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20.12.07

Lou Thesz Press


Est dans les mots de Shelley Jackson une certaine élégance (élégance certaine), accompagnée d’un jeu presque forcé autour—forcé parce qu’on peut faire autrement, parce qu’elle sait faire autrement, sans être forcée par autre chose que sa nature à le faire; il n’y a pas à proprement parler de jeu, ce n’est peut-être qu’un autour, le reflet d’un miroir qui comme face à un vampire ne renverrait rien.
Il s’agit d’être autour du corps, dans le corps, sortant (phlegme, œuf, sperme) ou entrant (godemiché, signe extérieur qui a priori n’a aucun intérêt étant hors), voire restant, pulsant à l’intérieur (nerf, sang, graisse, qui pourraient eux aussi sortir; à un autre niveau cancer (hibernation) et fœtus (hibernation aussi, la toute première)) ou titillant l’extérieur (cheveux), même abstrait (sommeil, immatériel), d’autres ambigus finalement, prenant une double fonction de nourriture et d’éjection du corps (lait), sans qu’on sache réellement quel compte plus que l’autre, en prenant à rebours ou à l’endroit l’humeur (bile noire ou jaune, lymphe, sang) comme déterminant du comportement, ce qu’on ne fait plus, soit rapidement le couple des deux définitions de l’humeur, dont certaines histoires reprennent directement l’association (sang, phlegme, nerf) en titre et thème, alors que de plus grosses parties ne cachent pas leur classification (Colérique, Mélancolique, Flegmatique, Sanguin). Mélancolie, bile noire, atrabile, tristesse, ici anatomique. Et pourtant joyeux, sautillant; le ciel nous aime c’est pour ça qu’il pleut du lait; le phlegme ignoble retourné ici en une denrée à se pétrir les fesses et celles de ses amis avec, jouissif au-delà sa peu ragoûtante sécrétion; une histoire secrète du godemiché se laisse entendre à travers les âges, indexé banni ou reconnu.
Est là en les pages l’espèce de ressortie du corps qui s’extrait sa substance, la combinaison vers le haut, de l’œuf au fœtus illuminés qui ont leurs propres mouvements venus d’eux-mêmes, prenant les vibrations alentour, encore je ne sais vraiment qui de la joie ou de la tristesse est réellement le reflet inexistant du vampire, lui sanguin et incapable de s’épiler convenablement les sourcils, je ne sais pas—il semble que la joie mesurée souvent mesurable soit le miroir tandis que le reste s’observe, cherchant peut-être en multipliant les angles la coordination parfaite qui enverra une bribe de sa propre image, ici lait là sommeil ensemble reprise corporelle.

Envolée dans l’espace avec ces cœurs immenses ouvrant le tout qui, plus lourd que le poids et la réalité même, y font des trous dans lesquels on peut les pêcher, retour au sol avec de la chasse et des tampax, qui chasse qui ? on se croirait à renifler du crocodile dans les égouts. On se retourne en allant pisser au milieu de deux histoires, peut-être y a-t-il un œuf resté dans notre cuvette. L’élément pris comme base envahit (l’œuf, justement, grossissant, phagocytant l’espace physique puis mental d’Imogen et de Cass), se fait apprécier (le fœtus, chose étrange immobile et comme immuable, « ici pour nous servir », faisant s’épisser les fils d’amour et de douleur).

Il s’agit d’enlever la peau, de creuser un peu en accélérant l’écoulement. Tenter de voir à quoi nous sommes renvoyés, tant nous-mêmes que les mots, élégants donc, tenter de voir si nous sommes effectivement renvoyés, le miroir est vide pourtant plein de phlegme, visqueux on ne voit rien, on chasse les renvois devenant de nouveaux mythes corporels, s’accrochant désespérément aux circonvolu/locutions de matière grise, « méninges » n’est pas dedans, Jackson est dure, est mère, vous voyez bien l’analogie du cerveau, est peut-être pie ou arachnoïde, elle doit l’être dans une toile de fluides, tout commence malgré tout au cœur; et on tourne, on circuite, on transforme, vrille, tord, éclabousse en gerbes contrôlées, magie de la réincarnation impossible.
Sérieusement, qui voudrait se réincarner ? ne serait-ce que la forme pronominale est ignoble—on est, on ne se pas.


Ma foi, quand je vois que la partie Colérique comprend les histoires Œuf, Sperme et Fœtus, je me dis qu’elle n’est peut-être pas si joyeuse.


(nota : au hasard de lectures, je vois dans L’amour fou (André Breton, folio n°723, p. 51) cette note à propos de question en « Qu’est-ce que…? — C’est… » : Breton « Qu’est-ce que l’art ? » Giacometti « C’est une coquille blanche dans une cuvette d’eau. », chose renvoyant à travers le temps à la nouvelle ŒUF, quand cet œuf, sorti de l’œil d’Imogen et jeté aux toilettes, est oublié dans la cuvette, ça n’est pas dit mais il a pu être sciemment laissé là puis évoqué d’autre manière (évoqué en tant que révoqué, tout se tient), d’une « shocking color against pee yellow. », soit ce pauvre œuf de l’art perverti, dans un retournement: ce n’est pas le jaune pisse qui est dégoûtant mais plutôt l’œuf, déjà fascinant, qui mène la phrase)

(nota : pour ceux que ça intéresse, on trouve quelques unes des histoires (Cancer, Sleep, Dildo, Hair) sur le site de Shelley Jackson))

10.10.07

Tas.

