Pendant qu’autour de Cyprian l'Against the day tourne non en rond mais en spirale, stagnant peut-être un peu, ainsi le prochain gros relief fera encore plus de hauteur à parcourir, la cartographie narrative avec son air chaotique trimballe de pic en pic, de cime en crevasse, de concave en faîte, de hauteur en pic-vert bleu ou mauve, de protubérance, tumeur en mamelle à la bière. Les souvenirs refluent et s’accumulent pendant qu’ils errent en un désert. Une sorte de désert, aridifié par les personnages, qui au sein d’un paysage plus ou moins présent, tirent la couverture à eux, focalisant, faisant oublier le décor. Peut-être pour ça que Thomas Pynchon fait évoluer les habitants de son monde dans beaucoup de paysages parfois secs et austères (Colorado, Sibérie, etc.), il est plus facile de s’oublier en leur milieu, que ce soit pour eux ou pour le lecteur.
Il est si facile d’assimiler Pynchon a ses propres théories (éventualités plutôt) quand une des explications à propos de Tunguska lance, tapote que ce pourrait après tout être une conséquence du bordel ambiant, qu’il soit présent ou surtout futur, venu de l’après et concentré en un seul point inconnu, explosé avant son contact avec le sol (à Tunguska, il n’y a pas de cratère, seulement des arbres allongés sur des kilomètres et des kilomètres comme une foule concentrique de poivrots assommés, puis une nuit qui devient jour, une nuit ardente où l’on pouvait lire ATD pendant ce qui est de coutume l’obscurité, les nuits blanches de Dostoïevski devenant jaunes oranges, une nuit qui quand elle revient réellement parce que tout a une fin redevient cette opposition au jour, cette préparation à affronter le reste qu’on trouve dans le sommeil, l’ivresse ou les ténèbres (bouh !), redevient le négatif du jour dans lequel tous les chats sont gris, redevient majeure face au jour illuminé, usine à loup-garou et à gamin, à tours de magie et tumescences, bibelots et) formant un papillon ou un ange, si facile et idiot de penser que—il ne s’agit même plus d’estimer qu’avec un retour dans le passé on pourra voir et prévenir, il s’agit simplement de s’apercevoir qu’il faut ralentir la fatalité, contrer l’inéluctable au point qu’il ne le soit plus vraiment, inéluctable. Le temps est présenté comme cyclique, du moins une sorte d’anneau de Möbius, se retournant, économique, revenant sur lui-même avec ou sans les hommes, l’usure et l’érosion sont forcées, pour les baiser il faudrait progresser, sciencer comme des fous, et c’est là que tout blesse ; les plus hauts savants ne peuvent rien et tâtonnent en espérant que leurs descendants parviendront à assommer le passé pour créer un présent convenable. Sauf que. Sauf que. Les anarchistes qui plombent le cul de l’histoire présent dans ATD n’ont d’ailleurs ri—comment dire ? rien à gagner finalement, le rôle du Kieselguhr Kid se transmet comme la royauté et finit par s’oublier, les bombeurs bombent ce qu’ils peuvent, échouent un peu, réussissent un peu, le ratio en leur défaveur, séparés seulement du reste du monde par quelques explosions.
La concrétisation principale du progrès dans ATD, loin d’être en rapport avec les quaternions, la dynamite et le cafouillis temporel qui est derrière, en fond, en relief peu prononcé, est l’avancée des chemins de fers, qui traversent tout, rapidement, s’échappant d’un point pour former une toile arachnéenne dans le fond mais d’une forme éclatée, qui n’est encore pas constituée d’une quatrième dimension (déjà que la troisième est douteuse). Ressenti par je ne sais plus qui comme une sorte d’organisme vivant, évoluant presque de lui-même, la voie ferrée est l’exemple parfait de technologie ou progrès visible, reliant et empiétant, que l’on peut (en enlevant les films de cul et quelques autres choses) même comparer à l’internet pour son aspect de découverte et d’étendue, de communication. Donc, le train. Donc, des poseurs de rails. Internationaux. Et des tunnels sous les montagnes. Puis des tatzelwurms, méchantes bestioles caverneuses, qui agressent les poseurs. Tout ça pendant que des chiens parlent, de la mayonnaise tue ou presque, que des frères Vibe et Traverse se retrouvent partout sur le globe, se retrouvent en des lieux qu’on oublie presque derrière les personnages. Göttingen ou Venise finissent eux aussi par s’embarquer loin, partir peu à peu. Pendant qu’on joue du Chopin à l’ukulélé et que des poèmes modifiés (« Roses is red — Shit is brown — Nothing but assholes — Live in this town ») au milieu des traditionnelles chansons qui parsèment le bouquin.
Les Chums of Chance sont de plus en plus brefs, de moins en moins et de plus en plus C. of C., alors que les personnages qu’ils avaient croisés comme ça prennent la vedette, les laissant dans un temps qui n’existe plus et leur conférant une empreinte plus ou moins ténue (et puis, comme un Homer et un Bart, Lindsay Noseworth lance à Darby Suckling peu après la page 400 un « Why, you little— » avant de l’étrangler en comité non restreint. Ce genre de chose ancre les traces) et pourtant qui lie encore un peu tout, ne cimente pas vraiment ni n’agglomère ou glutine, mais renvoie plus ou moins tout le reste à un centre commun.
Peuh, pendant qu’ils passent la science s’accumule, Pynchon érudit lançant quaternion sur vecteur, Riemann sur Gauss en riant, la science pointant son nez dans l’absurde comme l’inverse est vrai aussi, dans une gerbe de théories dont l’on doit dépêtrer le fumeux de l’acceptable, renvoyer le fumeux dans le futur pour voir, chercher le vrai dans ce que finalement je ne comprends plus, dans les hypercomplexes et la théorie, voir si quelque part la pratique a foiré ou a oublié, ou peut-être s’est fait bifurquer la gueule par l’économie ou quelque autre chose d’importance grandissante. Après tout, le roman commence bien avec quelques magnats cherchant à casser du Tesla qui pourrait tuer l’économie en transcendant le progrès… Embryons théorifiques avortés, praticiens corrompus, cacophonie du nouveau monde oublié par le berceau et la nurserie de la science qu’ici est Göttingen. Voir les idées que les personnages embrassent et font lutter devient jouissif, et l’absurde d’un flirt mathématique joint à lui d’autres aspects joueurs et sérieux, Pynchon jonglant avec des boules de densités divergentes. Tout ça autour de quaternions (des pérégrinations sur google n’arrangent pas un fait : je suis loin d’être un mathématicien) et de dimensions abstraites, de disparitions et d’apparitions, de magiciens fertiles et de contorsions saucières. Tous les personnages finissent par changer, du Docteur Ganesh Rao qui s’exclut du visible pour revenir tout autrement ou comme Renfrew et Werfner, schizophrènes unique (ceci n’étant pas une faute d’orthographe). Les dimensions se conjuguent au sein du roman (qui fait plus que fixer une histoire, voire plusieurs, comme un roman estampillé normal) et s’affaissent, comme si elles se magnifiaient en se rencontrant, Pynchon sautant d’un réel à un autre, faisant une rotation de 90° dans le temps, incompréhensible pour le commun des abêtis des maths, mais c’est comme ça, faisant plusieurs rotations, l’inverse d’une première ne redevenant pas pour autant même qu’avant. Le sérieux stagne un peu, la folie arrive, percute et embarque une partie, Reef fait un gamin là-bas, tourne, recommence comme à la roulette.
Les C. of C. donc, face au futur, un moment hésitant même sur leur propre réalité, sur leur acceptation du présent, à se demander s’ils vivent ou si une rotation dans une dimension inconnue les a renvoyé à des copies d’eux-mêmes, au milieu du Marching Academy Harmonica Band (soit le M.A.H.B. qui au fil des phrases deviendra le H.B.M.A., le M.H.B.A. ou le H.M.B.A.) au point qu’on ne sait plus vraiment si leur histoire est l’histoire, l’Histoire ou l’histoire dans l’histoire, ou plutôt comment tout ça est connecté. Décapant leur rôle intemporel, bloqué de joyeux drilles pour devenir présents, même pour devenir les deux à la fois (des bilocations, titre de la troisième partie du roman, la fourche ayant une base inconnue, mais deux résultats simultanés, identiques et différents), figés et évoluant. On vogue de l’un à l’autre, à d’autres aussi, les histoires les plus sérieuses sont assassinées par des retours d’absurde, des hyperdeus ex machina, l’essence même quoi, l’absurde se suicide et l’on voit ce qui reste.
