28.3.08
Say "cheese"
D’une manière générale, ça n’a rien de réellement étonnant, quelques thèmes sont connexes (autorité, oubli, perte, combat, tunnels), même si traités d’une manière différente, chez Bolaño et Kafka, et ici se retrouvent combinés et imbriqués un peu plus profondément.
La souris suppose que l’histoire se déroulera dans les égouts, lieu évocateur, tant par son aspect supposé de cloaque grouillant que par son existence, littéralement sous-humaine.
Si les deux nouvelles n’ont pas grand rapport (Le policier des souris suit Pepe le flic dans la résolution de meurtres, insolubles même après que l'on ait trouvé le coupable, alors que Joséphine la cantatrice raconte l’histoire de Joséphine en rapport à son public, son chant comme mode de ralliement et de convergence triste), les deux sont parcourues d’une tristesse maladive et surtout, comme en un dernier écho, le nom de Joséphine et sa présence, qui allaient à la fin du texte de Kafka, se perdre dans l’oubli prolifique de ses frères multipliés, existe encore chez Bolaño, lui accordant un sursis réel. Le peuple souricier se voit, en combinaison de l’égout, vêtir d’un aspect de groupe immanquablement sur le bord du désastre ou de la catastrophe. C’est d’ailleurs l’aspect qui prévaut chez Bolaño, où les belettes et les serpents aveugles ne sont jamais bien loin, et où c’est l’arrivée d’un conflit « interne » qui lance les pérégrinations de Pepe. Chez Kafka il y a certes un conflit, mais il est mis en sourdine.
La comparaison, si elle peut probablement être poussée (les premières phrases à voir déjà), ne le sera pas ici. Simplement savoir que le personnage de Joséphine, évoqué au détour de dialogues entre Pepe et d’autres souris, correspond effectivement à la figure qu’elle avait chez Kafka (par exemple et pour être rapide : « les membres de mon peuple accédèrent ou firent semblant d’accéder à ses caprices. » (p. 60, le gaucho insupportable, collection titres, Christian Bourgois) alors que toute une partie, sinon l’entièreté du texte de Kafka repose sur la position ambiguë à plus d’un point qu’elle entretient par rapport aux autres (à toutes les autres) souris, chantant selon un art que l’on ne comprend pas parmi ses congénères et se méprenant elle-même sur cet art).
Le policier des souris est aussi, à son échelle, une petite Partie des crimes.
~
17.3.08
fond de tiroir
Stockholm. Chrono : 00h00.
Shlomo, non lord, tord son poncho. Floc, boxon. Son sol (Otto) cochon, Otto grognon. Consolons donc Otto : scotch !, sort John (d’Oxford, job : fox-trot), poto homo d’Otto.
(Oblomov (d’Rostov-on-Don, job : non)) —Tonnons, Ô rognons, dot d’Otto. Shlomo, gros porc, pompons donc nos mojotos ! nos bocks d’ponch ! nos pots d’ rhom !
(Shlomo) —Mojotos ? Ponch ? Rhom ? wow—boh, gobons donc ! Bol d’or. Posons nos grolls, ’bsorbons scotch, Kölschs ; consommons nos bongs todos los nochos !
(Oblomov) —Todos los ?... Ho Ho, formons donc bons sons, conformons l’cocon. Ô logos ! Shlomo, proprons nos propos, prosodons nos mots, nos noms. Or donc, frottons nos cols d’consos. Tost ? hmmm…non.
(John (job : cosmos, zooms, bosons, photons, protons), d’London) —Grondons ! Montons, volons, Ô Thor, todo lo mondo, portons nos corps, nos cors, portons oh Ô Kooo Sooo Vooo—
(Otto) —Oh, John, gros con… Mon God… mort, rond, oh ! crott’, jodlons d’front. Osons, ronronnons, portons nos troncs. Hmmm, OH ! l’zoo, l’zoo (on not’rons cochons, bonobos, colocolos, ’boks, zokors, condors, trogons, kobs, pottos) bon bon, zonons, portons nos consos, hop, zoo, bordons clos, rompons porch’, fonçons !
(Shlomo) —Oh ! Lors, mon rognon ? mon popo, mon fond ?
(Oblomov, to Otto, mollo) —Otto, ordonnons l’zoo, on s’torchons d’son rognon. Com’ on.
