30.8.07

La pynchonblague de la semaine.

quote

"I'll come along, if I may...?"
"Suture self, as the Medical Students like to say."
i
endquote

Un classique.
Mason and Dixon, page 20.
Si hum so funny.

"Quand tu arrives en haut de la montagne, continue de grimper."

Disons qu’O Révolutions est un roman sur l’impossible. Ou de l’impossible. Oui, plutôt. Pas en ce qui concerne ses particularités visuelles, de miroir, de tambour et du tremblement subséquent ; mais une impossibilité de communiquer, d’expliquer, d’empêcher, peut-être de sentir. De voir que le juste milieu, le milieu pile poil, n’existe pas. De choisir. D’être un là où on est deux ; d’être deux puisqu’on est un. Ineffable, indicible. Humain surtout. A partir de ce constat, les contraintes que s’est imposé Mark Z. Danielewski à la rédaction ou quelques unes d’entre elles au moins reprennent un nouveau rôle, touchant à une certaine précision, au moins d’un côté et de près, à ce qui ne peut s’exprimer, usant de possibilités pour parler de ce qui ne peut pas s’en servir. Démarche pas spécialement originale après tout, on sait depuis quelques temps que quelques gens grattent le monde et sa carte pour voir ce qui glisse ou non à partir de ses trous. Mais quand même.

Petit rappel de quelques aspects du bouquin : 360 pages en vis-à-vis (deux textes qui partent chacun d’un bout du livre, la première page (1) de l’un voyant inversée la dernière de l’autre (360)), deux personnages – Sam et Hailey – qui narrent chacun leur histoire, la même dans l’ensemble ; avec l’avancement des pages, le texte devient plus petit, comme s’éloignant du lecteur. Chaque page contient un nombre déterminé de mots (360 pour la majeure partie des pages) et possède chaque lettre O colorée (en vert pour Sam, en jaune pour Hailey—). Structure cyclique et pseudo-infinie. Je suppose qu’aller feuilleter le bouquin rendra ces quelques abscons mots plus clairs. Sachez au moins que pendant et après avoir lu, on peut s’exciter le kiki à trouver des rythmes à l’intérieur de pages (un certain type de poétique du son, de cadencement agencé aidé et désaidé par des brisures, rebonds, densité de portemanteaux à la page carrée, rimes déphasées, symétriques) et encore après si vous êtes atteints s’exciter un peu plus sur les correspondances et symétries, sur les nombres et les hasards qui n’en sont généralement pas vraiment—je ne suis pas atteint. Et convaincu ? Aux trois quarts dis-je.

Transiti—
On trouve chez Kafka cette phrase : « Il y a un but, mais pas de chemin. » (suivi de « Ce que nous nommons chemin est hésitation. »). Hailey, Sam aussi, ont eux un chemin, pourtant pas de but, ni même d’hésitations réelles. Un but qui est ce chemin, bordel. Sam n’est rien d’autre que Sam, 16 ans. Immortel. Pareil pour Hailey. Un nom, un âge, autant dire rien. Aut— —
Finalement, le plus étrange avec cette histoire divisée en deux n’est pas—ne sont pas les différences d’une version à l’autre, elle-même trop symétriques pour que « différences » soit un mot réellement approprié, ni même leurs ressemblances antithétiques, mais plutôt dira-t-on leur correspondance à un niveau temporel et spatial. Personnifications peut-être. Abstractions, mélanges, agrégats (un « Vous êtes métis. » en S256 et quelques vilains mots métaraciaux (sic) bien (ou mal) sentis lancés à l’adresse des deux vont en faveur de ce genre de sens, ou plutôt illustrent un sens qui s’admet au fil du texte). Admettre ça n’a pas forcément l’intérêt qu’on pourrait estimer à première vue (ça vaut pour ce qui suit autant que pour ce qui précède), mais les deux [aur]ont toujours seize ans. Ont choisi d’avoir seize ans, toujours, à jamais, étant donné qu’ils n’ont rien, ne sont pas. Seront toujours là, ont toujours été là, après la page 360, avant la page 1. Ils ont tués les milliers et millions de morts évoqués entre 1863 et 2063, ont fait naître les autres. Les animaux et végétaux s’évanescent à leur contact, ils créent et chient des montagnes. Forniquent partout. Leur simple passage à St. Louis ou partout finit en tempête de merde, et pourtant eux croisent l’espoir. Nouvel ou moribond, mais espoir.
Toujours.
« Mais noUS aussi sommes sans fin. » (S302)
« Parce que je n’existe pas. » (H341)
« NoUS sommes le temps. » (H243)
« Car maintenant
noUS sommes hors temps. NoUS sommes instant. » (S320)
Et ma préférée je crois ; « Elle est l’agonie des pierres. » (S270)
Cycle. Accéléré.
Sauf que. Qu’eux l’affirment ne suffit pas, n’a jamais suffi. Même si tout se vérifie.