Les C. of C. au-dessus du monde mais forcés d’y retourner, comme n’importe qui, assommés. Le présent vient faire ses incursion, même à Tunguska le fait-il, le futur peut-être même, quand en page 797 Tchernobyl, symbole total d’une dérive, d’un manque de contrôle voire même d’intérêt sur ce qu’on fait, s’inscrit comme peut-être lié. Reste que, finalement, cette explosion géante a révélé, comme une photographie, Shambhala l’inconnue…
Les C. of C. aveugles, incapables d’être en marche contre ce qui l’est déjà, tout juste bon à rentrer dans un autre chemin, l’autre moitié d’une fourche (d’un V) ou d’une ligne parallèle, sautant de l’un à l’autre, obligés, parce qu’un je-vous-l’avais-bien-dit ne sert pas forcément à grand-chose s’il ne s’accompagne pas au moins de clés.
27.4.07
Contre le jour, huit fois cent pages plus tard. Point deux sur deux.
les trucs en rapport :
Against the day,
Pynchon
26.4.07
Contre le jour, huit fois cent pages plus tard. Point hun sur deux.
« Hell, Anarchists ain’t the only ones with ideas about the future. » nous lance en page 285 Ellmore Disco. De quoi rigoler — un peu —, en dépit de l’évidence du propos, de l’inexistence ou au mieux la fondue de l’anarchisme dans la soupe (ça bubulle). Peut-être pas (ou moins seulement) en 1900. Quoi qu’il en quoi qu’il en soit, mon marque-page a l’air de moins en moins ridicule d’un point de vue de tranche, on doit pouvoir trouver un peu d’encre sur deux ou trois pages, mes notes qui n’en sont pas ne servent finalement à rien, et Thomas Pynchon est rigolo.
Je peux donc estimer m’approcher après quelque(s) 800 pages : le sujet principal d’Against the day est le Temps, qui coule avec sa majuscule — non, le Temps en tant que sujet est bien trop vague, ici Pynchon traite plutôt au milieu des aspects du temps de ce que la civilisation lui est en rapport, d’un côté le progrès, l’évolution, de l’autre l’histoire, en marche. Bien évidemment leurs dérives potentielles, latentes, et celles déjà rencontrées, les faisant parfois se croiser dans un flot hors du temps (quelques unes des explications autour de l’événement de Tunguska notamment). Il n’est pas question de jeter au feu palpitant toute idée de progrès, mais plutôt d’être lucide sur ce que tout cela implique a impliqué impliquera, même si les trois sont un seul, et que tout le monde sait plus ou moins, en ne diluant pas ça dans une histoire, un roman, mais en amenant l’histoire, le roman à un niveau qui ne demande pas spécialement de dilution. Pynchon érode le temps, le difracte, l’use pour exposer le réel, le mettre à nu dans ce qu’on n’y voit pas, le fait cohabiter avec son futur inconnu pour comment dire pour luminer les diverses dimensions, les réunissant en une polyphonie explosive.
Un peu plus haut j’ai lancé en trois mots que dans le désordre drôle est Pynchon. Ça se remarque par tout et n’importe quoi et jusque dans ce qu’il fait de l’époque qu’il conte (en gros de 1893 à 1907 plus ou moins) ; les personnages de dime novels, les lecteurs de dime novels, une certaine fascination de quelques personnages pour le cul à peu près au moment où Sigmund Freud barbotait dans et publiait ses Essais sur la théorie sexuelle (sans d’ailleurs que Freud soit évoqué dans ATD), avec une apogée qui se trouvera dans une relation avortée très douteuse et ridiculement drôle—« Reader, she bit him », à la page 666 bien évidemment (coincoïncidence)—entre un chien diablement tentant et un mec un peu perdu. Aussi dans tout l’aspect d’estudiantins matheux en diable, étudiant Riemann et ses zéros, flirtant à base de maths, toujours obsédés par l’évolution d’une science qui les dépasse et tentant de rattraper leur retard plus que d’avancer encore, des sortes de gens en retard sur ceux en avances, qu’on qualifie quand même d’en avance si l’on oublie les échappés sur le col de l’avancée, sans trop savoir qui du pénultième du peloton ou du spectateur arrivé au hasard est le plus crétin.
Que l’on se perde dans la foule de personnages croisant, restant est presque normal. Leurs noms sont pourtant là, là pour nous rappeler qu’on ne suit rien de réel ; Oleander Prudge, Pléiade Lafrisée ou Stilton Gaspereaux ne sont pas réels. Et pourtant de cette abondance de noms peuvent ressortir des choses ; d’un côté ces noms originaux faute de meilleur qualificatif deviennent la norme car seuls représentés, une norme qui passe devant celle admise, conférant une nouvelle note à la partition drôle et imposante d’ATD ; d’un autre, ces noms prime abordés comme idiots et irréels pourraient peut-être après tout exister, loin des milliers de John Smith ou Martin Dupuis, exister et être combinément (on ne trouvera toujours qu’une Jacintha Drulov et un unique Clive Crouchmas) bien, bien plus nombreux, devenant les nouveaux mesdames mesdemoiselles messieurs tout-le-monde, les fameux, augmentant cet aspect de folie devenant la norme. On peut même considérer à partir de là que n’importe lequel de ces noms renferment en lui une dualité entre ce qu’il est et ce qu’il aurait été chez quelqu’un d’autre, une dualité qui se combine parfois à celle qui veut que le personnage corresponde plus ou moins à son nom voire l'inverse (le nom Traverse (Vibe aussi), le plus présent du bouquin, semble assez porteur de sens), ou qu’au contraire son nom ne soit qu’une partie mineure du personnage (en prenant les cinq membres du vaisseau Inconvenience on trouve quand même Randolph St Cosmo qui a un nom de magazine féminin, Chick Counterfly qui… eh bien qui s’appelle Chick, Lindsay Noseworth qui a un prénom principalement porté par des femmes (je fais ce que je peux (et puis Nose Worth... come on), Darby Suckling dont le nom me fait immanquablement penser à l’Ugly Ducling—le vilain petit canard…—reste Miles Blundell, qui eh bien pour lui je ne sais pas, il est peut-être brun en fait, et pourtant ces cinq guignols ont des noms prédisposés à être dans des dime novels au sein de—bref). Que ces noms soient (auto-)parodiques et drôles est un bonus non-négligeable… Ruperta Chirpington-Groin est là pour se poser, pour indiquer que tout est faux et pourtant tout est vrai. Quand Merle Rideout nous balance un « Maybe what you’re looking for isn’t really what you’re looking for. Maybe it’s something else. […] Fact, there’s a whole catalogue of things you’re not looking for. », il ne fait qu’énoncer un fait, un fait qui fait qu’ATD lui aussi est une mine à creuser, une femme à déshabiller, une surface à gratter et qui pourtant est déjà entamée, et que ça s’applique à tout et n’importe quoi.
« Mysterious and multifold is the Way of the Potato. » Tout est là, des religions débiles combinées à des théories scientifiques venues du futur ou du passé, on ne sait plus trop. C’est d’ailleurs pour ça que des domaines comme la photographie où la magie sont représentés en bonne place dans un roman (les deux étant principalement axés autour de Dally Rideout, qui elle-même devient une actrice, soit une menteuse professionnelle, tout est convergent) où tout est là et où le monde se voit autrement ; la photo révèle, la magie concentre l’attention à un endroit voulu pendant qu’on se prend une tarte, comme les méchants dirigeants du monde. Et dire que Sylvain Mirouf a fait tendre des milliers d’autres joues…
Je peux donc estimer m’approcher après quelque(s) 800 pages : le sujet principal d’Against the day est le Temps, qui coule avec sa majuscule — non, le Temps en tant que sujet est bien trop vague, ici Pynchon traite plutôt au milieu des aspects du temps de ce que la civilisation lui est en rapport, d’un côté le progrès, l’évolution, de l’autre l’histoire, en marche. Bien évidemment leurs dérives potentielles, latentes, et celles déjà rencontrées, les faisant parfois se croiser dans un flot hors du temps (quelques unes des explications autour de l’événement de Tunguska notamment). Il n’est pas question de jeter au feu palpitant toute idée de progrès, mais plutôt d’être lucide sur ce que tout cela implique a impliqué impliquera, même si les trois sont un seul, et que tout le monde sait plus ou moins, en ne diluant pas ça dans une histoire, un roman, mais en amenant l’histoire, le roman à un niveau qui ne demande pas spécialement de dilution. Pynchon érode le temps, le difracte, l’use pour exposer le réel, le mettre à nu dans ce qu’on n’y voit pas, le fait cohabiter avec son futur inconnu pour comment dire pour luminer les diverses dimensions, les réunissant en une polyphonie explosive.