(Otto) —O.K., comptons : Ô Pothos, Ô Cronos. Bon, Sorts consol’ront son rognon…
Shlomo s’morfond.
So… zoo ! box control, Otto, box control. Hosto (non trognon).
—Bongo !
—Non.
BOOM.
Ton d’tromblon !
So long, Shlomo.
8.3.08
5.3.08
snow
So think. Stickleback. Freshwater fish. Freshwater fish: green seaman. Seaman: semen. Yes, but green: raw ? spoiled ? vigorous ? Stickle: stubble. Or maybe scruple. Back: Bach: Bacchus: baccate: berry. Raw berry ? Strawberry ? Maybe. Sticky berry in the raw ? In the raw: bare. Bare berry: beriberi. Also bearberry, the dog rose, dogberry. Dogberry: the constable, yes, right, the constable in . . . what ? Comedy of errors! Yes! No.
Réaction 1) (indéfinie) Mais ?
Réaction 2) (pseudo-nerd) OMGWTFBBQ !!1!
Le début allait déjà en ce sens (la maison en pain d’épice revisitée, le pauvre Morris poursuivi), mais tomber sur « Panel Game », la première des SEVEN EXEMPLARY FICTIONS (dédicacées à don Miguel Cervantès Saavedra) de Pricksongs & Descants, fait quand même un peu mal au visage, entremêlant les expressions faciales d’yeux écarquillés et de bouche et joues distendues. Disons que les zygomatiques gagnent par abandon. Un jeu télévisée, situation a priori des plus banales (mais absurde en soi), est ici. Est poussé à l’extrême. Tiens, prenons Borges. Dans ses fictions (la bibliothèque de Babel et Tlön Uqbar Orbis Tertius en tête), la situation de base est extrême, la description suit, on peut même dire qu’elle (la langue) tente de s’accommoder de l’originalité de la situation, de l’appréhender comme elle peut. Ici l’inverse ; la situation de base est somme toute assez habituelle, mais les raisonnements qui la font fonctionner turbinent à plein régime, rendant l’ensemble grotesque mais jamais bancal, la description devenant un outil fabuleux voguant entre les réponses des candidats (dans le désordre : Mr. America, un Vieux Clown et une Adorable Dame, accompagnés assez vite d’un Participant sorti du public sans qu’il l’ait vraiment demandé) et les approximations cérébrales filant plus vite que Masato Yoshino* pour former une toile torique s’enroulant autour de la parlotte effective et des réponses données au présentateur.
Le reste du recueil et les six autres tout[es] aussi exemplaires fictions sont aussi folles, les choses semi-affreuses (The Marker et Jason qui baise sa femme pas très consentante, The Wayfarer dans lequel un mec un peu muet se fait dézinguer sans qu’on sache pourquoi, The Hat Act et son tour de magie étrange) ou moins, souvent en un seul lieu (celles justes citées, puis celle encore plus restreinte qui se déroule dans un ascenseur ou le déluge en intérieur (sous deux aspects : réellement à l’intérieur, dans une maison, et sous une forme de courant de conscience) qui se déroule dans The Brother ou globalement toutes les autres), chaque fois divers[e] et directe dans les formes, rapides et efficaces, drôles et folles, le problème est que bien souvent je me limite à ne rien noter et à pousser des gros what the fuck haha étouffés et que mes mots partent autre part, j’espère qu’ils vont aussi bien que ceux de meussieu Coover.
Petit à petit je fixe ou crois fixer les thèmes sur des moments précis mais tout échappe assez vite. On cerne mais il est impossible de vraiment coller, tout glisse ou plutôt on s’aperçoit qu’on est déjà en bas d’une pente, pataugeant alors que le reste glisse.