Impossible.
Tangentes infinies, infimes, infâmes, infirmes, affirmées, fermées. Ces cercles, ces retours reviennent dans la démarche même du livre. Danielewski utilise une forme sensiblement nouvelle (ou au moins originale, pour ce que vaut le mot), de neufs yeux pour parler de thèmes anciens, classiques, antiques même, techniquement banals et déjà-vus au possible. Sauf que.
L’amour des deux ne s’explique pas, n’a pas d’explication. Pire pour certains et mieux pour moi, n'a pas besoin d'être expliqué, s'explique seul sans explication. Leur liberté, leur perte, leur fin, non plus. Et tous grandissent avec le temps. De même leur conscience en quelque sorte, incapable d’appréhender la fin, se croyant éternel et pourtant apercevant de mieux en mieux qu’elle arrivera. Leur lien, sorti de rien, est la seule chose qui existe et devient cette route qu’ils traversent, cette rupture diagonale entre les texte, croisant des gens sans noms, d’autres aux noms changeant (procédé aussi utilisé par exemple dans Le dimanche de la vie, de Raymond Queneau*, autant s'amuser hors texte), conduisant une voiture qui n’est jamais la même, une Ford T (—on peut en gagner une de 1915 en ayant son permis S totalement en or à Gran Turismo 4) ou une Range Rover, tout ça parce qu’on a perdu son cheval, donc son royaume ; pendant que leur propre temps impose son rythme au temps admis, que leurs mots deviennent les mots. Soit dit en passant, ils n’ont pas de montres. A moins que. Qu’il ait été décidé qu’elles ne figureraient ici que symboliquement. Après tout, l’on n’est plus à ça près. Il n’y a ni « or » dans la version originale, ni « ou » dans la version française. Contrainte qui passe assez facilement je suppose, gage de plus dans l’aspect exploseur de limites du texte.


Tout change, rien ne change. Le rythme ici crée renvoie nécessairement au début d’une boucle, d’une révolution, mais le propos ne veut pas, ne peut pas savoir où la cyclicité du Temps commence ni à quelle(s) échelle(s) elle existe vraiment, sans parler des rapports entre ces échelles.
Ainsi l’énorme S, placé au début de l’histoire de Sam, d’abord estimé comme une indication, amorce de l’histoire à suivre, devient—et de la même manière le H en Hailey—, si l’on tourne la dernière page de la partie opposée, un dernier hommage. La démarche en soi d’aller au-delà de la page 360 dépasse en quelque sorte les limites d’O Révolutions (et ce même s’il possède une date d’expiration en dehors des 360 pages et qu’il est à peu près stupide de limiter le cercle à 360° définitivement définis), mais ces ultimes H et S sont visibles de la page 360, par transparence, pas ici et toujours là, ajoutant une autre dose aux dernières lignes. Ainsi halos, olives, kriss et miels. Prospection d’un autre part jamais atteint, atteint à jamais. Jamais à deux. On a beau essayer. Mais. Finalement irréversible. Le cercle est tout, mais il n’a qu’un sens à la fois.