Un peu plus haut j’ai lancé en trois mots que dans le désordre drôle est Pynchon. Ça se remarque par tout et n’importe quoi et jusque dans ce qu’il fait de l’époque qu’il conte (en gros de 1893 à 1907 plus ou moins) ; les personnages de dime novels, les lecteurs de dime novels, une certaine fascination de quelques personnages pour le cul à peu près au moment où Sigmund Freud barbotait dans et publiait ses Essais sur la théorie sexuelle (sans d’ailleurs que Freud soit évoqué dans ATD), avec une apogée qui se trouvera dans une relation avortée très douteuse et ridiculement drôle—« Reader, she bit him », à la page 666 bien évidemment (coincoïncidence)—entre un chien diablement tentant et un mec un peu perdu. Aussi dans tout l’aspect d’estudiantins matheux en diable, étudiant Riemann et ses zéros, flirtant à base de maths, toujours obsédés par l’évolution d’une science qui les dépasse et tentant de rattraper leur retard plus que d’avancer encore, des sortes de gens en retard sur ceux en avances, qu’on qualifie quand même d’en avance si l’on oublie les échappés sur le col de l’avancée, sans trop savoir qui du pénultième du peloton ou du spectateur arrivé au hasard est le plus crétin.
Que l’on se perde dans la foule de personnages croisant, restant est presque normal. Leurs noms sont pourtant là, là pour nous rappeler qu’on ne suit rien de réel ; Oleander Prudge, Pléiade Lafrisée ou Stilton Gaspereaux ne sont pas réels. Et pourtant de cette abondance de noms peuvent ressortir des choses ; d’un côté ces noms originaux faute de meilleur qualificatif deviennent la norme car seuls représentés, une norme qui passe devant celle admise, conférant une nouvelle note à la partition drôle et imposante d’ATD ; d’un autre, ces noms prime abordés comme idiots et irréels pourraient peut-être après tout exister, loin des milliers de John Smith ou Martin Dupuis, exister et être combinément (on ne trouvera toujours qu’une Jacintha Drulov et un unique Clive Crouchmas) bien, bien plus nombreux, devenant les nouveaux mesdames mesdemoiselles messieurs tout-le-monde, les fameux, augmentant cet aspect de folie devenant la norme. On peut même considérer à partir de là que n’importe lequel de ces noms renferment en lui une dualité entre ce qu’il est et ce qu’il aurait été chez quelqu’un d’autre, une dualité qui se combine parfois à celle qui veut que le personnage corresponde plus ou moins à son nom voire l'inverse (le nom Traverse (Vibe aussi), le plus présent du bouquin, semble assez porteur de sens), ou qu’au contraire son nom ne soit qu’une partie mineure du personnage (en prenant les cinq membres du vaisseau Inconvenience on trouve quand même Randolph St Cosmo qui a un nom de magazine féminin, Chick Counterfly qui… eh bien qui s’appelle Chick, Lindsay Noseworth qui a un prénom principalement porté par des femmes (je fais ce que je peux (et puis Nose Worth... come on), Darby Suckling dont le nom me fait immanquablement penser à l’Ugly Ducling—le vilain petit canard…—reste Miles Blundell, qui eh bien pour lui je ne sais pas, il est peut-être brun en fait, et pourtant ces cinq guignols ont des noms prédisposés à être dans des dime novels au sein de—bref). Que ces noms soient (auto-)parodiques et drôles est un bonus non-négligeable… Ruperta Chirpington-Groin est là pour se poser, pour indiquer que tout est faux et pourtant tout est vrai. Quand Merle Rideout nous balance un « Maybe what you’re looking for isn’t really what you’re looking for. Maybe it’s something else. […] Fact, there’s a whole catalogue of things you’re not looking for. », il ne fait qu’énoncer un fait, un fait qui fait qu’ATD lui aussi est une mine à creuser, une femme à déshabiller, une surface à gratter et qui pourtant est déjà entamée, et que ça s’applique à tout et n’importe quoi.
« Mysterious and multifold is the Way of the Potato. » Tout est là, des religions débiles combinées à des théories scientifiques venues du futur ou du passé, on ne sait plus trop. C’est d’ailleurs pour ça que des domaines comme la photographie où la magie sont représentés en bonne place dans un roman (les deux étant principalement axés autour de Dally Rideout, qui elle-même devient une actrice, soit une menteuse professionnelle, tout est convergent) où tout est là et où le monde se voit autrement ; la photo révèle, la magie concentre l’attention à un endroit voulu pendant qu’on se prend une tarte, comme les méchants dirigeants du monde. Et dire que Sylvain Mirouf a fait tendre des milliers d’autres joues…
les trucs en rapport :
Against the day,
Pynchon
18.4.07
Fourrure.
Le tiers (3) du « Tunnel » viendra après recul, peut-être jamais.
Dommage, y’en a des choses à dire.
Citons donc les deux fois où le mot otarie se trouve (au pluriel) dans le texte...
« … la graisse dans laquelle j’ai glissé est aussi glissante qu’un toboggan à otaries. »
page 64.
« … ; aussi j’insiste pour qu’ils s’unissent, sortent de leur solitude comme des otaries de la mer ; … »
page 267.
N’en restons pas là ! En à peine 250 pages d’Against the day, j’ai trouvé deux fois le mot walrus. On m’arguera que walrus, c’est plutôt phoque qu’otarie, mais allez donc au diable.
« … the braised blubber with cloudberries, skua eggs any style, walrus chops, and snow parfaits, not to mention the widely praised Meat Olaf, which was This Week’s—in fact Every Week’s—Special … »
page 135.
« Sometimes there were real-life explanations—some polar bear or walrus scented from miles away. »
Dommage, y’en a des choses à dire.
Citons donc les deux fois où le mot otarie se trouve (au pluriel) dans le texte...
« … la graisse dans laquelle j’ai glissé est aussi glissante qu’un toboggan à otaries. »
page 64.
« … ; aussi j’insiste pour qu’ils s’unissent, sortent de leur solitude comme des otaries de la mer ; … »
page 267.
N’en restons pas là ! En à peine 250 pages d’Against the day, j’ai trouvé deux fois le mot walrus. On m’arguera que walrus, c’est plutôt phoque qu’otarie, mais allez donc au diable.
« … the braised blubber with cloudberries, skua eggs any style, walrus chops, and snow parfaits, not to mention the widely praised Meat Olaf, which was This Week’s—in fact Every Week’s—Special … »
page 135.
« Sometimes there were real-life explanations—some polar bear or walrus scented from miles away. »
les trucs en rapport :
Against the day,
flan,
le tunnel
NOW SINGLE UP ALL LINES !
Against the day est le sixième roman d’un auteur de bientôt 70 ans. A apprécier d’autant plus qu’il est peut-être son dernier. Et puis quand même, Thomas Pynchon n'est pas n'importe quel guignol.