[…]
Traitement de l’histoire en tant que donnée connue, déjà intégrée en tant que légende. C’est tellement évident devant The Gingerbread House par exemple qu’on n’y prête que peu attention. Le conte est connu, Hansel et Gretel allaient dans une maison de pain d’épice : cette version de Coover ne peut exister que comme variation. Cette ? Ces, toujours plusieurs. Puis avec les pages on suppute qu’il y a quelque chose de connexe, comme si beaucoup (ou toutes) des histoires existaient en tant que réécritures ou approfondissements (spin-off pourquoi pas, c’est moderne) de textes et données existantes, inscrites dans un bagage culturel formé de morceaux chipés ici. Le déluge de The Brother est quelque part biblique (à un point où le seul fait d’utiliser le mot déluge renvoie à la Bible, on peut dire que The Brother va en ce sens). Les éléments, non pas décisifs à la compréhension parfaite d’une histoire contée à l’endroit et sans accrocs, mais plutôt ceux dont on ne parle jamais car totalement évidents, ne sont pas ici. Un peu comme si Coover partait du principe (avec évidemment une posture éclairée dessus, il y a faux présupposé que le lecteur connaît l’entour, avec une vraie (plus ou moins) supposition qu’il pourrait réellement les connaître) qu’ils ne sont pas totalement nécessaires. Conte de fée, légende, mythe, fond cosmologique. Romance of the thin man and the fat lady débute sur ces mots : « Now, many stories have been told, songs sung, about the Thin Man and the Fat Lady. », un des sous-entendus, lui aussi évident : vous les connaissez, personne n’a besoin de revenir sur les fondations de l’histoire. L’approche rapidement abordée après n’est qu’une vision des figures en marche, déjà en tant que symboles. Le reste de suivre, comme après tout beaucoup de contes classiques, existants dans des univers sans contexte réel, du moins en dehors depuis bien longtemps, comme des briques sorties d’un mur qu’on ne verra jamais plus et dans lequel on ne saura jamais vraiment les replacer, tant parce que la brique s’est modifiée que parce que les trous du murs se sont comblés. Si l’on veut pousser un peu, beaucoup (ou toutes, à divers niveaux) [de] ces histoires sont, à proprement parler, des contes. Oui, tout le monde le sait, c’est même marqué à l’arrière du bouquin, mais je ne l’avais pas lu, l’arrière du bouquin. The Magic Poker (le tisonnier magique, ahah ?), deuxième conte du bouquin, commence d’ailleurs par « Je me balade sur l’île, l’inventant. ». Ou plus proche du texte peut-être : « J’erre sur l’île, l’inventant. » L’histoire est au passage peut-être une de celles qui rend le mieux compte de cet aspect, usant du rituel et du mythe, de la légende en marche. Le contexte, l’extérieur est totalement contingent à la narration, l’histoire existe d’elle-même et n’a pas ce rapport au monde habituel que l’on retrouve souvent, tout le temps ailleurs, qui dans son extension maximale est toujours agréable mais ne fait qu’aborder à chaque fois ses propres limites. Techniquement, un bien grand mot certes, il n’y a pas de limites de ce genre dans les Pricksongs & Descants. Si il y a relation, elle est à un conte déjà existant, qu’il le soit effectivement ou non, et pas spécialement au monde. Il n’y a pas ici d’uchronie, passée présente ou future, ni d’univers parallèle (ce qui revient au même), mais des bulles sans tain qui flottent un peu n’importe où. Et c’est justement de cette habitude, du fait que la seule réponse valable à quelques unes des questions qui pourront se poser au fil des mots est « parce que c’est comme ça », que ces fictions explosent à la gueule par leur originalité et par leur force rapide, leurs mots gentillets et terribles, qu’elles remettent en question le spectacle établi et rendent à nouveau normal quelque chose d’inhabituel car basique. Normal lui-même redevenant, disons, imaginaire.
A pedestrian accident voit narré l’accident de Paul, renversé par un camion. Paul est écrasé mais vivant, seule sa tête et ses épaules dépassent de sous le camion, le conducteur se dédouane, la police arrive, la foule rit, on confond Paul avec quelqu’un d’autre, le conducteur se dédouane. Mais ?
Pour aller avec, il y a deux points majeurs à retenir. D’un côté les personnages et de l’autre les mots, pour ainsi dire. Les personnages eux aussi sont souvent dépouillés de contexte et agissent dans des mouvements déterminés qui les bloquent, plus fonctions ou rôles qu’êtres vivants faussement compliqués, et par extensions successives totalement réels et cohérents dans la logique qui les sous-tend. On peut voir comme un renforcement de cet état le fait qu’ils ne soient pas forcément nommés (cf. le Mr. America et ses compagnons déjà cités, mais bien d’autres aussi) et que, s’ils le sont, ils restent fatalement anonymes, rien ne leur apportant une identité à ce niveau. Pas innommables, mais l’apport, même avec une signification symbolique, d’un nom ne les change pas, il y a une sorte d’indifférenciation de leur posture, comme des objets qui seraient recouverts d’un nom générique et pas forcément juste parce qu’après tout, après y avoir songé et s’être trituré les méninges, on n’a pas pu retrouver leur nom exact.