*Pour rester sur Queneau, on peut estimer une relation entre O Révolutions et son roman Les fleurs bleues. Dans les fleurs bleues, Cidrolin, un gugusse vivant sur une péniche dans les 60s, devient quand il s’endort le duc d’Auge, vivant je ne sais plus quand au Moyen-Age. Le duc devient bien sûr quand il s’endort Cidrolin, et finira, après quelques bonds dans le temps, par réellement le rejoindre. Ce thème est basé sur un apologue chinois bien connu (« Tchouang-tseu rêve qu'il est un papillon, mais n'est-ce point le papillon qui rêve qu'il est Tchouang-tseu ? »). De la même manière — alors que le texte de Queneau présentait des transitions subites qui avaient parfois le bonheur de ne même pas faire savoir au lecteur que de Cidrolin il était passé à Auge avant quelques lignes — exploité par sa forme de double lecture et ses accompagnements historiques, O Révolutions propose peut-être un Sam qui, quand il part, devient Hailey, et inversement, l’autre restant toujours proche, opposé, retourné, capoté.

25.8.07

ENTropique du Cancer.

L’erreur apparente la plus étrange d’Against the Day, la plus visible, la plus imposante, se situe peut-être à quelques pages de sa fin. Elle n’entame aucunement la fluidité (qui en soi m’étrange toujours vu le flux Pynchonien et sa densité) de la prose et n’a presque pas l’air d’un accroc. A la page 1074, aux lignes 25 à 31 se trouvent ces deux phrases :

« CROSSING A SEA newly perilous and contingent—no longer at the mercy of unknown longitude or unforeseen tempests but of U-boats, the terror of a crossing having now passed from God to the German navy, Reef, Stray and Ljubica returned to the U.S. pretending to be Italian immigrants. At Ellis Island, Reef, thinking both his English and Italian could get him in trouble wichever he spoke, remained indecisively mute long enough to have a large letter I, for Idiot, chalked on his back. »

Si je ne me souviens pas en détails des pérégrinations des protagonistes et avoue quelque flemme à relire des morceaux choisis qui s’apparenteraient à environ la moitié du roman voire plus, je sais et me souviens en revanche de quelques petites choses ;
-Stray (Estrella Briggs) et Reef ont bien un enfant, mais celui-ci se nomme Jesse.
-Ljubica est la fille de Reef, mais sa mère n’est autre que la régulière actuelle de Reef : Yash (Yashmeen Halfcourt).

Et sur un autre sujet ;
-Yashmeen n’est (au moins à l’intersection du sein du roman et de ma mémoire) jamais allée aux U.S. of A. Ljubica non plus. Reef, Stray et Jesse, par contre, si, et plus qu’un peu.

Il est après tout probable que cette distension entre la réalité du roman et ce qui y est écrit ne soit qu’une simple erreur, sortant d’on ne sait trop où. Mais sur quelque chose comme AtD, et même si c’est une erreur d’inattention qui a passé les étapes, autant en parler sur une logique stupide : c’est peut-être une erreur, commettons-en une éventuelle aussi.

L’erreur porte donc sur Stray. On pourrait considérer hasardeusement qu’elle est sur le nom Ljubica, mais c’est infirmé si besoin était par un passage quelques phrases plus loin :

« In a train depot up in Montana, during a snowstorm one day, who’d they [Reef, Yash et Ljubica] happen to run into but Frank, Stray and Jesse »
(page 1075 ; l. 8-10) Frank étant un des frères de Reef, qui a retrouvé Stray et Jesse une grosse cinquantaine de pages plus tôt.

Infirmé même si les pages d’AtD contiennent bien deux et non une unique Estrella.