Encore une fois je me suis fait prendre. Dès le départ, les premières évolutions des Chums of Chance (C. of C.), j’étais baisé, j’allais continuer, continuer, petit à petit probablement, mais continuer. Pour base un équipage d’aéronautes, vêtus comme des rigolos, à bord de leur vaisseau l’Inconvenience, se baladant en haut, plus haut, hors du monde, se posant à la World’s Columbian Exposition (Chicago en 1893 donc) au milieu d’autres et d’hordes ballonnées ; ces mêmes Chums of Chance qui sont déjà des héros de bouquins aux titres aussi aventureux que « The Chums of Chance at Krakatoa », « The Chums of Chance and the Evil Halfwit » (le premier cité, et rappelons que pour bien des gens, George Bush est l’incarnation du mot halfwit) ou « The Chums of Chance Search for Atlantis » bloquant pour un certain temps la limite entre fiction et réalité au sein même de quelque chose qui n’en a pas encore besoin ; des embrouilles au sujet de Nikola Tesla et de ses inventions qui pourraient anéantir bien trop de choses ; une première incarnation d’un aspect du titre en page 14 —
— encore que, non, on peut en estimer d’autres plus faibles (de très loin on peut estimer le C. OF C. PROPERTY jaune au pochoir (donc stencil, comme le Herbert de V.) sur fond noir (page 9) de la même manière) — ; Lew Basnight, personnage dès le début très intéressant, avec sa mémoire étrange, sa capacité à remarquer, indexer d’un coupon d’œil, et surtout sa capacité à sortir (« He had learned to step to the side of the day », page 44) des regards, du monde, du présent, du jour, à passer dans un monde où il est aussi invisible que ces fameux clochards qui tombent dans la forêt ; des anarchistes terroristes ; des noms totalement hallucinés : Heino Vanderjuice, Chevrolette McAdoo, Randolph St Cosmo, ... et d’autres choses en moins de cinquante pages chrono. Le tentaculaire est mis en place. Tentaculaire peut-être, serpentiforme (Pynchon—Pythonisse) probablement, d’un serpent qui se mord la queue en réussissant à faire ressortir anneau sur anneau, concentriques et relativement convergents.
Autour des Chums of Chance, à chaque fois reparaissant comme si un de leurs nouveaux romans d’aventures s’écrivait, sans que le temps passé entre deux aventures ait besoin d’être expliqué, comme s’ils étaient le V. de V. mais dénué de toute sa symbolique et des liaisons, restant simplement un trait d’union volant ; qui débarquent dans la glace ou à Venise avec leurs vis-à-vis russes, autour de ces C. of C. s’articule l’histoire en marche. Ne s’articule pas vraiment d’ailleurs, pour l’instant leurs actions ne sont pas forcément connectées au reste, reste qu’ils ont pour l’instant (soit 250 pages environs, pas forcément de quoi faire quelque assertion sur l’ensemble du bouquin) un rôle de pivot au milieu des jeux de mots idiots (le fameux steak Meat Olaf ou encore le révérend Lube Carnal), des anarchistes de père en fils, des scientifiques rivaux jumeaux (Renfrew et Werfner, on renverse), des espions qui s’oublient un peu et ne savent plus vraiment pour qui ils bossent, s’ils sont double agents ou plus agents, des familles aux destins croisés, des magiciens voleurs de femmes, des grands magnats prêt à tout pour le rester, des expériences électromagnétiques et des dieux du courant, explorations scientifiques et hauts moments d’histoire, histoires d’univers parallèles, d’endroits où le temps n’existe pas et n’a jamais existé. Issus d’une lignée de dime novels dont ils ressortent (Pynchon poussera le vice, la drôlerie jusqu’à faire lire une de leurs histoires à Reef Traverse, alors dans une posture délicate), ils parcourent et picorent le monde, toujours à la pointe de l’avancée scientifique, sans trop le savoir,
entre les pointes et amorces laissées par Pynchon sur tout et rien, surtout aérien, l’éther, le vide le temps la lumière l’électricité, dans un dédale d’hypothèses plus ou moins confirmées et confirmables, sur les bilocations : l’ubiquité, l’ubiquité décalée qu’est la réincarnation peut-être ; sur le monde tel qu’il était et est, dans l’invisible et le progrès qui dérape sans le vouloir, glissant comme une savonnette dans un douche carcérale, avec les résultats qu’on associe à ça, à plus grand échelle figurée.
Tout ça à vitesse variable, toujours haute, dans une course vers on ne sait quoi, une course folle faite de bonds entre univers probables (on en revient aux C. of C. qui passent d’un endroit à un autre, non touchés par le temps dans leurs pages et leurs aventures), si bien que quand on tombe sur deux coquilles presque à la suite, deux coquilles sur des noms de personnages (Renfrew devient Refrew page 240 et le Docteur Coombs De Bottle devient Coombes la page suivante), on en est réduit à se demander si Pynchon titille comme un con, enlève là une lettre pour en mettre autre part, ne vérifie pas qu’on suit parce qu’il sait qu’on suit, mais rigole d’une autre manière que d’habitude, ou si simplement l’édition est un peu (un peu) foirée.
Et quand Pugnax le chien lit Eugène Sue (dans le texte) ou Henry James, on sait qu’on est sorti, nous, du monde montré et qu’on se retrouve dans le monde sans temps si souvent évoqué, sans pouvoir y trouver tout ce qu’on devrait y trouver.
Encore une fois je me suis fait prendre. Dès le départ, les premières évolutions des Chums of Chance (C. of C.), j’étais baisé, j’allais continuer, continuer, petit à petit probablement, mais continuer. Pour base un équipage d’aéronautes, vêtus comme des rigolos, à bord de leur vaisseau l’Inconvenience, se baladant en haut, plus haut, hors du monde, se posant à la World’s Columbian Exposition (Chicago en 1893 donc) au milieu d’autres et d’hordes ballonnées ; ces mêmes Chums of Chance qui sont déjà des héros de bouquins aux titres aussi aventureux que « The Chums of Chance at Krakatoa », « The Chums of Chance and the Evil Halfwit » (le premier cité, et rappelons que pour bien des gens, George Bush est l’incarnation du mot halfwit) ou « The Chums of Chance Search for Atlantis » bloquant pour un certain temps la limite entre fiction et réalité au sein même de quelque chose qui n’en a pas encore besoin ; des embrouilles au sujet de Nikola Tesla et de ses inventions qui pourraient anéantir bien trop de choses ; une première incarnation d’un aspect du titre en page 14 —
There remained in the western sky only an after-glow of deep crimson,
against which could be seen Miles’s silhouette, as well as those of the heads of
the other boys above the curved rim of the gondola.
— encore que, non, on peut en estimer d’autres plus faibles (de très loin on peut estimer le C. OF C. PROPERTY jaune au pochoir (donc stencil, comme le Herbert de V.) sur fond noir (page 9) de la même manière) — ; Lew Basnight, personnage dès le début très intéressant, avec sa mémoire étrange, sa capacité à remarquer, indexer d’un coupon d’œil, et surtout sa capacité à sortir (« He had learned to step to the side of the day », page 44) des regards, du monde, du présent, du jour, à passer dans un monde où il est aussi invisible que ces fameux clochards qui tombent dans la forêt ; des anarchistes terroristes ; des noms totalement hallucinés : Heino Vanderjuice, Chevrolette McAdoo, Randolph St Cosmo, ... et d’autres choses en moins de cinquante pages chrono. Le tentaculaire est mis en place. Tentaculaire peut-être, serpentiforme (Pynchon—Pythonisse) probablement, d’un serpent qui se mord la queue en réussissant à faire ressortir anneau sur anneau, concentriques et relativement convergents.
Autour des Chums of Chance, à chaque fois reparaissant comme si un de leurs nouveaux romans d’aventures s’écrivait, sans que le temps passé entre deux aventures ait besoin d’être expliqué, comme s’ils étaient le V. de V. mais dénué de toute sa symbolique et des liaisons, restant simplement un trait d’union volant ; qui débarquent dans la glace ou à Venise avec leurs vis-à-vis russes, autour de ces C. of C. s’articule l’histoire en marche. Ne s’articule pas vraiment d’ailleurs, pour l’instant leurs actions ne sont pas forcément connectées au reste, reste qu’ils ont pour l’instant (soit 250 pages environs, pas forcément de quoi faire quelque assertion sur l’ensemble du bouquin) un rôle de pivot au milieu des jeux de mots idiots (le fameux steak Meat Olaf ou encore le révérend Lube Carnal), des anarchistes de père en fils, des scientifiques rivaux jumeaux (Renfrew et Werfner, on renverse), des espions qui s’oublient un peu et ne savent plus vraiment pour qui ils bossent, s’ils sont double agents ou plus agents, des familles aux destins croisés, des magiciens voleurs de femmes, des grands magnats prêt à tout pour le rester, des expériences électromagnétiques et des dieux du courant, explorations scientifiques et hauts moments d’histoire, histoires d’univers parallèles, d’endroits où le temps n’existe pas et n’a jamais existé. Issus d’une lignée de dime novels dont ils ressortent (Pynchon poussera le vice, la drôlerie jusqu’à faire lire une de leurs histoires à Reef Traverse, alors dans une posture délicate), ils parcourent et picorent le monde, toujours à la pointe de l’avancée scientifique, sans trop le savoir,
entre les pointes et amorces laissées par Pynchon sur tout et rien, surtout aérien, l’éther, le vide le temps la lumière l’électricité, dans un dédale d’hypothèses plus ou moins confirmées et confirmables, sur les bilocations : l’ubiquité, l’ubiquité décalée qu’est la réincarnation peut-être ; sur le monde tel qu’il était et est, dans l’invisible et le progrès qui dérape sans le vouloir, glissant comme une savonnette dans un douche carcérale, avec les résultats qu’on associe à ça, à plus grand échelle figurée.
