça me suffit. Pedro, salive encore un peu (le mien aussi a mis quelque temps à arriver), tu verras. Et si j’ai vu ça, c’est que Dave Wallace n’est pas innocent. Il paraît.

A.h. Ayant reçu infinite jest en même temps (pour rester Pynchon) que Mason and Dixon, et après avoir parcouru un petit paquet (vingt peut-être) de pages, je me suis demandé en sachant déjà la réponse, si Mason et Dixon sauraient me faire mélodier leurs phrases (chez Wallace c'est tout de même très différent et foutrement moins joli). J'ai ouvert, regardé sans même lire et...



Snow-Balls have flown their Arcs, starr'd the Sides of Outbuilding, as of Cousins, carried Hats away into the brisk Wind off Delaware,-- the Sleds are brought in and their Runners carefully dried and greased, shoes deposited in the back Hall, a stocking'd-foot Descent made upon the great Kitchen, in a purposeful Dither since Morning, punctuated by the ringing Lids of various Boilers and Stewing-Pots, fragrant with Pie-Spices, peel'd Fruits, Suet, heated Sugar,-- the Children, having all upon the Fly, among rhythmic slaps of Batter and Spoon, coax'd and stolen what they might, proceed, as upon each afternoon all this snowy Advent, to a comfortable Room at the rear of the House, years since given over to their carefree Assaults.


Oui, ils sauraient.

27.6.07

Vers l'infini et en deçà !

Infinite Jest.
De David Foster Wallace. Publié en 1996 et se déroulant dans son ensemble à peu près maintenant à deux années près.1 kilo 2 environ (un peu moins), 1079 pages dont une petite centaine consacrées à des « notes and errata » (au nombre de 388). Pour l’instant, 180 lues (avec 59 notes). En guise de note, je précise que si citations il y a, elles seront accompagnées du numéro de page correspondant à l’édition que j’ai (celle du dixième anniversaire de parution, à 10$, avec préface de Dave Eggers qui nous explique sa faim).

Introduisons donc. Rapidement.

Le titre du roman vient d’un film (en réalité de cinq) que l’on retrouve dans la filmographie de James O. Incandenza (en cadence !)—filmographie relativement étendue de ce cinéaste d’après-garde—, personnage décédé pendant une bonne partie de l’histoire et père du pour l’instant protagoniste principal : Harold Incandenza, Hal pour les intimes et les autres aussi. Sachant que la cinquième version est inachevée (presque : Incandenza est mort durant la post-production, suicidé par un four à micro-ondes), on peut parler d’Unfinite Jest, qui est incorrect mais rigolo. Disons aussi qu’il y aura cinq vues de plus en plus ensembles sur la totalité du bouquin, et j’espère ne pas me faire attaquer par un four à gaz après. Le plus drôle sera de chercher après coup d’où vient le titre des films d’Incandenza.

Le problème des quelques mots qui vont suivre est principalement qu’ils ne s’axeront que sur les 200 premières pages du bouquin, ce qui bien évidemment empêche une vue d’ensemble mais aura au moins le mérite avec les autres papiers écrits dessus à la suite d’avoir un avis que l’on peut supposer évolutif et plus large qu’un condensé post-lecture. Bref tout cela est bien mignon et Dave Wallace est assez drôle, paraît très capable d’un seul point de vue de la collusion des styles, les chapitres découpés suivant des années portant des noms de produits (imaginez, en français, que l’an 2032 pourrait être l’année du PQ Moltonel© ou l’année des Pringles parfum menthe-abricot à 23 kcal aux cent grammes), lancés dans une sorte de désordre joyeux. Le monde Nord-Américain présenté est dirigé par l’O.N.A.N., qui, en plus d’être l’Organisation des Nations d’Amérique du Nord, est aussi un bon prétexte pour faire des blagues onanistes.

Hal Incandenza est un jeune tennisman étudiant à l’E.T.A. (Enfield Tennis Academy—fondée par feu son père), réciteur de l’English Oxford Dictionnary et fumeur, bongeur ou sniffeur d’une quantité de choses (à ce propos, les précisions apportées sur une foule de foule de trucs pas, peu ou prou nets sont légion et feraient presque pâlir William Burroughs). Orin, son grand-frère est joueur pro chez on s’en fout, et Mario, l’autre grand frère moins grand tout de même (l’étrange est que lors de son premier dialogue avec Hal, je n’avais aucun doute sur qui était le grand de l’autre frère, avant de voir qu’en fait non—comprenez ce que vous voudrez sur ce que peut être Mario). Et d’autres. Dont des séparatistes du Québec ; les Assassins des Fauteuils Rollents. Et cætera, et cetera. L’affaire se corse à Enfield ou plus loin quand le père de feu James O. En Cadence pond à son fils (en 1960) un monologue d’une dizaine de pages (c’est écrit assez petit) supposé l’aider à le faire devenir le grand joueur de tennis qu’il deviendra, le former dans son futur jeu étant donné que lui (le père de James) a eu un père absent qui ne venait jamais à ses matchs sauf une fois, que tout cela est de toute façon la faute de Marlon Brando (et un peu celle de James Dean), quand D.F. Wallace nous explique pendant environ le même nombre de pages pourquoi ô grands dieux pourquoi malgré toute cette nouvelle technologie visiophonique et ainsi de suite pourquoi les gens préfèrent le bon vieux téléphone avec ses six et six² (=36) trous pour parler et entendre quand ils sont loin ou encore quand John (« Aucun Rapport ») Wayne, camarade d’Hal et tennisman numero uno du continent américain de moins de dix-huit ans, corrige oralement une faute écrite qui ne s’entend probablement même pas (plateaux et non plateaus, encore un mot lié au cinéma d’ailleurs), en sachant que James En Cadence possède dans sa filmographie une sorte de documentaire (une parodie d’antidocumentaires poststructurels pour être exact) intitulé Homo Duplex, consistant en interviews de quatorze dénommés John Wayne et n’ayant aucun rapport avec le fameux acteur, quand d’autres éléments de cette filmographie se retrouvent placés au milieu de l’histoire par touche voire quand un de ses travaux est à peu de choses près une scène du roman (Hal et le conversationalist par exemple), quand on retrouve des notes qui font huit pages (c’est écrit encore plus petit…) et des phrases anacondalement longues et drôles et qu’on se sent plus ou moins obligé d’en placer au moins une de taille certes conséquente par convention mais somme toute réduite pour parler du bouquin en question (au moins ne ferais-je pas de note), l'affaire donc se corse en un ensemble Massachussetsien de drogués enfermés, de tennismen drogués, de rebelles en fauteuils roulants, de bâtiments en forme de poumon ou de cœur.

C’est drôle. Et bizarrement presque, attachant, de quoi avoir du mal à décrocher la tête de son bouquin. Le tennis, je m’en cogne. Et pourtant, ça marche.

Extroduisons. Pour la suite qui s’annonce encore longue mais à palpiter un peu au moins les doigts qui tou—qui parcourent les pages pleines de ce monde expérialiste au temps divisé par les hamburgers et les barres de chocolats.