Bref. Je suppose que le contexte s’évoque assez clairement dans la première phrase. On se situe aux alentours de 1920, juste après la première Guerre Mondiale. Reef, Yash donc et Ljubica, partant probablement de la Grèce (un rapide feuilletage m’indique qu’à la page 975, Reef est à Garitsa) ou d’un coin européen avoisinant, vont aux U.S. of A. en se faisant passer pour des immigrants italiens. Ils n’y « retournent » pas réellement—sauf Reef. Le début de la phrase et ses expressions de passage(s) (crossing, newly, no longer, etc.) d’un état à l’autre, couplé d’ailleurs au nom de famille de Reef (s’il est besoin de le préciser, Reef est Reef Traverse) et au passage futur en temps qu’immigrants créent une atmosphère de dédoublement, un des sujets principaux d’AtD. On peut supposer que Reef vogue lui-même entre les versions divergentes de ses mini-familles (Stray et Jesse ; Yash et Ljubica) à un point tel qu’il n’est plus foutu de se dépêtrer convenablement de ces/ses duos. Une autre possibilité, qui renverrait à un passage qui prévoit la transition magnifique entre les quatrième et cinquième parties du roman, voudrait que ce que l’on soit en train de suivre ne soit plus vraiment la réalité interne du roman, mais une réalité qui s’exerce avec l’appareil de Merle Rideout, qui permet en quelque sorte aux sujets d’une photo de peut-être vivre leur vie propre ; une supposition de ce genre peut finalement se tenir et qui nous donne encore le fameux et réjouissant virage à 90° dans le Temps, même si elle n’explique que peu la confusion (on a du mal à voir Reef retrouver Stray en Amérique ET Ljubica en Europe avant de repartir ensemble joyeusement), et présente une autre version des vingt dernières pages. Autre version qui, par la force des choses, serait diablement près de la version offerte par Thomas Pynchon.

Peut-être ce dédoublement de Yashmeen en Estrella est-il un des « minor adjustments » évoqués par Pynchon sur le rabat de la couverture… Comme si… as if Reef, avant même sa confusion et le I de craie écrit sur son dos, I pour Idiota, était déjà perturbé, déboussolé, par les majeurs changements passés, les modifications en cours et les changements mineurs — pour l’instant — à venir. Sans qu’on sache vraiment si tout cela se déroule désormais sur la Terre ou sur l’outre-Terre (contre-Terre, anti-Terre,…), les noms et les personnages [re]deviennent, alors même qu’ils devraient être plus tranquilles, totalement perdus et dépassés par un changement de décor, de situation, de temps, qui se traduit dans le calme, voire le grand ennui.

En prenant le texte à rebours, c’est par contre l’idiotie de Reef qui déteint sur le texte. Idiotie qui n’a rien de réellement fondée au moins à ce moment du roman. Hésitant entre l’italien (son plan et son soi-disant passé) et l’anglais (ce qu’il ne devrait pas savoir parler et sait pourtant), hésitant. Idiotie qui devient si crétin qu’il en confond les mères de ses gamins et dans l’ensemble un peu tout. Il va de soi que l’hypothèse de l’idiotie à rebours n’est que la perturbation sans rebours, le I étant d’ailleurs crayé par une main inconnue, invisible, impersonnelle voire inexistante. Cette idiotie qu’on lui adjoint de force n’est qu’une illustration de son propre dédoublement.

En étant un peu généreux d’imagination, on pourra aussi considérer que les [sur]noms STRAY et YASH présentent une certaine symétrie…


Si je savais de quoi je parlais, je pourrais affirmer que ce changement de nom est délibéré, que c’est un clin d’œil, une œillade, un coup de coude dans le bras même, pour nous exprimer la primauté de l’idée et du possible sur le fait pur et dur, même si cette idée fait partie d’un possible qui ne l’est pas ; une idée qui dépasse ce que nos définitions font de l’univers et ce que certaines autres, malgré l’autre chemin emprunté, ont aussi fait. Ou qu’il y a divergence entre ce qui se passe et ce qui se dit (la carte n’est pas le territoire, tout ça). Mais bon. Ou pire, sortir pour rigoler des histoires d’entropie. Mais bon.

23.8.07

Jojophonie.