Tout ça à vitesse variable, toujours haute, dans une course vers on ne sait quoi, une course folle faite de bonds entre univers probables (on en revient aux C. of C. qui passent d’un endroit à un autre, non touchés par le temps dans leurs pages et leurs aventures), si bien que quand on tombe sur deux coquilles presque à la suite, deux coquilles sur des noms de personnages (Renfrew devient Refrew page 240 et le Docteur Coombs De Bottle devient Coombes la page suivante), on en est réduit à se demander si Pynchon titille comme un con, enlève là une lettre pour en mettre autre part, ne vérifie pas qu’on suit parce qu’il sait qu’on suit, mais rigole d’une autre manière que d’habitude, ou si simplement l’édition est un peu (un peu) foirée.
Et quand Pugnax le chien lit Eugène Sue (dans le texte) ou Henry James, on sait qu’on est sorti, nous, du monde montré et qu’on se retrouve dans le monde sans temps si souvent évoqué, sans pouvoir y trouver tout ce qu’on devrait y trouver.
les trucs en rapport :
Against the day,
Pynchon
13.4.07
30 millions d'amis -- et moi et moi et moi.
Sorti en tout début d’année et quelques trois ou quatre ans après son homologue anglais, Chien Jaune (Yellow Dog) est le dernier roman traduit (fin 2006 est sorti House of meetings) de Martin Amis. L’anglais.
Paraît-il que les critiques négatives en diable ont harponné le roman – un buzz qui s’est crée par la critique de Tibor Fischer, qui a simplement énoncé (rendons à César le fait que c'est wikipedia qui m'a dit ça et que je n'ai pas vraiment revérifié derrière) qu’il aurait eu dans l’ensemble peur, alors qu’il lisait son bouquin pépère dans le métro, que quelqu’un regarde par-dessus son épaule, que ce Chien Jaune était, pour lui qui suit Amis depuis bouh-là ses débuts au moins, comme voir son oncle préféré se faire choper pour s’être branlé dans une cour d’école. Ça ne risque pas avec moi, c’est mon premier Amis. Me voilà soulagé, au pire ce sera un mec inconnu qui se tripote en regardant des gamins, ce qui est j'en conviens gênant, mais au moins dans la seule mesure où j'entendrais parler de lui...
Chien Jaune est l’histoire d’histoires ; de Xan Meo, acteur et maintenant écrivain, fils de gangster, divorcé deux fils, puis remarié deux filles, qui se fait agresser, sans savoir pourquoi, à la terrasse (on va dire ça) d’un bar alors qu’il n’a pas encore pu boire ses cocktails, finement nommés des Enculés (oui, le monde est un porno géant), qui subséquemment nourrit quelques passions étranges ; de Clint Smoker, journaliste de son état, presse douteuse, en grande partie topless, articles de fond très pointus on n’en doute pas, qui rencontre une fille sur le net (là où la taille n’entre pas immédiatement en compte) et part interviewer une reine du porno à Baiseville ; d’Henry IX, feignant Roi d’Albion et père d’une adolescente prise en photo dans une baignoire comme une Marie Antoinette décuvante, à fins de le faire chanter ; et celle — rapide et collée là pour donner un peu de relief au reste — d’un avion avec un cercueil dans la soute, qui rencontre quelques problèmes en ce quatorze de février, dont un NEO (Near Earth Object) grand comme L.A. et qui lui frôlera les fesses ; de ces quatre histoires qui s’emboîtent dans un fouillis vengeur un peu chiant.
Dans l’ensemble, on notera une gradation du moins au plus fin, partant de Smoker pour arriver non à Henry (la cour et sa vie n’ont rien de bien intéressant une fois le chantage et les photos compromettantes sorties) mais à Xan Meo, en dépit de tout ce dont l’afflige Martin Amis. Techniquement, la richesse et le raffinement supposés inhérents à la royauté n’ont pas d — n’existent pas. Xan est le mec normal de l’affaire, peut-être un peu haut du panier par ses revenus et avec un passé chaotique, mais restant proche de considérations de tout un chacun. Il est normal – si ce n’est son choc post-traumatique étrange. Ce qui relie les trois et globalement les personnages connexes eux aussi, en dehors de serpentifications de l’intrigue, est simple comme bonjour, même si ça demande un peu plus de consentement de volonté ; le cul. L’occasion d’offrir d’un côté des interventions éclairées sur l’évolutivité du porno en Californie (et donc dans le monde entier), de l’autre des réflexions sur un couple en péril, du troisième des idées sur la monotonie bien minutée du sexe royal, du deuxième des pensées perverties sur l’inceste et du premier le relationnel par le web, aveuglément de premier abord, du premier toujours les fameuses pompes à chibres et autres pilules revigorantes qui ont un moment parsemés les boîtes mails du monde entier.
Dans le cul, tout se relie aussi ; un sosie de la Princesse Victoria se fait estoquer dans un film pour adultes qui connaît des bénéfices incroyables, les photos de la Princesse n’ont rien à foutre dans le journal de Clint (ce sont des faux ! - communiqué officiel), Henry IX et ses sujets sont fascinés par leur fille, comme Xan, etc.
Rapidement : Martin Amis opte logiquement pour des niveaux de langage collant aux protagonistes, va de l’accroche journaleuse bas de gamme à l’argot gangster en passant par le parler royal cul pincé et quelques mails écrits selon l’écriture cryptographique chère aux jeunes tapoteurs ; une certaine réalité, logique est donc là en dépit de la largeur du panel raconté. On repassera pour le « feu d’artifice stylistique » et la réinvention de la langue évoqués au dos du bouquin, on rigole même un peu, mais l’ensemble est plaisant, intéressant dans sa volonté de capter une partie des différents parlers, du présent. On perd d'ailleurs un peu de jeux à la traduction (un personnage féminin qui s'appelle He, ...), mais tant pis, c'est aussi drôle de se les retraduire en même temps.
Le fait est qu’Amis brosse un portrait qui se voudrait presque embrasser toute une société. J’ai du mal à admettre que le portrait d’ensemble soit réussi ; il l’est assez dans des personnages finalement réalistes dans leur bêtise, crédibles dans l’absurde ; dans sa façon de parler du cul, de son rapport à la sauvagerie, de leurs rapports au monde entier, et donc aux notions antipodistes (symbolisées par les filles de Meo et d’Henry, soit l'innocence qui devient pervertie), crûment, sans être trop heu idiot, les relation intergénérationnelles qui ici partent un peu partout. Reste que l’ensemble repose sur des bases scénaristiques un peu branlantes, l’histoire ne se suffit pas réellement : part dans des sens qu’il mène assez bien mais laissant un goût flou en bouche : on aimerait penser qu’il y a plusieurs niveaux dans cet échafaudage de gens qui se croisent plus ou moins, plusieurs emberlificotis d’histoires, avant de s’apercevoir simplement que non, que le tout déçoit, en fait trop (ce n’est d’ailleurs pas un défaut en soi), est une stratifications d’histoires qui se gratte trop aisément. Le roman se suit, on peut d’ailleurs se perdre agréablement en ne se souvenant plus qui a quel rapport avec quoi, mais l’impression qu’Amis n’a pas été à la hauteur pour faire ce qu’il comptait faire est là, n’a pas eu l’intention de faire mieux, a laissé aller. Plus que l’inachevé, c’est l’élaboration foirée, un savoir-faire qui se désamorce lui-même, des ficelles un peu trop visibles, un ventriloque qu’on voit remuer les lèvres, la liste d’images crétines du genre pourrait être longue.