Il semble d’ailleurs qu’ils ne se battent pas avec leur statut d’objet (qu’ils sont pourtant conscients d’entretenir) et auraient abandonné cette bataille depuis longtemps, depuis qu’on parle d’eux, chose qui date et qu’on devrait savoir, ou encore mieux qu’ils l’aient accepté pour le bon déroulement du texte, se permettant quelquefois de se foutre de nous.
Mais disons qu’on a peut-être un peu compris ce qui se passait à travers les lettres, qu’on est bien content d’avoir vu des choses en se demandant si on va toujours autant se poiler. Il suffit d’aller à la pénultième histoire, The Babysitter, pour voir qu’on n’a pas compris grand-chose : petit morceau d’hallucinations et de diffraction narrative, retournement de cervelet qui pourrait sembler un exercice un peu facile avec son lot de suspense (~?) salace et fallacieux, avec ses percussions terribles et sa fragmentation soupe au lait, mais n’en est rien, oh non strictement rien, tout est terrible et heureux et tout existe, tous les traits existent au milieu de leurs possibilités et de leurs impossibilités communes, que celui qui a tout compris à cette histoire (aux autres aussi) me fasse un signe de la main, oui de la main comme ça je ne le verrais peut-être pas. De quoi elle parle cette nouvelle ? Mais ? D’une babysitter, c’est évident.
*c’est lui. Il va vite. Bon la vidéo est, eh bien, hum, vous voyez, mais vers 00:20 on le voit courir.
Voilà, après coup je vois qu'on trouve aisément un article de William Gass sur ce bouquin.
1.3.08
"Où maintenant ? Quand maintenant ? Qui maintenant ?"
Je ne sais pas pourquoi vraiment [mode=1] mais odot je reparcours mois par mois tes mots bloggés et [mode=+∞] la musique m’échappe mais d’un coup je vois ça et au 14 juin le titre « je suis dans la chambre de ma mère » et j’ai immédiatement presque un sourire idiot de cette phrase imprimée dans ma gueule, il me faut deux secondes pour me remémorer d’où elle sort vraiment, deux secondes accélérées le sourire s’accentue et je vais reprendre le bouquin, caché au milieu de ses comparses, en main, petit poche magique, j’espère que vous avez pu sentir comme moi les choses qui sont dans ce bouquin, l’idée de ne pas avoir de temps, on était un 31 décembre je me souviens, le soir promettait l’alcool et je me suis avancé pour ne pas en lire trop enfin, comme disons passées cinq pages se dire qu’on va s’arrêter à la fin du paragraphe, il est long ce n’est encore que le deuxième du chapitre, être allongé et ne pas vraiment voir avant un moment que tout cela dure, disons une page à la minute, dure depuis quelques quarts d’heure, ne pas répondre au téléphone et ne pas même bouger alors que le dos commence à emmerder, position fixe comme glué, les jambes suivent on est bien content qu’un chat ne gratte pas à la porte, ça fait mal mais on continue, on pleure sans larmes devant les pages tournées, il faut deux heures peut-être avant d’effectivement se relever et encore un temps pour s’y habituer vraiment, parfois quand je me lève j’ai la tête qui tourne, j’imagine que le changement est trop brusque il faut que je me retienne à un coin de mur, ici l’allongement encore épuisant, les mots les cailloux la reptation, le vélo oui et les yeux voyant autre part, j’espère que pour vous ça a été le même genre de sensation, ankylosé mais heureux, juste content de savoir, d’approcher un peu du savoir et de suivre la beauté fluide et lourde des mots, sentir le bloc se transformer en mousse abrupte et tout équilibrer. je—est-ce que zettels traum se trouve ? tout le monde a l’air content de préciser que ça pèse neuf kilos.
D’ailleurs ça me rappelle ça.