Chronique de Golden Wind 2 (JoJo's Bizarre Adventure vol. 48), sorti normalement hier je crois, pas encore acheté, écrite il y a trois mois.
Lipogramme en E. Un peu laborieux.


JoJo’s, part (prononciation d’anglais (souci qualitatif d’application) riant) cinq, chant V., mistral brillant, d’or. Joli GioGio rital (rital) au stand vivant, finissant Blono (aux doigts collants si l’on croit son stand—sticky fingaz). Un (ou trois ou cinq) chicot(s) dudit Blono qui bondit au loin, aidant plus tard un Giorno plus clair, sans soucis, aux bras fusants (au thorax puissant !), fondant sur l’opposant qui fuit au long du trottoir. Tissu narratif captivant d’Hirohiko Araki, plaquant son cosmos vif sur folios noirs ou blancs.

La prolongation voit fissa l’un s’unir à l’auparavant distinct, pour un bloc futur sur la mafia, la contrariant dans son vil goût. Pour finir Gang Star, façon d’un bon brigand brillant dans l’azur, tuant (abolissant) potions du mal (LSD, crystal, opium, coco, xtasy : vrac stups—bouh !) à la fois, bonus joint au haut statut conçu (dans son citron à lui) par Blono, lui qui, junior (alors naïf) a vu. Un joli (mais faux, incognito, camouflant son lui) participant, donc à un clan (quasi la cosa nostra, gang au nom choisi ; « passion » : paris, potions, … ) transalpin, usant (GioGio) du poing pour son prochain. Pas au grand jour, on connaîtra ça plus tard, suivant tours autour du gang voulu mort.
Suit la confrontation, prison autour du contact. GioGio subtil. Polpo, mi-patron banal dans son air, laid, tout gros dans son cagibi cossu pour nain au bout du corridor. Patapouf biscornu, mafflu.
Polpo boit du cognac. Son stand Black Sabbath, noir, sortant sans savoir du mur, voguant sur gris du sol jusqu’à son but. Giorno suit l’audition qu’Polpo lui adjoint, un accroc du jour, façon zippo à surtout pas tarir, sinon fiasco brut. Atchoum ou blizzard soufflant trop fort : fin.

Koichi toujours par là, dans un coin, frais nippon qui a surgi sur un pays aux contours d’un godillot, suivant Giorno pour finir son travail du Japon. Impromptu, trouvant plus ou moins son butin (ravi par Giorno, cf. sirocco blond 1). Puis, cris (MUDA MUDA MUDA) dans la fin du jour du chafouin Giorno, contrant l’obscur inconnu qui l’a suivi jusqu’ici, attirant ainsi l’appui du joli (plus ou moins) gaillard nippon. Collaboration du duo.

Fin du topo. Toujours puissant. Bravo, hurrah, affirmation, confirmation du brio d’Araki.
Stands originaux, distinction là (dix fois cinq livraisons avant çui-ci, pourtant toujours chic, on dit parfois gay ou byzantin pour JoJo’s) pour Hirohiko Araki, qui haut la main poursuit son parcours, où banal pourrait toujours surgir. Bilan positif (plus—jamais l’affirmation d’un postulat nul ou vain pour JoJo’s n’a (ou n’aurait) pu voir garanti son vrai). Soyons laudatifs sur JoJo’s. L’art ardu amusant, piquant, passionnant (allons-y donc), don dudit Araki, fait toujours plaisir—son impact va par vivants trous au but.

Popsicle.

En me baladant rapidement hier pour repérer et commencer à faire briller ma CB, je suis passé avec quelque surprise devant plusieurs exemplaires poche tous frais tout neufs de L'homme qui apprenait lentement.


Donc sept euros, vingt deux ans après sa première parution française, évidemment avec seulement cinq nouvelles sur les six qu'on peut parfois trouver autre part, une traduction qui s'annonce peu réjouissante (je garde un souvenir peu convaincu des traductions de Michel Doury sur Gravity's Rainbow et The Crying of Lot 49...), et on prend.
  • Petite Pluie
  • Basse-Terres
  • Entropie
  • Sous la rose
  • Intégration secrète

Cinq nouvelles d'entre 1959 et 1964, avec une introduction du type je-regarde-ce-que-je-faisais-à-l-époque.