Bizarrement plaisant parce qu’il tire de ses histoires idiotes et folles un ennui, de cet ennui quelque chose de plus présent, en montagnes russes. Bizarre. Une sorte de ratage contrôlé. Etrange…
Paraît-il que les critiques négatives en diable ont harponné le roman – un buzz qui s’est crée par la critique de Tibor Fischer, qui a simplement énoncé (rendons à César le fait que c'est wikipedia qui m'a dit ça et que je n'ai pas vraiment revérifié derrière) qu’il aurait eu dans l’ensemble peur, alors qu’il lisait son bouquin pépère dans le métro, que quelqu’un regarde par-dessus son épaule, que ce Chien Jaune était, pour lui qui suit Amis depuis bouh-là ses débuts au moins, comme voir son oncle préféré se faire choper pour s’être branlé dans une cour d’école. Ça ne risque pas avec moi, c’est mon premier Amis. Me voilà soulagé, au pire ce sera un mec inconnu qui se tripote en regardant des gamins, ce qui est j'en conviens gênant, mais au moins dans la seule mesure où j'entendrais parler de lui...
Chien Jaune est l’histoire d’histoires ; de Xan Meo, acteur et maintenant écrivain, fils de gangster, divorcé deux fils, puis remarié deux filles, qui se fait agresser, sans savoir pourquoi, à la terrasse (on va dire ça) d’un bar alors qu’il n’a pas encore pu boire ses cocktails, finement nommés des Enculés (oui, le monde est un porno géant), qui subséquemment nourrit quelques passions étranges ; de Clint Smoker, journaliste de son état, presse douteuse, en grande partie topless, articles de fond très pointus on n’en doute pas, qui rencontre une fille sur le net (là où la taille n’entre pas immédiatement en compte) et part interviewer une reine du porno à Baiseville ; d’Henry IX, feignant Roi d’Albion et père d’une adolescente prise en photo dans une baignoire comme une Marie Antoinette décuvante, à fins de le faire chanter ; et celle — rapide et collée là pour donner un peu de relief au reste — d’un avion avec un cercueil dans la soute, qui rencontre quelques problèmes en ce quatorze de février, dont un NEO (Near Earth Object) grand comme L.A. et qui lui frôlera les fesses ; de ces quatre histoires qui s’emboîtent dans un fouillis vengeur un peu chiant.
Dans l’ensemble, on notera une gradation du moins au plus fin, partant de Smoker pour arriver non à Henry (la cour et sa vie n’ont rien de bien intéressant une fois le chantage et les photos compromettantes sorties) mais à Xan Meo, en dépit de tout ce dont l’afflige Martin Amis. Techniquement, la richesse et le raffinement supposés inhérents à la royauté n’ont pas d — n’existent pas. Xan est le mec normal de l’affaire, peut-être un peu haut du panier par ses revenus et avec un passé chaotique, mais restant proche de considérations de tout un chacun. Il est normal – si ce n’est son choc post-traumatique étrange. Ce qui relie les trois et globalement les personnages connexes eux aussi, en dehors de serpentifications de l’intrigue, est simple comme bonjour, même si ça demande un peu plus de consentement de volonté ; le cul. L’occasion d’offrir d’un côté des interventions éclairées sur l’évolutivité du porno en Californie (et donc dans le monde entier), de l’autre des réflexions sur un couple en péril, du troisième des idées sur la monotonie bien minutée du sexe royal, du deuxième des pensées perverties sur l’inceste et du premier le relationnel par le web, aveuglément de premier abord, du premier toujours les fameuses pompes à chibres et autres pilules revigorantes qui ont un moment parsemés les boîtes mails du monde entier.
Dans le cul, tout se relie aussi ; un sosie de la Princesse Victoria se fait estoquer dans un film pour adultes qui connaît des bénéfices incroyables, les photos de la Princesse n’ont rien à foutre dans le journal de Clint (ce sont des faux ! - communiqué officiel), Henry IX et ses sujets sont fascinés par leur fille, comme Xan, etc.
Rapidement : Martin Amis opte logiquement pour des niveaux de langage collant aux protagonistes, va de l’accroche journaleuse bas de gamme à l’argot gangster en passant par le parler royal cul pincé et quelques mails écrits selon l’écriture cryptographique chère aux jeunes tapoteurs ; une certaine réalité, logique est donc là en dépit de la largeur du panel raconté. On repassera pour le « feu d’artifice stylistique » et la réinvention de la langue évoqués au dos du bouquin, on rigole même un peu, mais l’ensemble est plaisant, intéressant dans sa volonté de capter une partie des différents parlers, du présent. On perd d'ailleurs un peu de jeux à la traduction (un personnage féminin qui s'appelle He, ...), mais tant pis, c'est aussi drôle de se les retraduire en même temps.
Le fait est qu’Amis brosse un portrait qui se voudrait presque embrasser toute une société. J’ai du mal à admettre que le portrait d’ensemble soit réussi ; il l’est assez dans des personnages finalement réalistes dans leur bêtise, crédibles dans l’absurde ; dans sa façon de parler du cul, de son rapport à la sauvagerie, de leurs rapports au monde entier, et donc aux notions antipodistes (symbolisées par les filles de Meo et d’Henry, soit l'innocence qui devient pervertie), crûment, sans être trop heu idiot, les relation intergénérationnelles qui ici partent un peu partout. Reste que l’ensemble repose sur des bases scénaristiques un peu branlantes, l’histoire ne se suffit pas réellement : part dans des sens qu’il mène assez bien mais laissant un goût flou en bouche : on aimerait penser qu’il y a plusieurs niveaux dans cet échafaudage de gens qui se croisent plus ou moins, plusieurs emberlificotis d’histoires, avant de s’apercevoir simplement que non, que le tout déçoit, en fait trop (ce n’est d’ailleurs pas un défaut en soi), est une stratifications d’histoires qui se gratte trop aisément. Le roman se suit, on peut d’ailleurs se perdre agréablement en ne se souvenant plus qui a quel rapport avec quoi, mais l’impression qu’Amis n’a pas été à la hauteur pour faire ce qu’il comptait faire est là, n’a pas eu l’intention de faire mieux, a laissé aller. Plus que l’inachevé, c’est l’élaboration foirée, un savoir-faire qui se désamorce lui-même, des ficelles un peu trop visibles, un ventriloque qu’on voit remuer les lèvres, la liste d’images crétines du genre pourrait être longue.
Bizarrement plaisant parce qu’il tire de ses histoires idiotes et folles un ennui, de cet ennui quelque chose de plus présent, en montagnes russes. Bizarre. Une sorte de ratage contrôlé. Etrange…
les trucs en rapport :
Chien Jaune,
Martin Amis
Le Roi est mort, vive le Roi !
Je me suis juste aperçu d'un fait lié au 13 avril. Samuel Beckett est né ce jour-là.
Si les anniversaires se souhaitent aussi post-mortem, aidons-le à souffler ses cent et une bougies.
Et puis voilà... (sans oublier que d'autres gens le fêtent depuis quelques temps)
Langue de belle-mère. Pfruit.
Si les anniversaires se souhaitent aussi post-mortem, aidons-le à souffler ses cent et une bougies.
Et puis voilà... (sans oublier que d'autres gens le fêtent depuis quelques temps)
Langue de belle-mère. Pfruit.
les trucs en rapport :
(non)événement,
anniversaire,
Samuel Beckett
9.4.07
Le tunnel. Tiers approximatif (2).
Voir le premier tiers. C'est pas dur, il doit être juste en dessous.
Dès le début du Tunnel, frappe, en dehors des thématiques, la prose de William Gass. Foudroyant ne convient pas. ça n'a rien d'une claque dans la gueule; une claque est directe. Dans ta face, puis rien, repos. Si Gass est direct, il ne lâche pas, il ne sait pas lâcher, continue, le niveau est. Là. On dit déjà merci au traducteur Claro pour avoir rendu la beauté, la musicalité, la mélodie du phrasé et des mots, pour avoir rendu ça au milieu de la densité, pour le temps que ça à pris probablement. Je pourrais et veux citer des passages, mais reste comme un idiot à ne pas savoir quoi prendre. Pourtant. C'est aisé, on peut considérer qu'à peu près chaque phrase illustrerait relativement bien, appuierait de correcte façon cette force, cette rythmique presque, cette harmonie. Reste que je ne peux choisir. Si, je peux. Mettons ça sur le compte de la flemme.
