28.7.07

Tempête de merde.

L'auteur s'excuse par avance du caractère crétin (à quelques niveaux) de ce qui va suivre.



Finalem—heu c’est-à-dire qu’en gros il se peut que l’a
dicction (en puissance et/ou en acte) soit quand même le point centré d’Infinite Jest. Subtilement ou pas, elle et sa copine la "pursuite du bonheur" (sic) sont au milieu des pages, avec un David Foster Wallace qui louche tellement qu’il voit les deux côtés à la foi. Aussi et c’est peut-être pour ça que Dave W. n’est pas réellement atteint de strabisme, aussi donc les deux sont la même à peu de choses près—elles se ressemblent comme Isadora Duncan ressemble à Isidore Ducasse ou comme l’inverse.

Présentée sous diverses formes, allant des membres d’une sorte de centre de désintox (la Ennet House Drug and Alcohol Recovery House (mon dieu…)), les jeunes tennismen et -women qui pour certains se droguent à tout et n’importe quoi, au point pour Hal d’être encore plus entraîné par le fait de faire ses trucs en secret que par les résultats de ces mêmes trucs, ou encore l’entertainment ultime (samizdat) (en quelque sorte), l’infinite jest de feu James Incandenza qui divertit tellement qu’il en est comme létal… ; la poursuite, le fait et son résultat se confondent plus ou moins en une sorte de bouillie pleine de grumeaux méphitiques. Addiction qui découle probablement dans la lecture que pourra en faire tout un chacun ; la taille de l’objet, si elle ne peut prétendre à la nouveauté ni même vraiment à l’originalité, est néanmoins inhabituelle, la lecture demande un temps qui demande presque d’éviter toute lecture connexe si l’on se presse à l’avaler rapidement.

La chose gênante avec cette approche est que le bouquin est lui-même l’entertainment dont il parle, le divertissement ridiculement divertissant, s’en gaver est donc assez particulier. La chose drôle veut que cette approche d’intoxiqué soit accompagnée par une rigolardise sur le sujet, une comiquerie qui dit qu’en fait l’intox n’est pas là, plutôt elle l’est mais prise à un degré quelconque du moment que ce n’est pas le premier (ou plutôt comme toujours que le premier est là mais embourbé dans les dix-huit suivants). Distance inhérente à n’importe quelle lecture, mais qui revêt ici une forme sympathique, très métafictionnelle si l’on veut. DFW en offrant ses précisions de toutes sortes, ses digressions assenées avec un vrai faux vrai sérieux, offre avec elles un ton tendre comme un steak (tendre) (bon aussi tant qu’à faire) assez érudit et bon enfant qui ne découragera pas le lecteur (le national bestseller sur la couverture aurait pu ne jamais exister avec quelques légères modifications*) lambda, comme dit msieur Eggers dans sa préface. Bref.

IJ est long comme une course de fond (plus une marche athlétique qu’un marathon, étant donné l’esthétique (sic) de la chose) et se lit comme un espèce de sprint, sans que l’essoufflement existe même vraiment. Comme une course et contrairement à l’entertainment, aucun climax n’est présent. Etrange—un peu lourdingue et finalement plus foutrement cohérent que ce que le premier abord donne, mais aucune réelle montée vers un moment qui serait l’apex du truc, à moins peut-être de retourner au début du bouquin. Divertissement qui dépasse plus ou moins sont statut plus qu’assumé de divertissement. Reste à savoir, comme l’auteur et ses personnages se demandent dans quelle mesure James Incandenza non bref en gros à quel point David Foster Wallace use les touches de son clavier en proposant un détail d’un détail d’une histoire souvenue d’un personnage secondaire dans une prolixité (addiction) assez parfois malvenue au lieu de réellement faire avancer sa barque, et (à savoir toujours) si la barque en question a besoin d’avancer. Reconnaissons-le, si certains personnages sont comme qui dirait bien construit et dont l’évolution reste presque exemplaire du seul point de vue de leur construction en tant que personnages littéraires, l’ensemble souffre d’un manque d’approfondissement, le comble pour un roman qui se propose de donner des détails à foison. Que ce soit voulu (partiellement ou non) ne change pas véritablement le problème. Problème somme toute assez minime au vu du reste, de son portrait de quelques drogués en train de monter la pente, de drogués en roue libre dans la descente vers leurs enfers ou les dé-drogués tentant d’escalader la falaise dont ils se sont déjà bien cassé la gueule ; Hal finalement se trouve dans les deux premières positions évoquées. D’abord prenant ce qu’il prend comme ça, puis ayant quelque mal à s’en dépêtrer, puis étant passé de l’autre côté. « Call it something I ate. », dit-il dès le début du roman (qui chronologiquement est sa fin) (étant jeune, il a mangé une sorte de produit champignonneux qui pourrait être la cause à retardement de son état), comme une excuse pour son manque total de communication présentement présent—alors qu’il croit parler, il hurle. Excuse bien faible de son statut même de justification. On ira, parmi d’autres possibilités, se dire que c’est un juste retour de bâton gluant, du genre ‘la drogue c’est pas bien’ ou admettre qu’il a simplement craqué.