13.8.07

On the rohoad.

Sachez que je suis un petit malin. A à peine dix jours de la parution française, j’entame Only Revolutions

Il paraît que la nature (ou l’Univers, ou Dieu, ou—) est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Borges, dans ses Enquêtes (Otras Inquisiciones) nous donne d’ailleurs un petit topo historique de cette expression et des quelques mots différents qui la débutent (divergent aussi (surtout) les qualificatifs allant avec sphère), pour arriver à Pascal.
Circonférence, révolution, la différence est à peu de choses près inexistante. Nulle part et donc partout. Ce ne sont pas les O recouverts d’une housse olive (riez) d’O Révolutions qui feront mentir cette sphère infinie. Une pichenette sur le tour qui conduit à la spirale, le diamètre varié suffit. Ici, le tour, l’autour, les entours, l’alentour, la révolution, le Möbius retourné autant de fois que l’on veut.

Quoi qu’il en soit, Only Revolutions est un petit objet dans lequel on piochera dès les premières pages un nombre indéfini de clins d’œil intratextuels (bon, techniquement, on suppose que, même sans être défini ni infini, le nombre de clins d’œil non intratextuels est plus important). On pourra citer entre autres le fait que la partie Sam débute par les mots « Haloes ! Haleskarth ! », soit sensiblement pour le premier et même assez le second le nom Hailey, tout en supposant l’idée de révolution (un halo est généralement un cercle) ; la partie Hailey commençant quant à elle par « Samsara ! Samarra ! », Sam, qui n’oublie pas non plus le concept de tour, de circulation, de migration ; les fins des premières pages, l’une (Sam) par « Why don’t I have any shoes ? » (shoes commençant par le S de Sam et symbolisant le bas du corps, le bas tout court) et l’autre (Hailey, donc) par « Why don’t I have a hat ? » (le H de Hailey et le haut, dans une révolution déjà présente) (on notera d’ailleurs que le S comme le H (comme le O ou quelques autres (Z, X, I)) sont des lettres qui sont les mêmes une fois retournées) ; les phrases en miroir ; le rythme (rimes, placements, décalages) ; l’animal d’un côté, le végétal de l’autre, ainsi de suite. Sam vert, Hailey jaune(—le Haloes ! ne suppose que faiblement le jaune…qu’en est-il du Haleskarth ?...).

Il apparaît aussi qu’une des phrases-miroir (« Allmighty sixteen and so freeeeee. » (six (ben oui) E)) fait ressortir l’âge de Sam, d’Hailey, ainsi qu’une sorte de concept de l’affaire (ils sont jeunes, toujours jeunes, tout-puissants donc, etc.). Ces seize ans renvoient (il faut vouloir faire le rapprochement) à Rimbaud. Tant qu’on y est, hein. Concentrons-nous sur de petits détails, que ce soit plus drôle. A seize ans (presque pile), il écrit le dormeur du val. Sans trop pousser, on peut estimer qu’il y a rapprochement rigolo quand le mot « trou » est présent au premier et au dernier vers (d’abord simple « trou de verdure » puis double : « deux trous rouges »). On pourrait argutier, dégoûter l'agouti, sur les couleurs, mais en fait non.
Mais, car il y en a un, le tout est encore plus beau quand on sait que Rimbaud a écrit (en 1871 ou 1872 aussi) un poème intitulé Voyelles.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
[…]
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

(vers 1, 12 à 14—le premier vers est d’ailleurs repris à une variation près dans Une Saison en Enfer)

Sans intérêt, non ?
Pourtant, drôle.
C'est pas tout ça. Maintenant, il faudrait peut-être que j'aille le lire (en suivant les conseils éditoriaux...; "Quand tu vois une grosse majuscule, retourne ton bouquin et reprend là où tu as laissé l'autre signet, après ç").