Beckett. Encore. Point question d'assimiler l'un à l'autre, de lire le premier par le second, de comparer. Je ne trouverais rien d'étonnant à ce que Gass aime Beckett. Plus qu'aime. L'un comme l'autre racontent parlent du pire, d'un pire absurde. Le pire n'est pas le même, mais il est pire. Gass exprime le "fascisme du coeur": le mal sorti de son contexte de mal, oublié, une sorte de perversion de l'esprit, de vice retourné : de vice qui n'est plus un vice, le pire banal, le mal comme bien ou le vice comme vertu, le défaut supposé comme qualité, la valeur noire, ainsi de suite. La perte, l'indifférence. Chercher, creuser. Devenir et rester. La classe. D'ailleurs (d'ailleurs ? ah), Gass n'a pas cette espèce de compassion, de tendresse qu'avait Beckett; on pouvait estimer avec sympathie mesurée un Malone, on ne peut pas spécialement le faire avec un Kohler, on pourrait, mais ce serait admettre qu'on est un gros enculé, et c'est bien connu, à part quelques cyniques barbus et terroristes imberbes douteux, personne n'a envie d'être un gros enculé (Kohler est répugnant, raciste, n'aime rien, n'est aimé de rien, est vieux, laid, a une petite bite et est un sale petit branleur, grognon, obsédé du cul (un bon point si on le remet en perspective) seul, etc.) bref; c'est un des points où leurs pires divergent, AH ! Pas comparaison j'ai dit.
Admettre qu
Kohler est un salaud pur jus, on ne devrait pas pouvoir l'aimer, en tant que gentil bonhomme bisounours (ou même méchant bonhomme bisounours toujours), rien ne pourrait le sauver, et pourtant il est là, une sorte de borne aimantée. Miracle. En creusant, il nous creuse. Fascinant, mélodieux. Travail sur la narration, l'écriture imposant, sans cesse réveillé. De ce genre d'écritures donc de formes qui deviennent un fond, loin de devenir le fond mais un, plus ou moins déterminé qui répond, met en lumière, impose ou repose les autres. On peut rejeter Kohler. Je suis convaincu, sais que d'aucuns estiment qu'on doit le rejeter. Gass n'est pas Kohler, est probablement loin d'être le même genre d'homme, et pourtant ne le traite pas avec mépris, condescendance ou dégoût. Kohler est vrai dans tous ses travers.
Finalement, sans que j'aie noté la citation ou même la page exacte, il semble que l'explication d'une part de la fascination pour Kohler, sa prose, est elle-même contenue dans le bouquin; les choses qu'il n'a lui-même pas écrit dans une sorte de rédaction de sa jeunesse, énumérées, ses raisons qui poussent à lire et qui sont après tout les notres, au moins les miennes.
Passons sur quelque chose qui titille, trille dès le début; Gass le constructeur utilise ce qu'à un autre niveau on appelle artifices; construction, puis les petits dessins, la déstructuration du texte dans son aspect visuel, les marques, les formes, la typographie. Qu'est un "autre niveau" ? qu'est le niveau de Gass ? je ne sais, hormis que Gass est haut. Simplement toutes ces choses qui parsèment le texte ne sont qu'extensions du texte, non; admettre que ce sont des extensions les fait se placer autre part; c'est le texte.
Dernier tiers a arriver, plus malin.
Dès le début du Tunnel, frappe, en dehors des thématiques, la prose de William Gass. Foudroyant ne convient pas. ça n'a rien d'une claque dans la gueule; une claque est directe. Dans ta face, puis rien, repos. Si Gass est direct, il ne lâche pas, il ne sait pas lâcher, continue, le niveau est. Là. On dit déjà merci au traducteur Claro pour avoir rendu la beauté, la musicalité, la mélodie du phrasé et des mots, pour avoir rendu ça au milieu de la densité, pour le temps que ça à pris probablement. Je pourrais et veux citer des passages, mais reste comme un idiot à ne pas savoir quoi prendre. Pourtant. C'est aisé, on peut considérer qu'à peu près chaque phrase illustrerait relativement bien, appuierait de correcte façon cette force, cette rythmique presque, cette harmonie. Reste que je ne peux choisir. Si, je peux. Mettons ça sur le compte de la flemme.
Beckett. Encore. Point question d'assimiler l'un à l'autre, de lire le premier par le second, de comparer. Je ne trouverais rien d'étonnant à ce que Gass aime Beckett. Plus qu'aime. L'un comme l'autre racontent parlent du pire, d'un pire absurde. Le pire n'est pas le même, mais il est pire. Gass exprime le "fascisme du coeur": le mal sorti de son contexte de mal, oublié, une sorte de perversion de l'esprit, de vice retourné : de vice qui n'est plus un vice, le pire banal, le mal comme bien ou le vice comme vertu, le défaut supposé comme qualité, la valeur noire, ainsi de suite. La perte, l'indifférence. Chercher, creuser. Devenir et rester. La classe. D'ailleurs (d'ailleurs ? ah), Gass n'a pas cette espèce de compassion, de tendresse qu'avait Beckett; on pouvait estimer avec sympathie mesurée un Malone, on ne peut pas spécialement le faire avec un Kohler, on pourrait, mais ce serait admettre qu'on est un gros enculé, et c'est bien connu, à part quelques cyniques barbus et terroristes imberbes douteux, personne n'a envie d'être un gros enculé (Kohler est répugnant, raciste, n'aime rien, n'est aimé de rien, est vieux, laid, a une petite bite et est un sale petit branleur, grognon, obsédé du cul (un bon point si on le remet en perspective) seul, etc.) bref; c'est un des points où leurs pires divergent, AH ! Pas comparaison j'ai dit.
Admettre qu
Kohler est un salaud pur jus, on ne devrait pas pouvoir l'aimer, en tant que gentil bonhomme bisounours (ou même méchant bonhomme bisounours toujours), rien ne pourrait le sauver, et pourtant il est là, une sorte de borne aimantée. Miracle. En creusant, il nous creuse. Fascinant, mélodieux. Travail sur la narration, l'écriture imposant, sans cesse réveillé. De ce genre d'écritures donc de formes qui deviennent un fond, loin de devenir le fond mais un, plus ou moins déterminé qui répond, met en lumière, impose ou repose les autres. On peut rejeter Kohler. Je suis convaincu, sais que d'aucuns estiment qu'on doit le rejeter. Gass n'est pas Kohler, est probablement loin d'être le même genre d'homme, et pourtant ne le traite pas avec mépris, condescendance ou dégoût. Kohler est vrai dans tous ses travers.
Finalement, sans que j'aie noté la citation ou même la page exacte, il semble que l'explication d'une part de la fascination pour Kohler, sa prose, est elle-même contenue dans le bouquin; les choses qu'il n'a lui-même pas écrit dans une sorte de rédaction de sa jeunesse, énumérées, ses raisons qui poussent à lire et qui sont après tout les notres, au moins les miennes.
Passons sur quelque chose qui titille, trille dès le début; Gass le constructeur utilise ce qu'à un autre niveau on appelle artifices; construction, puis les petits dessins, la déstructuration du texte dans son aspect visuel, les marques, les formes, la typographie. Qu'est un "autre niveau" ? qu'est le niveau de Gass ? je ne sais, hormis que Gass est haut. Simplement toutes ces choses qui parsèment le texte ne sont qu'extensions du texte, non; admettre que ce sont des extensions les fait se placer autre part; c'est le texte.
Dernier tiers a arriver, plus malin.
les trucs en rapport :
le tunnel,
Samuel Beckett,
William H. Gass
3.4.07
Le tunnel. Tiers approximatif (1).
(ou comment parler d'un bouquin après lecture d'environ son premier tiers et sans réel recul)
(parce qu'on ne sait pas comment aborder, parce qu'on a envie de le lire lentement)
L'innommable de Beckett était un point fixe, oublié. Son Malone mourant, lui, savait se mouvoir un minimum, écrire. Les deux s'inventaient (encore que de façons et dans des optiques différentes qui reviennent finalement au même) personnage sur personnage, comme couches successives d'eux-mêmes.