En vrac et sans motivation;

J’ai lu Half Life (Fausto en a parlé il y a peu — à vrai dire le jour même où je recevais le bouquin c’est chouette hein), de Shelley Jackson. L’histoire de Nora, de Blanche, deux sœurs siamoises (un corps, deux têtes) dont la deuxième a comme un problème de vivacité depuis une quinzaine d’années. Nora décide de faire couper la tête de Blanche (meurtre ? euthanasie ? suicide ? bof ?), poids mort assez gênant. Contact avec une mystérieuse organis— bref donc occasions de se poser des questions sur la relation fraternelle, de revenir sur l’enfance, de se demander si Blanche, si inactive qu’elle ait l’air d’être, ne se cacherait pas dans la tête de Nora (à ce niveau-là, savoir si Blanche est réellement vivante ou non n’a plus trop d’importance), de savoir pourquoi Blanche est sortie du monde, d‘apprendre un peu. De rigoler un bon coup aussi (du comique de niveau haut), avant de s’apercevoir que le monde uchronique qu’on parcourt (les U.S. of A. se sont flagellés avec des bombes atomiques après Hiroshima et Nagasaki, d’où les modifications radioactives siamoises) est le même que le notre, avec ses minorités, pire encore peut-être, avec ses majeurs qui tentent par divers moyens de changer (vont se faire greffer une pseudo-tête parce qu’ils estiment être séparés de ce qu’ils auraient dû être), des psychologies alternatives d’abord pour s’approcher de ce qu’est l’interne d’un siamois, puis qui s’étendront au monde des gens normaux, des défenseurs de tout, de rien, des problèmes et des solutions rigolotes. Fusion, fission.
Peut-être un peu moins convaincu sur la fin, dans un ensemble peut-être plus inégal peut-être, quand le texte se veut embrasser sa forme cyclaire, cassant son rythme comique et fou pour atteindre ses propres lignes au propre (c'est explicité plus d'une fois) comme au figuré hors du propre.

Lu aussi Snow White, la réécriture de Blanche Neige de Donald Barthelme. Avec des faux nains et des cheveux, un prince qui viendra. Collage malade d’une Blanche Neige en manque de mots, collage de trous, d’hideux mateurs et de bruits gras catachrèsiques. De trucs blancs, de neige que l’on retrouve sur un écran de télé déréglé, celle qui forme des images hallucinées de vérité quand on regarde derrière et qui est une preuve (sic…) du fond diffus cosmologique. Deux choses qui me font impression: le roman et le fait de ne rien pouvoir dire de malin à son propos, même en forçant un peu.

Vu Control, d’Anton Corbijn, biopic (comme on dit) sur Ian Curtis, leader de Joy Division. Je ne connais rien à Joy Division, à peine plus à New Order (encore à peine plus sur la musique en général), ai décidé un peu au pif d'aller voir. J'aime. Joy Division et le film. Au milieu des 70es, avec du Bowie ou des Sex Pistols qui montent. Réussi, se concentrant un peu trop sur les histoires de cœur de Curtis (le film se base sur le bouquin de sa femme, on comprend mieux l'axe sur les petites affaires avec une belge et son rôle de père mi-indigne, mais ça donne un résultat assez gênant suivant une équation entre problèmes de couples, coucheries extestines, et suicide assez peu (trop) équilibrée, alors que (merde) ses tromperies n'étaient qu'un aspect des trucs qui le rongeaient, une conséquence et non une cause comme ça a l'air d'être ici présenté, ce pauvre mec presque muet et épileptique qui danse comme un grand malade qui a fini). Beau dans son noir et blanc déjà déphasé, dans son Angleterre migrante et ses bagnoles teufteufantes encore, un mec un groupe qui fait font son leur son truc, se dépasse lui-même et se retrouve comme un con à devoir aller là où il est déjà. Puis les côtés, les marges tremblantes, avec un mec (Sam Riley) qui joue Ian Curtis tout triste et ivre de rien, tout étrangé de devenir.

Je me demande encore de quelle couleur seront les bouquins de la Pléiade du XXIème siècle. Rose bonbon, épinard, céruléen, kiwi kaki caca d'oie. Et qui sera le premier estampillé nouveau millénaire.

En ce moment je lis l’or, de Blaise Cendrars, l'histoire de Johann Augustus Su(t)ter; et The Magic Kingdom, de Stanley Elkin, l'histoire de gamins anglais en glaise qui vont à Disney World pour s'amuser un peu peut-être avant d'achever leurs phases terminales. Henry Miller aimait Cendrars. Henry Miller aimait Knut Hamsun. Hamsun a été, en 1920, prix nobel de littérature. Le 2007, c’est demain qu’on sait et qu’on s’en foutra un peu plus. Elkin est magnifique.

Je voulais le signaler chez g@rp mais ai probablement oublié, ça me revient maintenant et pendant que je suis là autant continuer à faire bouger mes index sur mon clavier. Mon exemplaire folio de Madame Bovary est contaminé par La Maison des feuilles. Page 60 (première partie chapitre II), "Une jeune femme en robe de mérinos bleu garnie de trois volants, ..."
Mon bleu (en noir) disparaît, la vérité est ailleurs (une page quelconque plus avant dans le roman).