Hal, juste fils de son père, qui on se doit de le préciser encore, s’est suicidé en mettant sa tête dans un micro-ondes hermétiquement fermé (ou fixé) autour dudit crâne.


Peut-être l’autre personnage principal est-il Don Gately, qui occupe une bonne partie des dernières pages, lui sur la pente ascendante, même si dans un lit d’hôpital devant lutter comme un médecin philippin ( ? ) pour ne pas qu’on lui refile les choses qu’il veut éviter. Rêvant peut-être de Joelle van Dyne (anciennement petite amie d’Orin Incandenza et muse de James, Prettiest Girl Of All Time (P.G.O.A.T.), maintenant voilée parce qu’elle s’est pris un jet d’acide en pleine poire ,et en voie de désintoxication) et se remémorant son passé de B.I.M. (Big Indestructible Moron) jeune joueur de foot (comme Orin donc) puis ses chutes et son appartement sur le sol duquel lui et son pote Fackelman ( ?—j’écris tout ça sans relire ou rechercher dans le bouquin) pissaient (et désormais, dans son lit d’hôpital, il pisse dans un tube, l’opposition entre les deux états est une bonne idée, une drôle de bonne idée mais une idée sympathique).

L’addiction jusqu’à son paroxysme est peut-être poussée quand, dans des passages moins importants (façon de parler) du roman de jeunes canadiens jouent à sauter devant des trains, expliquant ainsi le manque de jambes des fameux A.F.R.—les Assassins des Fauteuils Rollents (sic)—qui pour les plus jeunes vont en fin de roman jouer au tennis, ou quand le père d’un protagoniste va devenir une sorte de fan absolu de M*A*S*H, absolu oui. L’addiction face à des substances plus classiques des autres, avec ou sans ce qu’on considère ou non comme des raisons de s’échapper.

Pas de réelle collision entre les trois histoires du roman (les jeunes joueurs de tennis ; les séparatistes en fauteuil ; les mi-désintoxiqués), mais des croisées dans un peu tous les sens, sans que le besoin de se faire se percuter les trois dépasse le reste (après tout, quel intérêt tout court et quel intérêt pour l’histoire elle-même ?). A a déjà rencontré B, dont la fille est la coiffeuse de l’ex-mari (comme dans les histoire de gens qui connaissent untel) de C, lui-même (pourquoi pas ?) totalement absorbé par les films de X, qui lui a déjà eu pour acteur Q, le neveu de K, fils de U (ancien amant de O) et de A. Ou plutôt, dans l’optique d’IJ ; A connaît B, B connaît C, A connaît C, mais le triangle entre les trois est à peu près vide.

Le triangle en question est 1) scalène, 2) à peine en réalité un triangle mais tout juste trois points plus ou moins fortement attachés entre eux, donc tout va donc pour le mieux. Le plus idiot étant que (et c’est aussi lié à l’absence de climax évoquée plus haut) l’on s’attend à voir les trois choses se télescoper, parce qu’« enfin bordel elle sont là », sans qu’il n’y ait de raisons valable de faire se rencontrer des terroristes cul-de-jatte cherchant une copie de l’infinite jest (soit l’entertainment ultime et fatal laissé par James), de jeunes joueurs de baballes même si on trouve la femme de James, son beau-frère et deux de ses fils là-bas, et des drogués en voie de guérison ( ? ) (même si son ancienne muse est avec eux). Feu J.O. Incandenza est le sommet (l’apex encore) un peu seul et évanescent d’une pyramide bancale, logeant le pic d’intensité du roman en-dehors de ses pages, un peu gênant comme situation. Le plus étrange étant qu’apparemment pour les gens blurbés derrière ou avant le roman, créer des attentes pour ne pas les tenir est INCROYABLE D’INTELLIGENCE CREATIVE etc. (mon dieu), DIABLEMENT ORIGINAL (ah) et peut-être même (couplé au style de Wallace) la prochaine étape de la fiction (avec une comparaison rapide à ce niveau avec Beckett, Pynchon et Gaddis—eh ben). Oui, un peu, et surtout non. Mais un peu.

Finalement, le seul personnage d’Orin (‘O.’—odot ?) semble appartenir à autre chose. Il est plus que certainement accro à quelques trucs (les conseils avisés d’Hal, les femmes par exemple), sans que son personnage pourtant équilibré d’une drôle de manière sombre ou émerge d’un type de folie induit par un trop-plein d’un quelque chose non recommandé. Ma foi. Orin in the sky with balloons. Ou sans—agités du bocal, des bocaux, buccaux voire anaux.
Explosion contrôlée. Explosion ? Comme cette tempête cliché qui renifle le drame et qui s'enfuit avec lui.
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*Sans vouloir taper dans la note à la Wallace, je dois signaler que j'ai trouvé un peu par hasard un exemplaire de son recueil de nouvelles brief interviews with hideous men, daté de '99 mais piochant probablement dans des choses écrites en même temps qu'infinite jest, et que même en tapant dans le plus violent, le plus lourd, le plus ennuyeux, le plus "je joue avec le quatrième mur", ça a l'air de se vendre aussi.

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