Le William Frederick Kohler de Gass est une sorte de Malone. Comme l'imprécis personnage de Beckett, ses pensées évoluent dans un monde réel mais peuplé de personnages imaginaires, plutôt de bouts de sa personne, projetés dans le passé. Abusif serait de prétendre que tous les évoqués comme connaissances passées de Kohler sont fictifs et ce même pour lui, reste au moins cela; dès le début du texte les preuves pour détectives en herbe pointent leur nez : Tabor "rafistole l'histoire" (p. 17), les amis de Kohler s'estompent, ses souvenirs s'assimilent à des "fientes de pigeons" (p.19), de quoi faire crépiter la limite entre un passé réel et des incarnations présentes. (Avec les pages qui tournent on trouvera quelques autres phrases pouvant aller dans le même sens, créant tout un réseau enfumé de personnages reliés autour de Kohler car étant, l'ensemble se formant par accumulations d'alter-ego.)
1) Les noms restent, ce qu'ils incarnent aussi, ce qu'ils étaient est évaporé, laissant à Kohler le bon soin du remplissage. 2) Tout est remplissage. Les deux se valent. Le parallèle s'accentue avec un Malone qui parlait, remplissait pour attendre sa mort, pour repousser peut-être un peu son échéance, y arriver sans s'en apercevoir. Simplement; pour passer le temps. Ils ont. commencé. C'est trop tard, lancé. Comme un narrateur hors de l'histoire, narrant le narrateur proposé, comme un narrateur hors du texte ou auteur plongé, une innommable entité conteuse à plusieurs degrés, hors du temps et de l'espace, faisant avancer inexorablement ses mots.
Mais revenons au début. Kohler transpire de moins en moins sur son dernier ouvrage "Culpabilité et innocence dans l'Allemagne de Hitler". Kohler est historien. Travestit-il l'histoire ? Bof. 3) qui n'est qu'un 1) modifié; les noms (Herschel, Governali, Culp,...) sortent de son "C & I" et son réintégrés au flot. Bof encore. Intéressant. Douteux aussi. Quoi qu'il en soit, à la place de l'introduction qu'il projette, il bloque et glisse dans son bouquin, pour les cacher à sa femme, feuille sur feuille, feuillets issus de pensées, souvenirs, famille, langues, auteurs, travers, femmes. Il creuse. Arrive le quart du bouquin, il creuse réellement sous chez lui. Réellement ? Si c'est un innommable, rien n'est plus douteux. Fi. Un vrai tunnel donc, qui rejoint l'autre, celui parlé, celui du parlé, du parler. On revient à Beckett, à Molloy, et on ne s'étonnerait pas qu'avec le temps, Kohler rampant devienne, s'exclame extasie sur la possibilité de reptation, pour toujours avancer, rejoindre, continuer.
4) Planmantee, Tabor, Culp, ... sont des ersatz des membres familiaux disparus, remis au(x) (dé)goût(s) du jour, parents détestés ou enfants oubliés, Kohler insuffle de nouvelles relations entre eux et lui.
5) Mélange.
6) Tout est vrai.
7) Mélange.
Rilke. Il parle de Rilke. Accumule les noms, fait son Jules César, donne une carte de visite sur un plateau (il pourrait être intéressant de chercher en détails larges si les noms des cartes de la page 95 existent et ont un quelconque intérêt. Logique voudrait que ce soient simplement de vrais noms nobilieux (des copainpines de Rilke...), et point barre.) estampillée Thurn & Taxis, qui fait entre autres penser à Pynchon, au Lot 49 d'ailleurs, cause de Gide, donne Flaubert, fait le malin, questionne, tourne son passé, ses collègues, amours, couilles. Femmes, trous. Kohler est ignoble. Kohler est intelligent. Kohler est raffiné, fascinant, imposant, poli cultivé. Ignoble. Dérangeant, fermé. On oublie.
(parce qu'on continuera, plus longuement, sans parler de Beckett. Ou peut-être que si.)
(parce qu'on ne sait pas comment aborder, parce qu'on a envie de le lire lentement)
L'innommable de Beckett était un point fixe, oublié. Son Malone mourant, lui, savait se mouvoir un minimum, écrire. Les deux s'inventaient (encore que de façons et dans des optiques différentes qui reviennent finalement au même) personnage sur personnage, comme couches successives d'eux-mêmes.
Le William Frederick Kohler de Gass est une sorte de Malone. Comme l'imprécis personnage de Beckett, ses pensées évoluent dans un monde réel mais peuplé de personnages imaginaires, plutôt de bouts de sa personne, projetés dans le passé. Abusif serait de prétendre que tous les évoqués comme connaissances passées de Kohler sont fictifs et ce même pour lui, reste au moins cela; dès le début du texte les preuves pour détectives en herbe pointent leur nez : Tabor "rafistole l'histoire" (p. 17), les amis de Kohler s'estompent, ses souvenirs s'assimilent à des "fientes de pigeons" (p.19), de quoi faire crépiter la limite entre un passé réel et des incarnations présentes. (Avec les pages qui tournent on trouvera quelques autres phrases pouvant aller dans le même sens, créant tout un réseau enfumé de personnages reliés autour de Kohler car étant, l'ensemble se formant par accumulations d'alter-ego.)
1) Les noms restent, ce qu'ils incarnent aussi, ce qu'ils étaient est évaporé, laissant à Kohler le bon soin du remplissage. 2) Tout est remplissage. Les deux se valent. Le parallèle s'accentue avec un Malone qui parlait, remplissait pour attendre sa mort, pour repousser peut-être un peu son échéance, y arriver sans s'en apercevoir. Simplement; pour passer le temps. Ils ont. commencé. C'est trop tard, lancé. Comme un narrateur hors de l'histoire, narrant le narrateur proposé, comme un narrateur hors du texte ou auteur plongé, une innommable entité conteuse à plusieurs degrés, hors du temps et de l'espace, faisant avancer inexorablement ses mots.
Mais revenons au début. Kohler transpire de moins en moins sur son dernier ouvrage "Culpabilité et innocence dans l'Allemagne de Hitler". Kohler est historien. Travestit-il l'histoire ? Bof. 3) qui n'est qu'un 1) modifié; les noms (Herschel, Governali, Culp,...) sortent de son "C & I" et son réintégrés au flot. Bof encore. Intéressant. Douteux aussi. Quoi qu'il en soit, à la place de l'introduction qu'il projette, il bloque et glisse dans son bouquin, pour les cacher à sa femme, feuille sur feuille, feuillets issus de pensées, souvenirs, famille, langues, auteurs, travers, femmes. Il creuse. Arrive le quart du bouquin, il creuse réellement sous chez lui. Réellement ? Si c'est un innommable, rien n'est plus douteux. Fi. Un vrai tunnel donc, qui rejoint l'autre, celui parlé, celui du parlé, du parler. On revient à Beckett, à Molloy, et on ne s'étonnerait pas qu'avec le temps, Kohler rampant devienne, s'exclame extasie sur la possibilité de reptation, pour toujours avancer, rejoindre, continuer.
4) Planmantee, Tabor, Culp, ... sont des ersatz des membres familiaux disparus, remis au(x) (dé)goût(s) du jour, parents détestés ou enfants oubliés, Kohler insuffle de nouvelles relations entre eux et lui.
5) Mélange.
6) Tout est vrai.
7) Mélange.
Rilke. Il parle de Rilke. Accumule les noms, fait son Jules César, donne une carte de visite sur un plateau (il pourrait être intéressant de chercher en détails larges si les noms des cartes de la page 95 existent et ont un quelconque intérêt. Logique voudrait que ce soient simplement de vrais noms nobilieux (des copainpines de Rilke...), et point barre.) estampillée Thurn & Taxis, qui fait entre autres penser à Pynchon, au Lot 49 d'ailleurs, cause de Gide, donne Flaubert, fait le malin, questionne, tourne son passé, ses collègues, amours, couilles. Femmes, trous. Kohler est ignoble. Kohler est intelligent. Kohler est raffiné, fascinant, imposant, poli cultivé. Ignoble. Dérangeant, fermé. On oublie.
(parce qu'on continuera, plus longuement, sans parler de Beckett. Ou peut-être que si.)
les trucs en rapport :
le tunnel,
Samuel Beckett,
William H. Gass
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